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fortement accidenté sur les routes qui conduisent à Dijon, à Bèze, ou à Gray.

Les rues de Mirebeau sont larges, et beaucoup de ses maisons sont bien bâties. Elles sont accessibles à tous

les vents.

Son sol se compose d'un calcaire grossier, stratifié, de terres ocreuses et de mines de fer. Il offre aussi une assez grande quantité de terre argileuse, qui sert à la confection de diverses poteries. Sa rivière coule du nord-ouest au sud-est; son eau est limpide, légère, bonne à boire; son fonds est légèrement vaseux. Le poisson y est bon, et les Apicius dijonnais vantent spécialement sa truite et ses écrevisses. Aucune grande forêt n'est immédiatement à sa proximité; les plus voisines sont au nord, à une demi-lieue. Chaque année une partie de ces bois est exploitée pour les usines voisines.

Les habitants y sont généralement aisés; plusieurs exercent le métier de potier de terre. La classe des pauvres vit de pommes de terre et boit de l'eau. Le lard, les gaudes, les légumes forment la nourriture du plus grand nombre des habitants. Celle du riche est celle de tous les pays. Le tempérament commun des habitants de Mirebeau est le bilioso-lymphatique. Les vieillards y sont en assez grand nombre; quelques-uns atteignent l'âge de 90 à 95 ans. La moyenne de la vie n'a pas été calculée.

La pneumonie et la pleurite sont deux maladies communes à Mirebeau, surtout au printemps et en automne. Avec elles, règnent aussi bon nombre de fièvres intermittentes.

La pneumonie y a généralement les formes et le ca

ractère de celle que les pneumographes désignent sous le nom de pneumonie bilieuse. Les quatre cinquièmes, selon le docteur Blandin, ont ce caractère.

La marche de cette maladie est plus ou moins rapide, selon la célérité que l'on met à requérir l'intervention du médecin. Celui-ci est-il appelé promptement, les accidents propres à la pneumonie sont enrayés du 4° au 5 jour.

Ils ne le sont que du 9o au 11o, rarement plus tard, si les secours de la médecine se sont fait attendre.

Les complications les plus ordinaires de la pneumonie à Mirebeau sont les aphthes, et chez les vieillards un état adynamique produit d'une réaction lente ou difli

cile.

Dans ce dernier cas, si la maladie est prise à temps, la guérison est aussi certaine que dans les cas les moins graves.

Peu de ces affections passent à l'état chronique. Cette terminaison n'a lieu que chez les tuberculeux. La phthysie la remplace alors.

Il y a 37 ans que M. le docteur Blandin vint à Mirebeau pour y mettre en pratique les préceptes de ses maîtres. Ses devanciers saignaient dans la pneumonie, en disciples de Botal, et leurs malades périssaient bien plus pro ratione medicorum que pro ratione morbi. Luimême sacrifia aux faux dieux et perdit grand nombre de ses clients. En face de ces faits, la route à suivre était toute tracée. Il n'est plus pour le médecin sage, en semblable occurrence, qu'une règle de conduite, et cette règle, c'est la maxime si souvent impérieuse de Stoll : a juvantibus et letentibus indicatio.

Le docteur Blandin ne saigna donc plus et il s'en trouva bien. Depuis trente ans sa pratique sur ce point

:

n'a point varié que la pneumonie soit grave ou non ; que le sujet soit jeune ou vieux, fort ou faible, il applique immédiatement un très-grand vésicatoire sur le point douloureux; et s'il n'en existe pas, il en promène plusieurs, à défaut des données stéthoscopiques, sur la périphérie du thorax. Dans ce cas, sans aucun doute, peut-être serait-il mieux d'imiter Pringle, et de poser un de ces antispastiques entre les épaules. Cette pratique serait d'autant plus rationnelle que la pneumonie est beaucoup plus souvent postérieure qu'antérieure. Pour seconder l'action de ces applications vésicantes, il administre le kermès à ses malades, à la dose de deux à trois grains, moins même au début. Si l'expectoration est pénible ou difficile, il y joint quelquefois les scillitiques. Il persiste ainsi pendant tout le cours de la maladie. Si elle s'aggrave, il multiplie les vésicatoires sur la poitrine. Se montre-t-il des accidents nerveux, de la prostration des forces, du délire, de la jactation, de la dyspnée? les crachats se suppriment-ils ? survient-il une toux sèche et déchirante? le poulx est-il petit, fréquent, inégal? alors il a, à l'exemple de Baglivi et de Zimmermann, immédiatement recours au camphre; il en donne trois à quatre grains de quatre en quatre heures, soit seul, soit uni au nitre, s'il y a de l'héréthisme, ou si la peau et la langue sont sèches.

