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sieur Prudent,) je connois votre méthode d'enseigner. Tout ce que je désire, c'est que mon fils profite de vos leçons et de vos conseils.

Mr. Prud. Comptez que je ferai tout ce qui dépendra de moi.

DE LA LECTURE.

LIre, c'est donner à chaque lettre le son

qui lui convient, et à chaque syllabe le ton qui la caractérise. On a beaucoup écrit, surtout depuis quelques années, sur la maniere de lire, et le moyen de l'apprendre, on en a même donné des méthodes ingénieuses. Mais il résulte toujours, qu'il est impossible de savoir bien lire, sans y avoir été instruit par quelqu'un qui posséde la bonne lecture. Car nos lettres ou caractéres sont les mêmes que ceux de la plupart des peuples de l'Europe; cependant il n'en est aucun qui s'accorde avec nous pour le son qui correspond à ces caractéres; c'est le même raisonnement pour les syllabes qui n'en sont qu'un composé, quand elles-mêmes ne sont point une syllabe. Je ne veux point entrer dans la prononciation des lettres, des syllabes et des mots. Je suppose qu'on sait déjà tout cela.

Cet article n'est que pour ceux qui ont be 'soin d'être dirigés pour la perfection de leur lec

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ture. Cet Art dépend absolument de huit Règles très-courtes, faciles à observer, et auxquelles il est aisé de se former en suivant le conseil de gens instruits, sur les progrés qu'on fait en cette partie, et en s'exerçant souvent à la Lecture.

1. Règle. La Lecture Françoise est un unisson parfait. C'est à dire qu'elle ne souffre aucune infléxion de voix ; autrement ce seroit ou chanter ou déclamer et non lire.

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2. Règle, Le Lecteur doit faire une pause aux virgules (,) aux deux points (:), au point et la virgule (;) et au point (.). Elle doit être plus grande pour les deux points, le point et la virgule que pour la virgule; et plus grande pour le Point que pour les autres signes. Car les signes de la ponctuation sont comme le guide du Lecteur dans le dédale des périodes. Qtéz - en la ponctuation, il n'y a plus d'issue; c'est un cahos inextri cable.

3. Règle. Quand dans la phrase il se trou ve une interrogation (?) on doit garder l'unisson, mais faire une pause plus grande que sur le point ordinaire, et appuyer sur les paroles de l'interrogation avec noblesse et sans éclat, pour la faire sentir.

4. Règle. Quand on passe d'un chapitre,

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d'un livre, d'une section à une autre on doit faire une certaine pause, sans baisser ni hausser la voix sur les derniers mots, lire le titre du chapitre ou livre suivant d'un demi-ton plus bas, et reprendre le chapitre. qui suit, comme on avoit commencé.

5. Règle. Il faut avoir attention de lier les consonnes finales d'un mot avec la voyelle initiale du mot suivant. Comme nous avons aimé, vous avez aimé, et non pas nou avon amié, vou avé aimé, l's dans le premier cas se prononce légérement comme z. Si on ne suit point cette méthode, la Lecture sera absolument décousue et sans ensemble.

-6. Règle. Il faut surtout bien prononcer ·les syllabes et les mots de la maniere que le veut la langue, élider particulierement l'e muet autant qu'il est possible. Par exemple ne pas dire: je pense, je mange, mais j'pense, j'mange &c. Ne jamais prononcer / du pronom il, si ce n'est avant une voyelle; et au pluriel ne point dire ils mais avant une consonne et iz avant une voyelle. Par exemple: iz ont aimé, et non pas ils ont aimé ; i sont arrivés et non pas ils sont arrivés.

7. Règle. La Lecture Françoise doit se faire d'une maniere assez courante, sans cependant qu'il y ait de précipitation. Trop

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rante elle fait perdre à l'auditeur le fil de u'on lit; trop lente elle fatigue par la ssité d'attendre trop longtems. Cependant id on lit devant un auditoire nombreux, ut lire plus posément, pour donner à la le temps de parvenir aux extrémités de alle ou de l'Église.

Règle. La bonne Lecture veut qu'on nie sur les mots saillans de la phrase, mais jours sans affectation. Cette méthode ne t avoir d'autre règle que le goût. Elle nécessaire pour rompre la monotomie rendroit la Lecture fastidieuse à l'auur, et lui porter le trait qui s'adresse à esprit, à son imagination, à son cœur. exemple dans cette strophe du Poëte

isseau :

Seigneur, dans ta Gloire adorable,
Quel mortel est digne d'entrer ?
Qui pourra, grand Dieu, pénétrer
Ce Sanctuaire impénétrable,

Où les saints inclinés, d'un œil respecteux
Contemplent de ton front l'éclat majesteux.

es termes saillans sont Gloire

grand

u, impénétrable, respectueux,front,majes

t dans ces deux vers de Racine : Celui qui met un frein à la fureur des flots, Sait aussi des méchans arrêter les complots.

Les mots saillaus sont frein, flots, méchans et complots. Il en est de même de la prose, on ne doit jamais manquer d'appuyer sur les termes qu'on a besoin de faire sentir.

Voici un petit Conte, réduit ensuite à la vraie prononciation..

Un marchand de chapeaux dans l'Amérique, voyageoit avec une malle pleine de chapeaux. Pendant la chaleur du jour, il voulut se reposer. Non content de l'abri que lui fournissoient les arbres, il prit dans sa malle un chapeau des plus grands, s'en affubla, s'assit et s'endormit contre sa malle, sans avoir la précaution de la refermer. Des singes qui étoient là sur des arbres, l'avoient vu. Aussitôt qu'il fut endormi, ils coururent à la malle et prirent chacun un chapeau. Le marchand en s'éveillant trouve sa malle vide. Son étonnement sa crainte et sa douleur lui permirent à peine de regarder autour de lui. Cependant il apperçut des singes avec des chapeaux qu'ils mettoient tantôt sur leur tête, et dont tantôt ils se servoient pour faire les même gestes que lui. Il courut après ; mais ces singes se moquoient de lui, ils grimpoient sur des arbres et lui faisoient des grimaces. Impatienté et 'espérant plus rien, il jetta après eux le chapeau qu'il avoit sur la tête,

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