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debout et nous marchons: où allons-nous? qui le dira? mais nous marchons sans cesse. Cette révolution, au moment où on la croyait arrêtée sous une forme, elle se relevait et se poursuivait sous une autre : tantôt sous l'uniforme militaire, tantôt sous l'habit noir de député; hier en prolétaire, avant-hier en bourgeois. Aujourd'hui, elle est industrielle avant tout; et c'est l'ingénieur qui a le pas et qui triomphe. Ne nous en plaignons point, mais rappelons-nous l'autre partie de nous-mêmes, et qui a fait si longtemps l'honneur le plus cher de l'humanité. Allons voir à Londres, allons visiter et admirer le Palais de Cristal et ses merveilles, allons l'enrichir et l'enorgueillir de nos produits : oui, mais en chemin, mais au retour, que quelques-uns se redisent avec Pascal ces paroles qui devraient être gravées au frontispice :

<< Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes ne valent pas le moindre des esprits; car il connaît tout cela, et soi; et les corps, rien. Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité; cela est d'un ordre infiniment plus élevé.

« De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée; cela est impossible et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité; cela est impossible, et d'un autre ordre, surnaturel. >>

Car c'est ainsi que s'exprime Pascal dans ses Pensées courtes et brèves, écrites pour lui seul, un peu saccadées, et sorties, comme par jet, de la source même.

Le présent éditeur, M. Havet, m'a traité avec tant d'indulgence en une page de son Introduction, que j'ai quelque embarras, en finissant, à venir le louer à mon tour; il me paraît, toutefois, s'être proposé et avoir atteint le but principal que j'indique, et son édition savante est un service rendu à tous. Le caractère philosophique et indépendant qu'il a tenu à y laisser n'en saurait altérer le prix, et il y ajoute plutôt à mes yeux. Le livre de Pascal, dans l'état où il nous est venu, et dans la hardiesse ou le décousu des restitutions récentes, ne saurait être pour personne un livre d'apologétique exact et complet ce ne peut être qu'une lecture ennoblissante, et qui reporte l'âme dans la sphère morale et religieuse d'où trop d'intérêts vulgaires la font déchoir aisément. M. Havet a constamment visé à maintenir cette impression élevée, et à la débarrasser des questions de secte où la doctrine particulière de Pascal

pouvait engager. Sa conclusion résume bien l'esprit même de tout son travail : « En général, dit M. Havet, nous autres, hommes d'aujourd'hui, nous sommes, dans notre façon d'entendre la vie, plus raisonnables que Pascal; mais, si nous voulons pouvoir nous en vanter, il faut être en même temps, comme lui, purs, désintéressés, charitables. »

Lundi 29 mars 1852.

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