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dans le château, les autres des malles et des boëtes remplies, disoient-ils, d'assignats, d'or, de bijoux et d'effets précieux. On applaudit à leur désintéressement, et l'assemblée, pour leur donner une preuve de sa confiance, les chargea de les porter euxmêmes à la nouvelle commune.

A ceux-là succède un nommé Clément, (c'est Chabot qui apprend son nom à l'assemblée). Il tient un Suisse par la main. « Cet homme a voulu m'assassiner, dit-il, moj je veux le sauver. A ces mots, il tombe ou feint de tomber évanoui. Il se relève et se jette au col du Suisse. « Voyez, s'écrie-t-on, comme ce bon peuple se venge de ses ennemis.

Quelque minutieux que soient ces derniers détails, nous n'avons pas cru devoir les passer sous silence; ils peuvent jetter quelque jour sur le caractère particulier des auteurs de cette journée, et mettre en évi→ dence leur adresse à manier et capter l'esprit de la populace. Mais ce qui appartient sur-tout à l'histoire, c'est, le compte-rendu par Roederer, et par l'assemblée au peuple Français.

Dans des circonstances bien différentes, lors de la fuite du roi à Varennes, l'assemblée constituante avoit cru nécessaire de faire une adresse aux Français pour les inviter à la paix et à l'union; l'assemblée législative voulut imiter son exemple, et décréta, sur la proposition de Condorcet, une semblable adresse contenant l'exposition des motifs de sa conduite. Nous serons de la plus ponctuelle fidélité dans l'extrait que nous allons en donner.

Après un long résumé des principaux griefs imputés à Louis XVI, tels que la protection accordée aux émigrés, sa connivence avec l'empereur, sa tardive déclaration de guerre, l'apposition de son veto sur les décrets concernant les prêtres insermentés, et le camp de 20000 hommes sous les murs de Paris; sa lettre de satisfaction à sa garde licenciée, et le renvoi des ministres Roland, Clavière et Servan, l'assemblée passe à la journée du 20 Juin.

« Les nouveaux ministres, dit-elle, excitoient de justes défiances, et comme ces défiances ne pouvoient plus s'arrêter sur eux, elles portèrent sur le roi lui-même. L'application du refus de

sanction aux décrets nécessités par les circonstances, et dont l'exécution devoit être prompte et cesser avec elles, fut regardée, dans l'opinion générale, comme une interprétation de l'acte constitutionnel, contraire à la liberté et à l'esprit même de la constitution. L'agitation du peuple de Paris fut extrême: une foule immense de citoyens se réunirent pour former une pétition; ils y sollicitoient le rappel des ministres patriotes, et la rétractation du refus de sanctionner des décrets en faveur desquels l'opinion publique s'étoit hautement manifestée. Ils demandèrent à défiler en armes devant l'assemblée nationale, après que leurs députés auroient lu leur pétition. Cette permission, que d'autres corps armés avoient déjà obtenue leur fut accordée. Ils desiroient présenter au roi la même pétition. et la présenter sous les formes établies par la loi; mais au moment ou des officiers municipaux venoient leur annoncer que leurs députés, d'abord refusés, alloient être admis, la porte s'ouvrit, et la foule se précipita dans le château. Le zèle du maire de Paris, l'ascendant que ses vertas et son patriotisme lui donnent sur les citoyens, la présence des représentans du peuple dont les députations successives entourèrent constamment le roi, prévinrent tous les désordres, et peu de rassemblemens aussi nombreux en ont moius produit,

» Le roi avoit arboré les enseignes de la li

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berté;

berté, il avoit rendu justice aux citoyens, en déclarant qu'il se croyoit en sûreté au milieu d'eux. Le jour de la fédération approchoit; des ciroyens de tous les départemens devoient se rendre à Paris, y jurer de maintenir cette liberté pour laquelle ils alloient combattre aux frontières, et tout pouvoit encore se réparer. Mais les ministres ne virent dans les évènemens du 20 juin, qu'un moyen favorable de semer la division entre les habitans de Paris et ceux des départemens, entre le peuple et l'armée, entre les diverses portions de la garde natio nale, entre les citoyens qui restoient dans leurs foyers et ceux qui voloient à la défense de l'état. Dès le lendemain, le roi changea de langhge; une proclamation calomnieuse fut distribuée avec profusion dans les armées : un de leurs généraux vint, au nom de la sienne, demander vengeance et désigner ses victimes : un assez grand nombre de directoires de département, dans des arrêtés inconstitutionnels, laissèrent entrevoir leur projet formé dès long-tems, de s'élever comme une puissance intermédiaire entre le peuple et ses représentans, entre l'assemblée nationale et le roi. Des juges de paix commencèrent dans le château même des Tuileries, une procédure ténébreuse, dans laquelle on espéroit envelopper ceux des patriotes dont on redoutoit le plus la vigilance et les talens. Déjà l'un des juges avoit essayé de porrer atteinte

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à l'inviolabilité des représentans du peuple, et tout annonçoit un plan adroitement combiné pour trouver dans l'ordre judiciaire, un moyen de donner à l'autorité royale une extension arbitraire.

» Des lettres du ministre de l'intérieur ordonnoient d'employer la force contre les fédérés qui viendroient faire à Paris le serment de combattre pour la liberté, et il a fallu toute l'activité de l'assemblée nationale, tout le patriotisme de Parmée, tout le zèle des citoyens éclairés, pour prévenir les effets finestes de ce projet désor ganisateur qui pouvoit allumer la guerre civile. Uu mouvement de patriotisme avoit éteint, dans une réunion fraternelle, les divisions qui s'étoient manifestées trop souvent dans l'assemblée nationale, et il pouvoit en naître encore un moyen de salut. Les poursuites commencées de l'ordre du roi, à la requête de l'intendant de la liste civile, pouvoient être arrêtées : le ver. tueux Pétion; puni par une suspension injuste, d'avoir épargné le sang du peuple, pouvoit être rétabli par le roi ; et il étoit possible que cette longue suite de fautes et de trahisons retombât encore toute entière sur ces conseillers perfides, auxquels un peuple confiant avoit la longue habitude d'attribuer tous les crimes de nos rois >>.

I Condorcet place de nouveaux détails sur les nouveaux complots de la cour;

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