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l'aiguille était à l'est de la méridienne géographique; la déclinaison égalait 11° 30'. L'écart angulaire, après avoir décru d'une manière certaine, a passé par zéro en 1663. Puis la déclinaison est devenue occidentale, et, en 1814, elle a atteint un maximum de 22° 34'. Depuis cette époque, célèbre à la fois dans l'histoire et dans la science, la déclinaison a constamment diminué; elle n'égale plus aujourd'hui que 18° environ.

Les variations annuelles n'ont frappé les physiciens que vers la fin du dix-huitième siècle. Le premier, Cassini, remarqua, en 1784, que, depuis l'équinoxe du printemps jusqu'au solstice d'été, l'aiguille aimantée rétrograde vers l'est, tandis qu'elle revient vers l'ouest du 22 juin au 24 mars suivant. Il évalua à une vingtaine de minutes l'amplitude de l'oscillation pour une année.

Soixante-deux ans avant la découverte des variations annuelles, en 1722, Graham avait observé des variations diurnes. Ces dernières sont surtout sensibles de sept heures du matin à dix heures du soir. Au lever du soleil, l'aiguille se met en marche vers l'ouest et ne s'arrête qu'à une heure de l'après-midi. Elle rétrograde ensuite vers l'est jusqu'au soir et demeure à peu près immobile pendant la nuit. Les variations diurnes sont très-faibles; on ne peut les observer qu'avec de longues aiguilles d'une extrême mobilité. Dans nos climats, la valeur moyenne de ces variations est de 14 à 15′ pendant le printemps et l'été, et de 8 à 10' pendant l'automne et l'hiver. Dans les régions septentrionales, l'amplitude des oscillations est plus grande qu'à Paris; elle diminue, au contraire, à mesure qu'on s'avance vers l'équateur magnétique 1.

Cela posé, arrivons à d'autres variations qu'éprouve accidentellement l'aiguille aimantée : les physiciens les désignent sous le nom de perturbations; elles correspondent à des orages magnétiques.

Les orages magnétiques que nous accuse le trouble de nos boussoles sont-ils dus à des perturbations survenues dans l'équilibre atmos

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1. De même que la déclinaison, l'angle que fait, avec l'horizon, une aiguille aimantée mobile, dans le plan même du méridien magnétique, autour d'un axe horizontal, l'inclinaison, en un mot, éprouve des variations séculaires, annuelles et diurnes. A Paris, en 1671, l'angle d'inclinaison était de 75°. Depuis cette époque, il a constamment diminué et n'égale plus aujourd'hui que 66o environ. Des changements analogues ont été observés à Londres et à Genève. Les variations annuelles et diurnes de l'inclinaison sont générale ment faibles. M. Hansteen, qui s'est particulièrement occupé de cette question, a reconnu que l'inclinaison est, en été, d'une quinzaine de minutes plus forte qu'en hiver, et que, dans une même journée, l'angle décroît, dans l'après-midi, de quatre à cinq minutes.

phérique? Doit-on les classer parmi les phénomènes météorologiques et les regarder comme de purs accidents n'ayant qu'une étendue et une influence locale? Des savants l'ont prétendu. - Justice est faite, aujourd'hui, de leurs théories; mais la nature ne livre pas facilement ses secrets; il a fallu les lui surprendre. Pour découvrir la loi des perturbations magnétiques dites irrégulières, on a dû se mettre, pour ainsi dire, en embuscade. Des postes d'observation ont été disséminés çà et là, et, malgré ses ruses et ses défiances, la nature s'est laissé prendre sur le fait.

Cette tactique fut inaugurée, en 1806, par l'illustre baron de Humboldt. Après l'expédition scientifique qu'il avait entreprise avec M. Aimé Bonpland dans les régions équinoxiales de l'Amérique, après ses explorations au Mexique, à Cuba, dans la Colombie, dans les Cordillères et sur les rivages de l'Orénoque et de l'Amazone, de retour dans ses foyers, Humboldt résolut de pénétrer le secret des perturbations de l'aiguille aimantée, et, dans l'espoir d'y arriver, fonda un observatoire magnétique. C'était une salle rectangulaire, longue d'une dizaine de mètres, et dirigée dans le sens du méridien. Aucune pièce de fer n'entrait dans la construction de cette salle; sur le plancher, une ligne représentait la méridienne magnétique et un théodolite faisait connaître les déplacements angulaires de l'aiguille de la boussole. A deux reprises, Humboldt, assisté de M. Oltmanns, épia, pendant cinq jours sans interruption, les moindres mouvements de l'aiguille; il ne put découvrir la loi des perturbations.

