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Maires de village qui ont été obligés de lui adresser des discours. Eh! qu'auriez-vous dit d'un Maire qui eut récité un discours, qu'il se seroit entassé dans la mémoire, comme un enfant de huit ans récite sa leçon dans une école ?

Edouard. Vous avez raison, Monsieur, je vois bien maintenant qu'il est très important de savoir donner de l'énergie à ce qu'on dit, et de le présenter d'une maniere convenable.

Le Maitre. C'est justement là l'effet de la Déclamation. Ainsi soyez attentif aux règles que je vous donne. Je ne vous les donne que d'après mes observations sur la Chaire et le Barreau. Je sens bien qu'il faut suivre un peu son génie; mais ne pas abandonner tout-àfait les règles; car on risqueroit de se faire une méthode mauvaise et absolument désordonnée. Par exemple en déclamant ces vers de Boileau:

L'un esquive le coup, et l'assiette en volant S'en va frapper le mur, et revient en roulant. Il est permis de faire un pas en arriere, un demi-tour à gauche, de pesenter les deux mains comme pour parer un corps qui vient droit à vous, suivre comme des deux mains l'assiette qui roule par terre et revient à vous; ce qui seroit ridicule dans un sujet sérieux. Il faut en général se conformer à sa matière.

Un badinage doit être traité autrement qu'un sujet sérieux. Si on s'écarte des règles, on ne doit le faire qu'avec poids et mesure.

DIALOGUE.
Interlocuteurs,

Messieurs Prudent, instituteur, Henri et
Charles, Élèves de la première Classe.

Mr. Prudent en sortant de la Classe apperçoit Mr. Henri qui montroit en riant un Livre à Mr. Charles. Mr. Prud. Qu'avez-vous à rire, Messieurs?

Henri. Monsieur, je conte à Mr. Charles un tour que j'ai vu aujourd'hui.

Mr. Prud. Comment? Contez-nous cela.

Henri. Vous vous rappellez, Monsieur, que je viens de diner chez mon Oncle. En rentrant ici, j'ai vâ un homme ivre qui ne trouvoit pas la rue large assez, et qui attaquoit tous les passans. Je me suis mis un peu à quartier, j'ai entendu qu'il disoit: Je suis saoul.... J'ai tort... Je ne boirai plus... C'est un vilain vice de boire!.... Non, en vérité je ne boirai plus. Disant cela il s'en va; mais il rentre dans le cabarêt du coin. J'eus la patience de l'examiner un instant. Ilvouloit ouvrir la porte par les gonds en criant: une Pinte! Madame, une Pinte! j'ai dit en moi-même : voilà un homme qu'on auroit crû, il n'y a qu'un instant, un grand pénitent, et le voilà tout de suite, retourné à ce qu'il avoit détesté. J'ai toujours bien entendu dire qu'on ne voyoit jamais des Ivrognes, devenir sobres. Justement mon Oncle m'a donné un livre de

Contes, dans lequel il y en a un d'un Ivrogne, dont
le cas revient bien à celui que j'ai vû.
Mr. Prud. Ayez la bonté de nous le lire.
Henri. Avec plaisir, Monsieur.

L'Ivrogne malade.

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Tomba malade un Ivrogne pommé,
Et ce Martyr de la Liqueur bachique
Par ses excès se voyoit consumé,
Lors qu'à son lit arrive un (a) Empyrique.
De votre mal pour promptement guérir,
Dit le Docteur, sablez moi ma tisanne,
Faites diette il vaudroit mieux mourir.
De Gallien je ne suis que l'organe,
Rafraichissez mais du vin par moitié,
Avec de l'eau me seroit-il contraire ?
Mortel, mon cher il est sans pitié!
Avalez moi ce julep salutaire.

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File Docteur et sa tisanne aussi !

Que je la goûte !... Ah! fi, c'est de l'Absynthe
Pour adoucir ma peine et mon souci,

Que je la voie au moins dans une pinte!

Mr. Prud. 11 est excellent. Il peint bien le caractère de ces sortes de gens.

(a) On appelle Empyriques ou Charlatans ces sortes de gens qui prétendent guérir toute sorte de maladies, sans posséder le moindre principe de Médecine, avec la seule routine, ou avec leur Baûme. Avez-vous mal à la tête? prenez de mon Baûme, disent-ils, avez-vous mal au talon, prenez de mon Besûme, et toujours de mon Beaûme,

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Charles. Oui, Monsieur en effet l'Ivrognerie est un vice dont on se défait rarement. J'ai ici La Fontaine qui a une fable d'un Ivrogne à qui sa femme a joué le tour le plus cruel du monde, sans qu'elle ait réussi à le corriger.

Mr. Prud. Lisez-nous la, je vous prie.
Charles. Avec plaisir, Monsieur.

L'orogne et sa femme.

Chacun a son défaut où toujours il revient;
Honté ni peur n'y remédie.

Sur ce propos d'un conte il me souvient
Je ne dis rien que je n'appuie

Dé quelque exemple. Un suppot de Bacchus
Alteroit sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.

Un jour que celui-ci plein du jus de la treille
Avoit laissé ses sens au fond d'un bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau

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Cuverent à loisir. A son réveil i treuve,

L'attirail de la mort à l'entour de son corps,

Un luminaire, us drap de morts.

Oh! dit-il, qu'est ceci? ma femme est-elle veuve 3
Là-dessus son Épouse en habit d'Alecton,

Masquée, & de sa voix contre-faisant le ton,
Vient au prétendu mort; approche de sa biere
Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer.
L'Époux alors ne doute en aucune maniere
Qu'il ne soit Citoyen d'Enfer :

Quelle personne est-tu ? dit-il à ce FantômeL
La célériene du Royaume

De Satan, reprit-elle; et je porte à manger

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Mr. Prud. Oh! oui, ces deux fables-là sont bonnes. Elles peignent bien le penchant et la fin de l'Ivrogne. Car, Messieurs, tout vice, quand on s'y est donné, entraîne toujours à soi de plus en plus. L'Ivrognerie surtout. Aussi voit-on peu de personnes en revenir. Ces mots de la premiere fable: Que je la voie aumoins dans une Pinte! et de la seconde : Tu ne leur portes point à boire ? font image et peignent admirablement l'inclination démesurée de ces sortes de gens pour les liqueurs fortes, quoiqu'elles soient meurtrieres et qu'ils en conviennent. Quand ils les quittent, on voit bien que c'est le vice qui les quitte, et non eux qui quittent le vice. Montrez ces deux fables-là à votre Maître de Déclamation; je suis sûr qu'il vous les fera déclamer; elles sont bonnes pour cela.

D. I A L OG UE.

Mr. Prudent étant entré dans la Salle d'Exèrcice, voit que Mr. Jean Baptiste manque. S'adressant à Mr. Nicolas, il lui dit : Ayez la bonté, Monsieur, de voir où est Mr. Jean-Baptiste, tâchez de l'amener à l'Exercice.

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Mr. Prud. Comment vous ne le ramenez pas ? Vous ne l'avez donc point, trouvé:? ¿

Nicolas, Je vous demande pardon Monsieur, je

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