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sciences, l'ame du commerce, le lien de communication de tous les peuples qui habitent le Globe.

D. Est-il nécessaire à tout le monde de savoir écrire ?

R. Oui. Cette science est d'une absolue nécessité dans le cours de la vie, soit pour gérer ses propres affaires, soit pour pouvoir se charger de quelque commission ou emploi. J'ajoute même, qu'il est indispensable de savoir bien écrire, tant pour ne point rebuter ceux à qui nous écrivons, que pour ne pas nous mettre dans le cas d'être mal entendus.

ANTIQUITÉ DE L'ÉCRITURE. D. L'Art d'Écrire est-il ancien ?

R. Les Grecs ont prétendu avoir reçu l'Art d'Ecrire, ou plutôt simplement leurs caractères de Cadmus, que quelques auteurs prétendent avoir été un des chefs des Cananéens, chassés de leur Pays par la terreur du nom de Josué. Mais dans le fait', il est impossible de fixer l'époque à laquelle a existé ce Cadmus. Le poëte Brebeuf lui fait très-éloquemment l'honneur de l'invention de ce bel art.

C'est de lui que nous vient cet Art ingénieux
De peindre la parole et de parler aux yeux.
Et par cent traits divers de figures tracées
Donner de la couleur et du corps aux pensées.

Mais c'est encenser l'avidité des Grecs pour le merveilleux, et la manie qu'ils ont toujours eue de vouloir faire prendre origine chez eux à tout ce qu'il y a de grand; jusqu'à leurs Dieux qui sont plus anciens qu'eux; puisque leur Pays ne fut habité que longtems avant que la Chaldée, la Chine, la majeure Partie de. 1'Asie et l'Égypte le furent. Mais de tous ces peuples, on ignore à quelle époque ils ont connu l'Écriture.

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L'Écriture est plus ancienne que Cadmus. On prétend qu'elle a été inventée, même avant le Déluge. Car il est vraisemblable, et même, plus que vraisemblable que dans la lignée, où s'est conservée la connoissance de Dieu, on conservoit aussi par écrit des mémoires des anciens temps, et que l'Écriture étoit trouvée dès avant le Déluge,,; c'est ainsi que s'expriment deux savans très-versés dans la connoissance de l'antiquité, le célèbre (a) Abbé Fleury et Monsieur l'Abbé le François.

Au reste les écrits de Moyse sont bien antérieurs à tous les Écrivains des autres Nations; et avant lui, selon quelquesuns, Job avoit écrit l'histoire de ses Souffrances. Telle est aumoins l'antiquité bien connue de l'Art

(a) Fleury; Mœurs des Israëlites.

Le François; Preuves de la Religion chrét. T. I. p. II. c. IIL

d'Écrire, de cet Art vraiment divin, dont on feroit un cas infini, s'il n'étoit pas si commun et dont néanmoins sentent tout le

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prix ceux qui ne le savent pas, ou qui ne le savent qu'imparfaitement.

D. Les Peuples qui ne connoissoient point l'Écriture, comment conservoient-ils leurs Loix, leur Histoire ?

R. Pour la plupart ils les consignoient dans. des Cantiques qui se chan toient les jours de Fêtes, comme faisoient les Druides dans les Gaules, les Bardes chez les Germains. Mais ce qui n'est que dans la mémoire des hommes, est de peu de durée, et se dénature insensiblement. Aussi, ignorons-nous tout-à-fait les antiquités de notre Pays, avant la conquête qu'en fit Jules- César. Ce que les historiens romais ont prétendu compiler des vers des Druides est si insignifiant, si peu complet, et tellement rempli de fables, qu'on ne peut compter aucunement sur leur récit. Il en est de même des antiquités germaniques.

La découverte de l'Amérique n'a procuré aucun jour sur l'origine des Peuples qui l'habitent, faute d'Écriture. Les Méxicains avoient leur histoire en figures assez grotesques, qui représentent leur origine, leur police, leur morale, leurs cérémonies, leur religion, leur revenu.

On en a obtenu d'eux une interprétation en leur langue, qui a été donnée en Espagnol et en François, mais qui laisse bien des choses. à désirer. Pour les autres peuples de ce vaste continent, on n'a rien même, pour ainsi dire, d'imparfait sur leur compte.

Chez les Grecs le goût du merveilleux avoit tellement dénaturé les faits de leurs Héros, qu'on peut à peine y démêler quelque trait de vérité; mais sans date et sans suite; jusqu'à ce que profitant de la faculté de consigner ses pensées par des caractères il s'est élevé chez eux des historiens qui leur ont donné leur histoire; mais les faits précédens, malgré toute la sagacité de leurs Savans, sont restés dans les ténébres où les avoit ensevelis leurs Poëtes et leurs Chansonniers. Il en est de même des Latins. Tout ce qui est antérieur à la fondation de Rome, est un cahos inextricable; ce sont des Fables grecques habillées à la Latine. Même les commencemens de cette ville sentent bien les temps fabuleux; on ne commence à voir quelque jour sur l'histoire romaine, que vers la fin de sa Monarchie; C'a été par l'usage de l'Écriture que ce que nous en savons, nous a été transmis,

D. S'est-on toujours servi de papier pour écrire ?

R. Autre fois on écrivoit sur de la cire 'étendué sur des tablettes de bois ou d'ivoire, avec un stylet d'acier. Ensuite on a écrit avec un pinceau ou une plume, sur du vélin, qui est une peau apprêtée pour cela; enfin on est parvenu à apprêter les feuilles d'un arbrisseau, appellé Papyrus, très commun sur les bords du Nil, d'où est venu le nom de papier. Mais les irruptions des Gots, des Visigots, des Sarasins, des Vandales en Afrique et en Europe, ont rendu, pendant longtemps, la communication impossible avec l'Egypte. La providence alors a douné l'art de faire du papier avec de vieux chiffons. C'est à cette abjecte matière que nous devons les beaux papiers dont nous admirons la blancheur, la finesse, le poli et la solidité. Get art unique, si commun, et qui donne tant de facilité pour consigner et propager les connoissances humaines, aura son traité par la suite.

L'Année prochaine, nous donnerons les differentes sortes d'écritures, leurs règles, tout ce qui régarde l'écriture, même la maniere de tailler la plume.

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