Vers 1820, Arago ayant institué à Paris des observations horaires, reconnut, en les comparant avec celles de Kazan, que les perturbations étaient simultanées. Il y avait peut-être quelque témérité à procéder par induction et à affirmer que les variations accidentelles du magnétisme terrestre sont contemporaines : c'est cependant ce que fit Arago. Frappé de cette hardiesse, Humboldt voulut être à même d'appuyer ou de condamner une telle conclusion: en 1828, il organisa des observations simultanées à Berlin, à Paris, dans les mines de Freiberg, etc. Un an plus tard, d'après le vœu de l'empereur de Russie, des stations magnétiques furent installées sur une plus vaste échelle. Enfin, en 1832, Gauss et Weber fondèrent l'Association magnétique allemande et établirent de nouvelles stations. Une ville du royaume de Hanovre, ville célèbre par l'Université qu'y avait fondée, en 1735, le roi George II, fut choisie pour centre d'opération; les horloges de chaque station furent réglées sur le temps moyen de son observatoire, et, six fois par an, à des dates désignées, dans les relations scientifiques, sous le nom de jours-époques, un signal partait de Gættingue. Pendant vingt-quatre heures de suite, on enregistrait, de

cinq minutes en cinq minutes, les moindres manifestations de l'aiguille aimantée.

En comparant les résultats obtenus, au même instant, dans les différents postes d'observations, l'Union allemande fut conduite à ces conclusions: Que les variations accidentelles du magnétisme terrestre ont lieu simultanément; que la correspondance des mouvements est incontestable; qu'il y a par conséquent lieu de repousser l'hypothèse qui attribue les variations magnétiques à des influences locales; qu'il n'est d'ailleurs pas possible d'admettre que les agitations de la boussole sont dues à des dérangements survenus dans l'équilibre atmosphérique, puisqu'il est prouvé que les ouragans ne produisent aucun effet appréciable sur l'aiguille aimantée.

La simultanéité des variations de la déclinaison une fois mise hors de doute, l'Union allemande traça des courbes représentant les grandeurs des variations aux différentes latitudes. La seule inspection de ces courbes montra que les anomalies sont de plus en plus faibles à mesure que l'on s'avance vers le sud.

Afin de procéder à ses observations, Gauss avait installé à Gottingue des appareils dont il était l'inventeur, et qui lui permettaient de suivre les plus faibles écarts du magnétisme terrestre. Ces appareils étaient au nombre de trois le premier, nommé déclinomètre, lui servait à mesurer la déclinaison absolue; les deux autres lui fournissaient les éléments nécessaires pour évaluer l'intensité de la force magnétique du globe. On se sert encore de deux de ces instruments dans les observatoires magnétiques; il nous paraît donc à propos d'en donner une rapide esquisse.

Le déclinomètre se compose d'un barreau aimanté, porté par deux étriers en laiton, dont la forme en croix est telle que l'on peut, suivant les besoins, placer le barreau soit de champ, soit de face. Une anse relie les deux étriers; cette anse repose sur un cercle gradué, et le cercle est lui-même suspendu à un faisceau de fils de cocon. Il est essentiel, pour que les expériences soient exactes, que les fils de ce faisceau soient parallèles et sans torsion; si une torsion quelconque se manifeste, on la détruit en faisant tourner le cercle gradué sous l'anse des étriers. Le barreau aimanté est lesté par des poids de 500 grammes, fixés, à des distances variables, sur une traverse en bois disposée en croix avec le barreau, au-dessous du fil de suspension.

A l'une des extrémités de l'aimant est un miroir plan, perpendiculaire à l'axe magnétique de l'instrument. Ce miroir est placé de manière à donner l'image d'une échelle horizontale placée au pied du théodolite. Pour de très-petites déviations du barreau aimanté, l'image

du zéro se déplace notablement, et, comme on connaît la distance du théodolite au miroir, on déduit la valeur de la déviation des divisions qui passent devant le fil du micromètre de la lunette.

Tel est, en résumé, le déclinomètre qu'on appelle aussi magnétomètre unifilaire de Gauss.

Les deux autres appareils imaginés par ce savant pour évaluer l'intensité de la force magnétique au moyen des composantes horizontale et verticale, sont le magnétomètre bifilaire et le magnétomètrebalance. Voyons en quoi consiste le premier de ces instruments.

