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Aix. Typographie REMONDET-AUBIN, sur le Cours, 55.

1

ÉTATS-GÉNÉRAUX

(1355-1614)

LEUR INFLUENCE SUR LE GOUVERNEMENT
ET LA LÉGISLATION DU PAYS

PAR

ARTHUR DESJARDINS

DOCTEUR ES-LETTRES, DOCTEUR EN DROIT

PREMIER AVOCAT GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX

OUVRAGE COURONNÉ PAR L'INSTITUT

(Académie des sciences morales et politiques)

PARIS

A. DURAND ET PEDONE LAURIEL, ÉDITEURS

9, rue Cujas, ancienne rue des Grès.

1871

9-1897

TRAPY

INTRODUCTION

I.

Je veux examiner quelle a été, de 1355 à 1644, l'influence des Etats-généraux sur le gouvernement de la France. C'est là, ce me semble, un des plus graves sujets d'étude que l'Institut ait jamais soumis à nos méditations. Il ne s'agit pas seulement de mesurer l'action qu'un grand homme, comme Charlemagne ou Pierre de Russie, qu'un grand corps, comme le Sénat romain, qu'un ensemble de lois, comme la constitution. de Lycurgue, ont exercée sur le sort d'une nation, mais de déterminer celle d'un pays et, qui plus est, de notre pays sur ses destinées pendant près de trois siècles.

Les peuples de l'Occident aspirent généralement à se conduire eux-mêmes, à l'exemple de l'Angleterre, et ce mot de self-government par lequel elle caractérise sa constitution politique est devenu familier à toute l'Europe. C'est peutêtre répondre au sentiment actuel que d'étudier d'après le programme de l'Académie notre ancienne représentation nationale. Il n'est d'ailleurs personne aujourd'hui qui, racontant notre passé, ne se croie obligé d'interroger les généra

tions éteintes sur leurs propres volontés. D'illustres publicistes, l'honneur du dix-neuvième siècle, nous ont appris à ne plus confondre les annales d'un peuple avec celles d'une race royale. Ils ont agrandi par là notre histoire et révélé l'ancienne France à la moderne. Nous suivons de loin leur exemple. Retracer pour la première fois l'action du pays sur son ancien gouvernement, c'est coopérer à leur œuvre et retrouver avec eux les titres de la nation.

Pour certaines gens, je le sais, la France date de 1789; de Hugues Capet à Louis XVI, elle n'a su qu'obéir. Il est bon de leur prouver que notre abdication ne fut si longue ni si complète, que la nation, du moins jusqu'au règne de Louis XIV, eut conscience d'elle-même et sut, quoiqu'à de trop rares intervalles, se faire écouter. Malgré tant d'évènements qui séparent la France nouvelle de l'ancienne, ce peuple ne s'est pas transformé avec un peu moins d'inexpérience et d'illusions, nous ressemblons encore à nos pères. Il est donc utile de les voir à l'oeuvre; il est bon de connaître leurs vœux, leurs conquêtes, leurs fautes même; il eût été, je le crois, heureux pour notre pays que le dix-huitième siècle se fût mis à cette étude au lieu de rêver indéfiniment sur les droits de l'homme et sur l'origine des sociétés c'est encore, à tout prendre, la meilleure préface de la politique.

D'autres ne croient pas qu'on puisse, à proprement parler, retrouver la France dans les Etats-généraux, soit parce que trois ordres y siégeaient au même titre, soit même parce que les députés du troisième ordre, au moins pendant deux siècles et demi, n'étaient pas élus par tout le tiers-état. Traiter de

1 V. l'Histoire des Etats-généraux par le comte Thibaudeau, t. I, p. 86, 87, 193, t. u, p. 14, 311, 312, 502. Cet écrivain vante, il est vrai, le système électoral de l'ancien régime à partir de 1560 et l'oppose au système électoral de la monarchie constitutionnelle.

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