8 Ramenez la paix et l'amour Qui tombe après les feux du jour. Venez! . . . Mais des vapeurs funèbres Et tout rentre dans les ténèbres. MON cœur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses vœux importuner le sort; Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance, 12 Un asile d'un jour pour attendre la mort. Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée : Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée, 16 Me couvrent tout entier de silence et de paix. 20 Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure, Et non loin de leur source ils se perdent sans nom. La source de mes jours comme eux s'est écoulée ; Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour: Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée 4 N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour. La fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne, M'enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux; Comme un enfant bercé par un chant monotone 8 Mon âme s'assoupit au murmure des eaux. Ah! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure, J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature, J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ; Je viens chercher vivant le calme du Léthé. Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie : 16 L'oubli seul désormais est ma félicité. Mon cœur est en repos, mon âme est en silence; D'ici je vois la vie, à travers un nuage, Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile, Comme lui, de nos pieds secouons la poussière; Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne, Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ; L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne, 12 Et, seule, tu descends le sentier des tombeaux. Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ; Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours: Quand tout change pour toi, la nature est la même, 16 Et le même soleil se lève sur tes jours. De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore; 20 Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts. Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ; 24 Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon. |