Par cette méthode tout empirique, les succès du docteur Blandin, dans la pneumonie, sont presque égaux au nombre des malades qui réclament ses soins. Ces faits sont tous positifs. Aussi la réputation de médecin heureux et très-heureux dans le traitement des fluxions de poitrine, est-elle depuis long-temps accordée et bien acquise à ce médecin. Jamais il n'emploie les

sangsues ou l'émétique, bien que les travaux de Stoll ou de Broussais lui soient connus.

Il y a dix ans qu'un médecin, jeune alors, M. le docteur Dumont, d'un mérite incontestable et incontesté, d'une science aussi solide qu'étendue, vint s'établir à Mirebeau. Elevé dans les principes de la doctrine de l'irritation, plein de confiance dans la parole du maître qui l'avait entretenu de l'inévitable nécessité des saignées et des sangsues, dans la pneumonie spécialement, il employa sobrement d'abord, les unes et les autres près de ses malades, plus plantureusement ensuite, pour ne pas déroger. A son très-grand étonnement, il perdit ses malades. Mais telle était pour le docteur Dumont l'infaillibilité du magister dixit, l'étourdissement qu'il avait suscité en lui (et lorsqu'on n'a pas d'expérience, c'est pour tous ainsi), que près de lui, la réputation des saignées et des sangsues ne reçut d'abord aucun échec de ses premiers insuccès. Le médecin insista et la mort avec lui. Deux ou trois années se passèrent ainsi, non sans combats entre la raison élevée du médecin, les principes de ses maîtres, et les faits impertinents qui renversaient toute sa logique médicale. Il était évident pour lui, que dans les hôpitaux de Paris, il avait vu et bien vu un très-grand nombre de pneumonies se terminer heureusement et vite par les évacuations sanguines, souvent très-multipliées; il se rappelait les grands noms de Sydenham, d'Huxham, de Pringle, de Lieutaud, de Sims, de Barthez, d'Hoffmann, de Frank, de Darwin, qui usaient et abusaient de la saignée dans la pneumonie; et cependant il n'était pas moins avéré pour lui, qu'à Mirebeau, la puissance des saignées était nulle, qu'elle était même nuisible et qu'il fallait y renoncer. Pour le docteur Dumont, ce langage impératif

des faits devait être compris; la leçon qu'il en recevait fit trève à ses raisonnements; il abandonna donc la méthode dite antiphlogistique pour adopter vésicatoires, kermès et camphre. A dater de ce jour, ses succès égalèrent ceux de son heureux rival.

A deux lieues de Mirebeau, sont les villages de Beire, Fouchange, Viévigne, Spoix, où les pneumonies sont également fréquentes. Le médecin de ces pays saigne beaucoup et larga manu. Ses malades s'en trouvent bien et guérissent vite. D'où proviennent ces différences ?

Du sol: Mais il diffère peu de celui de Mirebeau. Dans plusieurs endroits, il offre cependant d'assez fortes couches de sables apportées par les débordements de la Tille; le fer ne s'y trouve plus.

De l'exposition: Mais Spoix n'est pas plus élevé que Mirebeau.

Des forêts: Tous ces villages en ont. à leur proxi

mité.

Des eaux : Mais si la Tille coule sur un fonds plus aréneux; si son courant est plus rapide, ses eaux recèlent à peu près les mêmes poissons que la Bèze, et elles s'épanchent comme celle-ci sur les prairies voisines. Peut-être cependant que des forges manquant dans les lieux cités, les eaux de la Tille séjournent moins hors de leur lit.

Les différences signalées dépendent-elles d'une nourriture dissemblable? Elle ne differe aucunement.

Là ne sont donc pas les éléments du problême que nous cherchons; ils sont ailleurs assurément; quels sont-ils ? Nous l'ignorons. Mais pour réponse nous dirons avec Senac : que dans mille circonstances, une obscurité impénétrable couvre les opérations mysté

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