Le magnétomètre bifilaire sert à mesurer la composante horizontale et l'intensité magnétique du globe. Pour comprendre le principe sur lequel il repose, imaginons une barre pesante suspendue par deux fils verticaux et d'égale longueur. Ces fils sont attachés à la même distance du centre de gravité de la barre; il en résulte que, si l'on imprime à cette barre un mouvement de rotation autour de la verticale passant par son centre de gravité, les fils cesseront d'être verticaux et parallèles, ils deviendront obliques, la barre sera soulevée, et oscillera pendant un certain temps avant de s'arrêter à sa position d'équilibre.

Pour retenir la barre écartée de sa position normale, il faudrait faire un certain effort; c'est cet effort qu'on appelle force de direction. La force de direction varie avec la longueur des fils, leur distance, le poids de la barre et l'angle d'écart. Pour préciser davantage, elle est en raison inverse de la longueur des fils, et directement proportionnelle à leur distance, au poids de la barre et au sinus de la déviation.

Cela posé, remplaçons la barre par un aimant. Si l'aimant est suspendu dans le méridien magnétique, le pôle austral tourné vers le nord, l'appareil sera évidemment en équilibre, et même la force de direction sera plus considérable que lorsqu'il s'agissait d'un corps non aimanté, car l'influence magnétique s'ajoutera à la force directrice des fils.

Que l'on renverse maintenant le barreau de manière à tourner son pôle boréal vers le nord, l'équilibre n'aura lieu que si la force directrice des fils l'emporte sur celle de l'aimant. Dans tous les cas, la résultante se réduira à une différence, au lieu d'être une somme comme précédemment. Afin que l'action du magnétisme soit aussi efficace que possible, on place l'aimant dans un plan à peu près perpendiculaire au méridien magnétique.

Pour apprécier les variations de la composante verticale du magnétisme terrestre, Gauss se servait du magnétomètre-balance. Nous renverrons le lecteur pour la description de cet instrument, qui a subi

de nombreuses modifications, à l'excellent Traité d'électricité et de magnétisme de M. Becquerel; nous nous bornerons à dire, avant de quitter les magnétomètres, que, de nos jours, dans la plupart des observatoires, les instruments enregistrent eux-mêmes les résultats qu'ils fournissent, grâce au secours que leur prête la photographie.

Vers 1836, l'Angleterre entra dans l'Union allemande, et le premier résultat de son admission fut l'extension du système des jours-époques, inaugurés autour de l'observatoire de Gættingue. Dès 1843, on put recueillir et comparer des observations faites simultanément dans toutes les parties du monde en Sibérie, en Russie, à Kiew, à Paris, à Prague, à Breslau, à Sainte-Hélène, au Cap, à l'Ile de France, à Ceylan, à Pékin, au Canada, à Philadelphie et sur la terre australienne de Van Diémen.

Il ne restait plus qu'à apprendre à lire dans le recueil des observations faites à de telles distances; car, ainsi que l'a dit un savant, « si un homme n'a pas l'esprit de groupement et de combinaison, s'il ne sait pas déduire une loi générale des expériences particulières qu'il a faites, autant vaudrait pour lui tenir registre de ses rêves que de prendre note de phénomènes dont le lien lui échappe. » Les faits furent donc recueillis, étudiés, commentés, interprétés, et tous les rapports confirmèrent les conclusions un peu prématurées d'Arago: les orages magnétiques ne sont pas des phénomènes isolés; ils ont lieu, au même instant, dans toutes les parties du monde; ils ne dépendent donc pas d'une cause locale. Bien plus, ajoutèrent les rapporteurs, lorsqu'on observe les phénomènes dans leur ensemble, on constate qu'ils présentent un caractère non équivoque de périodicité; ils semblent même suivre une loi dépendant de l'heure solaire vraie, d'où résulte un système de variations diverses, différent de celui de Cassini.

Consultons, sur ce sujet, un Mémoire communiqué à la Société royale de Londres, par le général Sabine, et reproduit dans l'un des derniers numéros des Annales de chimie et de physique :

<< La relation des perturbations magnétiques avec une loi dépendant de l'heure solaire, dit l'auteur du Mémoire, fut la première circonstance connue qui fit penser aú soleil comme à leur cause primitive, tandis qu'en même temps une différence dans le mode de production de la variation diurne régulière et de la variation diurne perturbatrice semblait indiquée par un fait essentiel. En effet, dans la variation perturbatrice, l'heure locale du maximum ou du minimum change d'un méridien à l'autre, pendant que la variation régulière

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