nourriture qu'il faut attribuer la noirceur de cette espèce d'hommes, & les obfervations fuivantes en feront de nou

velles preuves.

Gorée, & la terre ferme qui eft par fon travers, & qui n'en est éloignée que de trois quarts de lieue, font situés par les 14 degrés 14 minutes de latitude nord. Les peuples qui habitent ce pays font encore des yolofs, très-noirs, fous la domination du roi d'Hamet. Par cette même latitude eft fituée l'isle de la Martinique, où il fait auffi chaud qu'aux environs de Gorée & du Sénégal. Les blancs créoles y font cependant établis depuis près de cent cinquante ans; ils n'ont pas dégénéré, puifqu'ils ont le même teint que les européens. Les noirs qu'on y a fait paffer de l'Afrique n'ont pas éprouvé de variation, même dans leurs defcendans nés dans l'ifle, & cela pendant plufieurs générations, puisqu'ils ont tous la même couleur que leurs peres.

Les naturels de l'ifle, qui ont le teint couleur de cuivre, les cheveux longs comme les fauvages de Saint-Vincent, n'ont pas éprouvé non plus de changement dans leur couleur. Voilà trois efpeces fur le même fol, qui ont une nourriture commune, & qui ont refté conftamment les mêmes.

Depuis la côte de Guinée jufqu'à la côte d'Angolle, où les portugais ont des établiffemens, ils ont confervé leur couleur fans variation. Si de la côte d'Angolle, on paffe en Amérique, par la même latitude, on y trouve les mêmes portugais, épars dans différentes villes, occupés à la culture des terres, des mines d'or, & autres travaux, qui les expofent en plein jour à la rigueur des plus grandes chaleurs; & ils n'ont pas dégénéré, & ils font toujours femblables aux portugais européens.

L'auteur des recherches philofophiques fur les américains, pour donner plus de poids à fon opinion, a avancé dans

fon livre, que dans différens endroits de la côte d'Afrique on trouvoit des portugais qui étoient abfolument devenus négres. Comme il n'a pas vu le fait par luimême, & qu'il a écrit fur les mémoires qu'on lui a donnés, nous nous permettrons de lui dire qu'on l'a trompé, quoiqu'il foit très-vrai qu'il y a quelques négres portugais à cette côte, particuliérement au Biffeau: mais la vérité eft qu'ils proviennent tous de quelques captifs affranchis que les portugais ont laiffés dans ce pays, lorfqu'ils y avoient des comptoirs. De manière que cette forte de négres eft en fi petit nombre, qu'on pourroit les compter dans deux ou trois petits villages; ils ont confervé la langue de leurs anciens maîtres ainfi la que religion chrétienne, qu'ils ont entiérement défigurée.

༣

On trouve dans les différens établiffemens européens quelques-uns de ces négres affranchis, qui s'étant unis à des mulâtres ou à des métis, ont eu des en

fans participant plus ou moins des deux couleurs, quelquefois tenant plus du père, & quelquefois plus de la mère ; mais ce n'eft plus un phénomème, c'est une marche conftante dans la nature, & ces productions tiennent toujours du germe qui apporte ces différens mêlanges.

Les Indes orientales font habitées par cinq à fix peuples différens. Les uns font auffi noirs que les négres les plus noirs d'Afrique; d'autres avec des cheveux longs, tels que les lafcans, font de couleur de cuivre plus ou moins foncée; d'autre fimplement bazanés, comme les arabes, & d'autres enfin presque blancs, & fouvent par les mêmes latitudes, fous la même chaleur, & se nourriffant des mêmes alimens.

Il femble donc que d'après ces obsertions, on ne peut pas attribuer la cause de la noirceur des négres à la chaleur, ni à la nourriture; que c'eft un fecret de la nature & que l'envie de tour