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sonique. Et bien sur le même sujet. Magne sere pise court, et en même temps plus incisif et pas fet : piza

« Je viens d'entretenir en lubien qui a servy Je len Cardinal Caraffe de maistre d'hostel jusques à sa mort..... Il m'a fait un discours de cette science de gueule avec une gravité et contenance magistrale, connev'il m'east parlé de quelque grand point de theokgje..... Et tout cela enflé de riches et magnifiques paroles, et de celles mesmes qu'on employe à traiter d'a gouvernement d'un empire. Il m'est souvenu de mon homme. »

Que conclure, Messieurs, de ce parallèle? Que, dans la morale descriptive, comme dans l'épopée et sur la scène, les grands traits appartiennent aux Anciens, les nuances délicates, les profonds aperçus aux Modernes.

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D'ailleurs, le livre de La Bruyère, avec toute sa malice philosophique, est empreint d'un sentiment, je dirai plus, d'une vertu inconnue dans les républiques anciennes, l'amour de l'humanité, ce divin reflet de la charité chrétienne. Combien l'ironie et l'indignation du satirique animent les accents de ce véritable philanthrope! « L'on voit certains animaux farouches, des måles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible. Ils ont comme une voix articulée; et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine, et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines: ils éparguent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour

Essais, liv. I, ch. 51.

vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé1. » Energique peinture, vraie alors et presque courageuse; aujourd'hui fausse, grâce à Dieu! et perfidement copiée par une plume tristement célèbre ! Ni Théophraste, ni Aristote, ni Platon lui-même ne poussèrent jamais de telles plaintes sur le misérable sort de l'esclave.

La grande supériorité de La Bruyère, vainement contestée par d'Olivet et par Rochefort, 2 se passe fort bien des injustes critiques dont Théophraste a été l'objet. Un spirituel écrivain, qui ne sentait pas l'antiquité, va jusqu'à dire qu'avec ce dernier le lecteur se trouve souvent en mauvaise compagnie 3. Cela signifie seulement qu'il n'y a pas identité entre un courtier du Pirée et un traitant, et que l'ami de l'oligarchie diffère un peu du courtisan de Versailles. La Bruyère traducteur avait lui-même répondu d'avance au reproche de Delille: « Que peuvent-ils faire de plus utile et de plus agréable pour eux, ces censeurs, que de se défaire de cette prévention pour leurs coutumes et leurs manières qui, sans autre discussion, leur fait presque décider que tout ce qui n'y est pas conforme est méprisable? 4 » La

La Bruyère, chap. XI.

2 D'Olivet, Histoire de l'Académie Franç., art. La Bruyère. Rochefort, Observat. sur les Caractères moraux de Théophraste; Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XLVI.

3 Delille, art. La Bruyère, dans la Biographie Universelle des frères Michaud.

✦ Discours sur Théophraste. Même observation dans le Mémoire de Rochefort cité plus haut, et dans l'art. Théophraste, par M. P.-F. Tissot, de l'Académie Française (Dictionnaire de la Conversation).

ressemblance du portrait suffisait à Théophraste; par là, il atteignait le double but de l'art et de la morale : or, nous n'avons pas le droit de nier cette ressemblance. Loin de là, après avoir relu Aristophane, quelques plaidoyers civils d'Isée et de Démosthène, les fragments de Ménandre, j'affirmerais volontiers qu'en publiant l'œuvre de sa vieillesse, Théophraste aussi aurait pu dire: << Je rends au public ce qu'il m'a prêté ».

QUELQUES RECHERCHES

SUR

LE TOMBEAU DE VIRGILE,

PAR G. PEIGNOT.

MESSIEURS,

Un rameau du laurier qui ombrage le tombeau de Virgile près de Naples, m'étant dernièrement parvenu, j'ai cru devoir faire quelques recherches sur l'histoire de ce tombeau dont on parle beaucoup, mais qu'en réalité l'on connaît peu, parce qu'aucun écrivain, du moins que je sache, ne s'en est occupé spécialement. Comme ce sujet rappelle le souvenir de l'un des plus beaux génies de l'antiquité, il m'a semblé que le résultat de ces recherches ne serait peut-être pas indigne de fixer un instant votre attention; je me hasarde donc, Messieurs, à vous faire part de ce faible travail, et à prier l'Académie d'en agréer l'hommage.

Dans cet opuscule, j'exposerai en premier lieu les opinions des savants sur l'origine du tombeau de Virgile; je parlerai ensuite de certains pélerinages dont il a été l'objet, et du laurier merveilleux qui le couvre; enfin je terminerai par le récit de quelques honneurs particuliers rendus à la mémoire du divin poète.

Voyons d'abord si le vieux monument dont il existe encore une partie en ruine sur le revers du mont Pausilippe, à l'entrée du chemin souterrain qui conduit de

Naples à Pouzzol, est réellement le tombeau de Virgile. Quoique la tradition lui ait constamment donné ce nom, la chose n'en est pas moins douteuse et la question assez difficile à résoudre, car si rien ne prouve que ce soit véritablement le tombeau du poète, il faut convenir aussi que rien ne prouve le contraire. On pourrait peut-être pencher pour l'affirmative, d'après les détails rapportés dans une Vie de Virgile qui date du v2 siècle2, et où il est dit que ce grand homme, revenant d'Athènes, mourut à Brindes, sous le consulat de C. Sentius et de Q. Lucretius, le 10 des calendes d'octobre, c'est-àdire le 22 septemb. de l'an 19 av. J. C. 3. L'auteur nous

Une note sur le mont Pausilippe est renvoyée à la fin du Mémoire.

2 Cette vie est attribuée à Ælius Donatus, célèbre grammairien qui vivait en 354, et qui a été le précepteur de St. Jérôme. On pense que cette biographie peut bien avoir été composée dans le principe par cet Ælius Donat, mais qu'ensuite elle a été altérée par un autre Donat, nommé Tiberius Claudius Donatus, qui a vécu postérieurement à Ælius, et plus altérée encore par les copistes et par les légendaires qui y ont ajouté des prodiges attribués à Virgile dont ils ont fait un magicien, un homme à sortilège.

Cependant il faut convenir que les détails de la vie de ce poète ne sont connus que par cet ouvrage, et qu'ils paraissent très-avérés dans tout ce qui ne tient point aux fables et aux su→ perstitions dont on a surchargé ce livre dans le moyen âge.

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3 Virgile avait alors 51 ans 11 mois et 8 jours, étant né dans les environs de Mantoue, sous le consulat de Licinius Crassus et de Cn. Pompeius Magnus, le jour des ides d'octobre, l'an 684 de R., c'est-à-dire le 15 octobre de l'an 70 av. J.-C. Si l'on est d'accord sur cette date, on ne l'est pas également sur le lieu précis de sa naissance. Les Anciens ont tous nommé Andes

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