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Européen, partout, sur ce rivage

Qui retentit de joyeuses clameurs,

Tu vois régner, sans trouble et sans servage,
La paix, les lois, le travail et les mœurs.

Des opprimés ces bords sont le refuge;
La tyrannie a peuplé nos déserts.
L'homme et ses droits ont ici Dieu pour juge.

8 Jours de triomphe, éclairez l'univers !

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Mais que de sang nous coûta ce bien-être !
Nous succombions; Lafayette accourut,

Montra la France, eut Washington pour maître,
Lutta, vainquit, et l'Anglais disparut.

Pour son pays, pour la liberté sainte,

Il a depuis grandi dans les revers.

Des fers d'Olmutz nous effaçons l'empreinte.
Jours de triomphe, éclairez l'univers !

Ce vieil ami que tant d'ivresse accueille

Par un héros ce héros adopté,

Bénit jadis, à sa première feuille,

L'arbre naissant de notre liberté.

Mais, aujourd'hui que l'arbre et son feuillage
Bravent en paix la foudre et les hivers,
Il vient s'asseoir sous son fertile ombrage.
Jours de triomphe, éclairez l'univers !

Autour de lui, vois nos chefs, vois nos sages,
Nos vieux soldats, se rappelant ses traits;
Vois tout un peuple et ses tribus sauvages
A son nom seul sortant de leurs forêts.

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L'arbre sacré sur ce concours immense
Forme un abri de rameaux toujours verts:
Les vents au loin porteront sa semence.
Jours de triomphe, éclairez l'univers !

L'Européen, que frappent ces paroles,
Servit des rois, suivit des conquérants :
Un peuple esclave encensait ces idoles ;
Un peuple libre a des honneurs plus grands.
Hélas! dit-il, et son œil sur les ondes
Semble chercher des bords lointains et chers :
Que la vertu rapproche les deux mondes !
Jours de triomphe, éclairez l'univers !

g.

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LES SOUVENIRS DU PEUPLE.

On parlera de sa gloire

Sous le chaume bien longtemps,
L'humble toit, dans cinquante ans
Ne connaîtra plus d'autre histoire.
Là viendront les villageois
Dire alors à quelque vieille :
Par des récits d'autrefois,

Mère, abrégez notre veille.
Bien, dit-on, qu'il nous ait nui,
Le peuple encor le révère,
Oui, le révère.

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Parlez-nous de lui, grand'mère,
Parlez-nous de lui.

Mes enfants, dans ce village,
Suivi de rois, il passa.
Voilà bien longtemps de ça :
Je venais d'entrer en ménage.
A pied grimpant le coteau
Où pour voir je m'étais mise,
Il avait petit chapeau
Avec redingote grise.
Près de lui je me troublai;
Il me dit: Bonjour, ma chère,
Bonjour, ma chère.

Il vous a parlé, grand'mère !
Il vous a parlé !

L'an d'après, moi, pauvre femme,

A Paris étant un jour,

Je le vis avec sa cour:

Il se rendait à Notre-Dame.

Tous les cœurs étaient contents;
On admirait son cortège.

Chacun disait: Quel beau temps !

Le ciel toujours le protège.

Son sourire était bien doux ;

D'un fils Dieu le rendait père,

Le rendait père.

- Quel beau jour pour vous, grand'mère !

Quel beau jour pour vous !

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Mais, quand la pauvre Champagne
Fut en proie aux étrangers,
Lui, bravant tous les dangers,
Semblait seul tenir la campagne.
Un soir, tout comme aujourd'hui,
J'entends frapper à la porte ;
J'ouvre. Bon Dieu! c'était lui,
Suivi d'une faible escorte.
Il s'assoit où me voilà,
S'écriant: Oh! quelle guerre !
Oh! quelle guerre !

- Il s'est assis là, grand'mère !
Il s'est assis là !

J'ai faim, dit-il; et bien vite
Je sers piquette et pain bis;
Puis il sèche ses habits,
Même à dormir le feu l'invite.
Au réveil, voyant mes pleurs,
Il me dit: Bonne espérance!
Je cours de tous ses malheurs
Sous Paris venger la France.
Il part; et, comme un trésor,
J'ai depuis gardé son verre,

Gardé son verre.

Vous l'avez encor, grand'mère !

Vous l'avez encor!

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Lui, qu'un pape a couronné,
Est mort dans une île déserte.·
Longtemps aucun ne l'a cru;
On disait il va paraître.
Par mer il est accouru;
L'étranger va voir son maître.
Quand d'erreur on nous tira,
Ma douleur fut bien amère !

Fut bien amère !

Dieu vous bénira, grand'mère,
Dieu vous bénira.

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10.

LE TOMBEAU DE MANUEL.

TOUT est fini; la foule se disperse ;
A son cercueil un peuple a dit adieu,
Et l'Amitié des larmes qu'elle verse
Ne fera plus confidence qu'à Dieu.
J'entends sur lui la terre qui retombe.
Hélas! Français, vous l'allez oublier.
A vos enfants pour indiquer sa tombe,
Prêtez secours au pauvre chansonnier.

Je quête ici pour honorer les restes
D'un citoyen votre plus ferme appui.
J'eus le secret de ses vertus modestes :
Bras, tête et cœur, tout était peuple en lui.

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