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autres anciens interprètes des orateurs, semble avoir rédigé un commentaire variorum, n'est souvent qu'un bavard ignorant et brouillon;

Les scolies supplémentaires réunies par Dobson, t. x et xii de ses Oratores Attici; le lexique d'Harpocration;

Les arguments de Libanius, et les imitations nombreuses que présentent ses Declamationes Demosthenicæ; les arguments grecs anonymes; les Declamationes Leptineæ d'Elius Aristide;

Enfin, les citations des critiques et des rhéteurs anciens, toutes les fois qu'elles peuvent débrouiller le sens des morceaux cités; et même, Thucydide, Isocrate, Salluste et Cicéron, pour plusieurs phrases controversées, où Démosthène imite les deux premiers, et est imité par les deux autres.

Pour la partie historique et géographique de ces éclaircissements, j'ai consulté surtout Thucydide, Xénophon, Diodore, liv. xvi, etc.; Strabon et Pausanias.

Souvent ces secours m'ont suffi. Quand ils étaient impuissants, préférant les conjectures des autres aux miennes, j'ai recouru, avec choix, aux travaux des éditeurs et des traducteurs modernes. Toutes les dissertations du recueil de Dobson, plusieurs traités récents de Schoemann, de Westermann, de Winiewski, ont été lus avec soin; et Boeckh, qui, dans son excellent livre sur l'Economie politique des Athéniens, cite et explique souvent Démosthène, a prêté pour la première fois à un traducteur français l'appui le plus utile.

Mais tous ces documents n'auraient pu produire encore un résultat certain, si je n'avais eu un guide pour me diriger, un conseiller judicieux pour les coordonner.

J'ai trouvé l'un et l'autre dans le vénérable Schæfer, dont l'Apparatus a été constamment sous mes yeux 1.

J'ai dit plus haut comment je comprenais la possibilité et l'utilité d'une traduction française de Démosthène. Ajoutons ici que ce qui m'a soutenu dans mon travail sur les harangues et sur les plaidoyers politiques, c'est la grandeur du sujet, c'est cette force de l'orateur qui, indépendamment de sa grâce austère 2, demeure, même dans de médiocres versions, sa propriété inaliénable. Là, j'ai eu pour principe de faire revivre l'esprit par la lettre, et je me suis tenu aussi près du texte que le permet peut-être notre langue. Il n'en a pas été de même, je l'avoue, des plaidoyers civils. Ici, traducteur et lecteur ne sont plus soutenus par l'intérêt de la lutte; Démosthène, toujours précis, descend des hauteurs de son génie, et prête sa voix ou seulement sa plume à de petites passions, à des intérêts secondaires, que nous rabaisserions encore si nous allions aujourd'hui calquer son langage. « Il offre la perfection du talent de l'avocat, la justesse et la vivacité de la discussion, l'adresse du raisonnement, et quelquefois du sophisme, l'art de saisir et d'employer les circonstances; mais les procès, les lois, les mœurs des Athéniens sont si loin de nous, que cette lecture devient froide et pénible 3. » Elle le deviendrait bien plus encore par une rigoureuse fidélité

'Apparatus criticus et exegeticus ad Demosthenem, etc. Lond., 1824-1827, 5 v. 8. Un sixième volume, contenant les tables, a été donné par Seiler, Leips., 1833.

2 ταῖς φοβεραῖς χάρισιν, dit un célèbre critique, qui avait entendu Démosthène (Démétrius de Phalère, de Eloc., c. 130). V. aussi Denys d'Halic., de admir. vi dicendi in Demosth., c. 13.

3 M. Villemain, art. Démosthène, dans la Biographie Univer

selle.

de détails. Dans cette partie, je me suis donc écarté de la lettre; mais j'ai tâché de le faire avec mesure '.

