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4.

LE CHIEN DU LOUVRE.

BALLADE.

Paris

PASSANT, que ton front se découvre :
Là, plus d'un brave est endormi.

Des fleurs pour le martyr du Louvre !
Un peu de pain pour son ami !

C'était le jour de la bataille :

Il s'élança sous la mitraille;

Son chien suivit.

Le plomb tous deux vint les atteindre ;
Est-ce le maître qu'il faut plaindre?
Le chien survit.

Morne, vers le brave il se penche,
L'appelle, et, de sa tête blanche

Le caressant,

Sur le corps de son frère d'armes
Laisse couler ses grosses larmes
Avec son sang.

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Il veut que son maître l'entende;
Il gronde, il pleure, et lui demande
L'adieu du soir.

Si la neige, avec violence,

De ses flocons couvre en silence
Le lit de mort,

Il pousse un cri lugubre et tendre,
Et s'y couche pour le défendre
Des vents du nord.

Avant de fermer la paupière,
Il fait, pour relever la pierre,
Un vain effort.

Puis il se dit comme la veille :
"Il m'appellera s'il s'éveille."
Puis il s'endort.

La nuit, il rêve barricade :

Son maître est sous la fusillade

Couvert de sang;

Il l'entend qui siffle dans l'ombre,
Se lève et saute après son ombre
En gémissant.

C'est là qu'il attend d'heure en heure,
Qu'il aime, qu'il souffre, qu'il pleure,
Et qu'il mourra.

Quel fut son nom? C'est un mystère :
Jamais la voix qui lui fut chère
Ne le dira.

Passant, que ton front se découvre :
Là, plus d'un brave est endormi.
Des fleurs pour le martyr du Louvre !
Un peu de pain pour son ami!

CASIMIR DELAVIGNE

5.

LA BARQUE.

Frale barca,

Mi trovo in alto mar senza governo.

PETRARCA, s. 88.

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MON œil rêveur suit la barque lointaine
Qui vient à moi, faible jouet des flots;
J'aime à la voir déposer sur l'arène
D'adroits pêcheurs, de joyeux matelots.
Mais à ma voix nulle voix qui réponde !
La barque est vide, et je n'ose approcher.
Nacelle vagabonde,

A la merci de l'onde,

Pourquoi voguer sans rame et sans nocher?

La mer paisible et le ciel sans nuage
Sont embellis des feux du jour naissant ;
Mais dans la nuit grondait un noir orage;
L'air était sombre et le flot menaçant ! . . .
Quand l'espérance, en promesses féconde,
Ouvrit l'anneau qui t'enchaîne au rocher,

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Nacelle vagabonde,

A la merci de l'onde,

Pourquoi voguer sans rame et sans nocher?

Oui, ton retour cache un triste mystère !
D'un poids secret il oppresse mon cœur.
Sur cette plage, errante et solitaire,
J'ai vu pleurer la femme du pêcheur !
Es-tu l'objet de sa douleur profonde?
Ses longs regards allaient-ils te chercher?
Nacelle vagabonde,

A la merci de l'onde,

Pourquoi voguer sans rame et sans nocher?

MADAME TASTU.

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6.

SOUVENIRS D'UN VIEUX MILITAIRE.

TE souviens-tu, disait un capitaine

Au vétéran qui mendiait son pain,

Te souviens-tu qu'autrefois dans la plaine
Tu détournas un sabre de mon sein?
Sous les drapeaux d'une mère chérie,
Tous deux jadis nous avons combattu;
Je m'en souviens, car je te dois la vie :
Mais, toi, soldat, dis-moi, t'en souviens-tu ?

Te souviens-tu de ces jours trop rapides,
Où le Français acquit tant de renom?

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