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Mon seul beau jour a dû finir,
Finir dès son aurore;

Mais pour moi ce doux souvenir
Est du bonheur encore:
En fermant les yeux, je revois
L'enclos plein de lumière,
La haie en fleur, le petit bois,

La ferme et la fermière !

Si Dieu, comme notre curé
Au prône le répète,

Paie un bienfait (même égaré),

Ah! qu'il songe à ma dette!
Qu'il prodigue au vallon les fleurs,
La joie à la chaumière,

Et garde des vents et des pleurs
La ferme et la fermière !

Chaque hiver, qu'un groupe d'enfants

A son fuseau sourie,

Comme les anges aux fils blancs

De la Vierge Marie;

Que tous, par la main, pas à pas,

Guidant un petit frère,
Réjouissent de leurs ébats

La ferme et la fermière !

ENVOI.

Ma chansonnette, prends ton vol!

Tu n'es qu'un faible hommage;

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Mais qu'en avril le rossignol

Chante, et la dédommage;

Qu'effrayé par ses chants d'amour,

L'oiseau du cimetière

Longtemps, longtemps, se taise pour

La ferme et la fermière !

HÉGÉSIPPE MOREAU. Janvier 1836.

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10.

LE REPOS DU SOIR.

QUAND le soleil se couche horizontal,

De longs rayons noyant la plaine immense,
Comme un blé mûr, le ciel occidental

De pourpre vive et d'or pur se nuance;
L'ombre est plus grande et la clarté s'éteint
Sur le versant des pentes opposées ;
Enfin le ciel par degré se déteint,
Le jour s'efface en des brumes rosées.

Reposons-nous,

Le repos est si doux !

Que la peine sommeille
Jusqu'à l'aube vermeille!

Dans le sillon, la charrue au repos
Attend l'aurore et la terre mouillée ;

Bergers, comptez et parquez les troupeaux ;

L'oiseau s'endort dans l'épaisse feuillée.

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Gaules en main, bergères aux doux yeux
A l'eau des gués mènent leurs bêtes boire ;
Les laboureurs ont délié les boeufs,

Et les chevaux soufflent dans la mangeoire.

Reposons-nous,

Le repos est si doux !

Que la peine sommeille
Jusqu'à l'aube vermeille!

Tous les fuseaux s'arrêtent dans les doigts;
La lampe brille, une blanche fumée
Dans l'air du soir monte de tous les toits;
C'est du repas l'annonce accoutumée :
Les ouvriers, si las quand vient la nuit,
Peuvent partir, enfin la cloche sonne;
Ils vont gagner leur modeste réduit,
Où sur le feu la marmite bouillonne.

Reposons-nous,

Le repos est si doux !
Que la peine sommeille
Jusqu'à l'aube vermeille!

La ménagère et les enfants sont là,

Du chef de l'âtre attendant la présence;

Dès qu'il paraît, un grand cri: "Le voilà ! "
S'élève au ciel, comme en réjouissance;
De bons baisers, la soupe, un doigt de vin,
Rendent la joie à sa figure blême ;

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Il peut dormir, ses enfants ont du pain,
Et n'a-t-il pas une femme qui l'aime?

Reposons-nous,

Le repos est si doux !
Que la peine sommeille

Jusqu'à l'aube vermeille!

Tous les foyers s'éteignent lentement;
Dans le lointain, une usine qui fume
Pousse de terre un sourd mugissement;
Les lourds marteaux expirent sur l'enclume.
Ah! détournons nos âmes du vain bruit
Et nos regards du faux éclat des villes;
Endormons-nous sous l'aile de la nuit
Qui mène en rond ses étoiles tranquilles !

Le

Reposons-nous,

repos est si doux ! Que la peine sommeille

Jusqu'à l'aube vermeille!

PIERRE DUPONT.

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