Lorsque je commençai cette traduction, je fus vivement frappé d'une idée à laquelle aucun de mes devanciers ne semblait s'être arrêté c'est que toutes ces harangues, sauf quelques altérations probables de rhéteur, sont des faits historiques. Lorsque nous lisons, dans Thucydide ou dans Tite-Live, un discours prononcé à la tribune, qu'est-ce qui nous en donne l'intelligence? n'est-ce pas le récit qui le précède, et le récit qui le suit? La harangue antique est là à sa vraie place, au milieu des événements qu'elle amène, détourne ou modifie. Où est le Tite-Live, où est le Thucydide qui rend ainsi agissante la parole de Démosthène ? Il n'existe pas pour nous 2. Ces discours, tout palpitants de passions contemporaines, nous sont parvenus détachés, sans ordre chronologique, à peine précédés de quelques maigres arguments de rhéteur. On a fait, de nos jours, l'histoire parlementaire de la révolution française: pour replacer les harangues de Démosthène dans leur vrai jour, j'ai essayé l'histoire oratoire de la résistance d'Athènes contre Philippe. Tous les discours délibératifs

J'avais tenté d'abord de conserver à tous les noms propres leur forme grecque : il a fallu y renoncer; l'usage est trop puissant. Je me suis borné suivre l'exemple de Duvair: « Si, en la version des noms propres, ,ie n'ay pas tousiours suiuy u mesme regle, retenant en quelques uns la terminaison grecque, et en quelques autres la françoise, i'ay plus creu en cela mon oreille que toute autre raison. » Argum. des Orais. pour et contre Ctésiphon. Mais j'ai toujours évité l'étrange bigarrure qui consiste à présenter en français des noms grecs avec une désinence latine.

2

Théopompe de Chios, contemporain de Démosthène, avait écrit une Histoire de Philippe, en 58 livres, qui existaicut presque tous encore du temps de Photius.

ont été rangés dans l'ordre des temps, et chacun d'eux est annoncé par une introduction historique. L'un de ces courts préambules continue l'autre ; et leur ensemble offre un tableau complet des annales grecques, surtout de la république athénienne, pendant plus de trente ans, depuis la fin de la guerre Sociale jusqu'à la mort d'Alexandre. C'est aux sources mêmes que j'ai puisé ; et, autant que mes faibles moyens l'ont permis, j'ai tâché de reproduire, sans jamais forcer la vérité, cette manière vive, dramatique, pittoresque, qui anime notre moderne école historique.

Ces introductions contiennent aussi une rapide analyse de chaque discours; et, quand la nature du sujet ou l'étendue du morceau l'a demandé, l'économie générale de la harangue a été présentée en un tableau synoptique, à la manière des tables analytiques du Cicéron de Desjardins.

Des notes étaient indispensables. J'y présente de brèves explications, les variantes les plus remarquables, la simple indication de quelques rapprochements nouveaux avec l'éloquence moderne, le droit romain et nos. codes.

C'est aussi par la classification que notre travail est entièrement neuf. Pour la première fois, dans une traduction complète des deux plus grands orateurs attiques, on trouvera réalisée la division savante et méthodique de G. Becker, dont je vais rendre compte.

Il existe de Démosthène 61 discours, 65 exordes et 6 lettres; d'Eschine, 3 discours, et 12 lettres que l'on croit supposées.

Seize discours sont du genre délibératif, λόγοι συμβου ASÚTIXO: nous les appellerons Harangues politiques. Voilà notre Première Partie. L'ordre chronologique a présidé

à la distribution de détail : le bon sens et l'intérêt historique l'exigeaient ainsi.

La Seconde Partie se compose de quinze Plaidoyers politiques, atópia. Le même ordre y a été observé. Chaque fois qu'Eschine, accusateur de Timarque, de Ciésiphon, ou son propre apologiste, entre en lice avec Démosthène, je remets les deux athlètes face à face.

La confusion la plus grande a régné jusqu'ici dans les Plaidoyers pour causes privées, dixas, qui forment notre Troisième Partie. D'après les divers genres d'affaires, nous les avons rangés sous sept chefs I. Procès de Démosthène contre ses tuteurs, 5 plaidoyers. II. Fins de non-recevoir, 7. III. Affaires de succession et de dot, 4. IV. Affaires de commerce et de dettes, 3.V. Actions en indemnités, 5. VI. Plaintes pour faux témoignage, 3. — Réclamations au sujet de l'échange de fortune, et des charges navales, 3. En tout, 30 plaidoyers.

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Nous avons rassemblé dans une Quatrième Partie deux Discours d'apparat, indixxx, mis sous le nom de Démosthène, les Exordes et les Lettres.

III. FRAGMENT.

Principaux événements de la Grèce, depuis la paix d'Antalcidas jusqu'à la première tentative de Philippe contre les Thermopyles.

Artaxerxès-Mnémon, en imposant aux Grecs le traité honteux d'Antalcidas, avait brisé ces confédérations devenues une partie essentielle de leur constitution générale et la sauve-garde de leur indépendance,

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