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Te souviens-tu que sur les Pyramides,
Chacun de nous osa graver son nom?
Malgré les vents, malgré la terre et l'onde,
On vit flotter, après l'avoir vaincu,

Notre étendard sur le berceau du monde :
Dis-moi, soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu que les preux d'Italie
Ont vainement combattu contre nous?
Te souviens-tu que les preux d'Ibérie

Devant nos chefs ont plié les genoux?

Te souviens-tu qu'aux champs de l'Allemagne
Nos bataillons, arrivant impromptu,

En quatre jours ont fait une campagne :
Dis-moi, soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu de ces plaines glacées
Où le Français, abordant en vainqueur,
Vit sur son front les neiges amassées
Glacer son corps sans refroidir son cœur?
Souvent alors au milieu des alarmes,
Nos pleurs coulaient, mais notre ceil abattu
Brillait encor lorsqu'on volait aux armes :
Dis-moi, soldat, dis-moi, t'en souviens-tu?

Te souviens-tu qu'un jour notre patrie
Vivante encor descendit au cercueil,
Et que l'on vit, dans Lutèce flétrie

Des étrangers marcher avec orgueil?

4.

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Grave en ton cœur ce jour pour le maudire,
Et quand Bellone enfin aura paru,

Qu'un chef jamais n'ait besoin de te dire :
Dis-moi, soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu

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Mais ici ma voix tremble,

Car je n'ai plus de noble souvenir;

Viens-t'en l'ami, nous pleurerons ensemble

En attendant un meilleur avenir.

Mais si la mort, planant sur ma chaumière,
Me rappelait au repos qui m'est dû,
Tu fermeras doucement ma paupière,
En me disant: Soldat, t'en souviens-tu ?

ÉMILE DEBRAUX.

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Et

7.

MA NORMANDIE.

QUAND tout renaît à l'espérance,
que l'hiver fuit loin de nous;
Sous le beau ciel de notre France,
Quand le soleil revient plus doux;
Quand la nature est reverdie,
Quand l'hirondelle est de retour,
J'aime à revoir ma Normandie ;
C'est le pays qui m'a donné le jour.

J'ai vu les champs de l'Helvétie,
Et ses châlets et ses glaciers;
J'ai vu le ciel de l'Italie,
Et Venise et ses gondoliers.

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En saluant chaque patrie,

Je me disais: "Aucun séjour
N'est plus beau que ma Normandie ;
C'est le pays qui m'a donné le jour."

Il est un âge dans la vie
Où chaque rêve doit finir,
Un âge où l'âme recueillie
A besoin de se souvenir.
Lorsque ma muse refroidie
Aura fini ses chants d'amour,
J'irai revoir ma Normandie ;

C'est le pays qui m'a donné le jour.

FRÉDÉRIC BÉRAT.

8.

LE JOUEUR D'ORGUE.

A GAVARD.

Nous montions lentement, et pour longtemps encore; Les ombres pâlissaient et pressentaient l'aurore, Et les astres tombants, humidement versés, 16 Épanchaient le sommeil aux yeux enfin lassés. Tout dormait je veillais, et, sous l'humble lumière, Je voyais cheminer, tout près de la portière, Un pauvre joueur d'orgue: il nous avait rejoints; 20 Ne pas cheminer seul, cela fatigue moins. Courbé sous son fardeau, gagne-pain de misère, Que surmontait encor la balle nécessaire,

Un bâton à la main, sans un mot de chanson,
Il tirait à pas lents, regardant l'horizon.

"Vie étrange, pensai-je, et quelle destineé!
4 Sous le ciel, nuit et jour, rouler toute l'année !
Jeune, l'idée est belle et ferait tressaillir;

Mais celui-ci se voûte, et m'a l'air de vieillir.
Que peut-il espérer? Rien au cœur, pas de joie;
8 Machinal est le son qu'aux passants il envoie."
Et je continuais dans mon coin à peser

Tous les maux, et, les biens, à les lui refuser.
Et par degrés pourtant blanchissait la lumière;
12 Son gris sourcil s'armait d'attention plus fière;
Sa main habituelle à l'orgue se porta :

Qu'attendait-il? . . . Soudain le soleil éclata,

Et l'orgue, au même instant, comme s'il eût pris flamme, 16 Fêta d'un chant l'aurore, et pria comme une âme.

Salut attendrissant, naif et solennel!

Cet humble cœur comprend les spectacles du ciel.
A l'éternel concert, sous la voûte infinie,

20 Pour sa part il assiste, et rend une harmonie.

Ainsi, Nature aimée, aux simples plus qu'aux grands,
Souvent aux plus chétifs, souvent aux plus errants,
Tu livres sans replis ta splendeur ou ta grâce.
24 L'opulent, l'orgueilleux, a perdu loin ta trace;
Le petit te retrouve : un beau soir, un couchant,
Quelque écho de refrain sous la lune en marchant ;
Le taillis matinal que le rayon essuie ;

28 Les champs de blés mouvants, rayés d'or et de pluie ;

Un vieux pont, un moulin au tomber d'un flot clair, Bruits et bonheurs sans nom qu'on respire avec l'air, Souvent on les sent mieux dans sa route indigente, 4 Et, même sous le faix, l'âme s'éveille et chante. SAINTE-BEUVE.

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9.

LA FERMIÈRE.

ROMANCE.

ÉTRENNES À MADAME G***.

AMOUR à la fermière ! elle est
Si gentille et si douce!

C'est l'oiseau des bois qui se plaît
Loin du bruit dans la mousse.
Vieux vagabond qui tends la main,
Enfant pauvre et sans mère,
Puissiez-vous trouver en chemin
La ferme et la fermière !

De l'escabeau vide au foyer,
Là, le pauvre s'empare,
Et le grand bahut de noyer

Pour lui n'est point avare;

C'est là qu'un jour je vins m'asseoir,
Les pieds blancs de poussière;

Un jour. . . puis en marche! et bonsoir,
La ferme et la fermière !

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