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Qui montent dans les airs, sans nombre,
Comme des mâts ou des rochers,
Où mille lumières flamboient
Au sein des ombres qui la noient;
Je veux voir des sites nouveaux :
Postillons, pressez vos chevaux !

Mais ils sont las, et leurs narines,
Rouges de sang, soufflent du feu;
L'écume inonde leurs poitrines,
Il faut nous arrêter un peu.
Halte demain, plus vite encore,
Aussitôt que poindra l'aurore,
Postillons, pressez vos chevaux,
Je veux voir des sites nouveaux.

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QUE la pluie à déluge au long des toits ruisselle! Que l'orme du chemin penche, craque et chancelle Au gré du tourbillon dont il reçoit le choc! 4 Que du haut des glaciers l'avalanche s'écroule ! Que le torrent aboie au fond du gouffre, et roule Avec ses flots fangeux de lourds quartiers de roc!

Qu'il gèle! et qu'à grand bruit, sans relâche, la grêle 8 De grains rebondissants fouette la vitre frêle !

Que la bise d'hiver se fatigue à gémir!

Qu'importe? n'ai-je pas un feu clair dans mon âtre, Sur mes genoux un chat qui se joue et folâtre, 12 Un livre pour veiller, un fauteuil pour dormir?

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4.

TOMBÉE DU JOUR.

Le jour tombait, une pâle nuée
Du haut du ciel laissait nonchalamment,
Dans l'eau du fleuve à peine remuée,
Tremper les plis de son blanc vêtement.

La nuit parut, la nuit morne et sereine,
Portant le deuil de son frère le jour,
Et chaque étoile à son trône de reine,
En habits d'or s'en vint faire sa cour.

On entendait pleurer les tourterelles,

Et les enfants rêver dans leurs berceaux ;
C'était dans l'air comme un frôlement d'ailes,
Comme le bruit d'invisibles oiseaux.

Le ciel parlait à voix basse à la terre ;

Comme au vieux temps ils parlaient en hébreu,
Et répétaient un acte de mystère ;

Je n'y compris qu'un seul mot: c'était Dieu.

1834.

5.

COMPENSATION.

IL naît sous le soleil de nobles créatures

Unissant ici-bas tout ce qu'on peut rêver,

Corps de fer, cœur de flamme, admirables natures.

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Dieu semble les produire afin de se prouver;

Il prend, pour les pétrir, une argile plus douce,
Et souvent passe un siècle à les parachever.

Il met, comme un sculpteur, l'empreinte de son pouce
Sur leurs fronts rayonnant de la gloire des cieux,
Et l'ardente auréole en gerbe d'or y pousse.

Ces hommes-là s'en vont, calmes et radieux,
Sans quitter un instant leur pose solennelle,
Avec l'œil immobile et le maintien des dieux.

Leur moindre fantaisie est une œuvre éternelle,
Tout cède devant eux; les sables inconstants

Gardent leurs pas empreints, comme un airain fidèle.

Ne leur donnez qu'un jour ou donnez-leur cent ans,
L'orage ou le repos, la palette ou le glaive:
Ils mèneront à bout leurs destins éclatants.

Leur existence étrange est le réel du rêve;
Ils exécuteront votre plan idéal,

Comme un maître savant le croquis d'un élève.

Vos désirs inconnus, sous l'arceau triomphal
Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte,
Passent assis en croupe au dos de leur cheval.

D'un pied sûr, jusqu'au bout ils ont suivi la route
Où, dès les premiers pas, vous vous êtes assis,
N'osant prendre une branche au carrefour du doute.

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De ceux-là chaque peuple en compte cinq ou six,
Cinq ou six tout au plus, dans les siècles prospères,
Types toujours vivants dont on fait des récits.

Nature avare, ô toi, si féconde en vipères,

En serpents, en crapauds tout gonflés de venins,
Si prompte à repeupler tes immondes repaires,

Pour tant d'animaux vils, d'idiots et de nains,
Pour tant d'avortements et d'œuvres imparfaites,
Tant de monstres impurs échappés de tes mains,

Nature, tu nous dois encor bien des poëtes!

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