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rivière du Sénégal, dans des toulons de cuir de bœuf bien tanné, fur des chameaux. Chacun d'eux en porte jufqu'à douze cent livres pefant.

Les arbres qui produifent cette gomme font hériffés d'épines, & n'ont guères que fept à huit pieds de hauteur. Ils produifent auffi quelques morceaux d'encens.

Cette gomme, arrivée au bord de la rivière, se mesure dans un quintal, qui pèse environ mille livres. Elle fe payoit de mon temps vingt-fept coudées de toile de coton bleu de Pondichéri, autrement nommé falem pourri. On y joignoit quatre peignes de buis & deux mains de papier. Cette toile eft pour eux une marchandise si précieuse, qu'ils reftent dans l'admiration lorfqu'ils en voyent déployer les pièces; ainfi que nos européens à l'afpect de l'or que ces Marabouts apportent quelquefois à vendre. On ajoute au prix de cette gomme quelques miroirs & baffins de

Cuivre, qui font donnés comme présent. De forte que, les frais de traite déduits, les mille livres de gomme ne coûtoient pas à l'ancienne compagnie des Indes plus de trente-fix livres de notre monnoie, parce que c'étoit le tarif d'alors; mais depuis que les anglais fe font emparés du Sénégal, la concurrence des navires interlopes qui font venus traiter dans cette rivière, ont fait monter cette marchandise dix fois au-deffus de ce qu'elle coûtoit d'abord; & quoique les français foient rentrés en poffeffion de ce pays, il leur fera impoffible déformais de rétablir le commerce de gomme, fur l'ancien tarif; parce que, par les conventions faites à la dernière paix, l'on a permis aux anglais d'aller traiter à Portandie, par la mer, ce qui les met à la même distance que nous, des forêts gomières, & du lieu où nous faifons commerce de cette denrée dans la rivière du Sénégal : de manière qu'il eft fenfible, que toutes les fois

que les français voudront payer la gomme au-deffous du prix donné par les anglais, les maures porteront toutes leurs récoltes à ces derniers

& les

français fe trouveront, par la concurrence la mieux protégée & la plus active, abfolument privés de ce com

merce.

Les maures ont un autre commerce très-profitable. Il importent à plus de deux cens lieues au haut de la rivière, aux nations négres, qui vivent fur le terrein où font les mines d'or, tout ce qu'ils ont befoin d'avoir pour la vie; des bœufs, des moutons, du millet, des pois, du fel, &c. Ce dernier article devient pour eux le commerce le plus facile & le plus avantageux qu'ils puiffent faire. Ils ont des mines de fel; ils n'ont que la peine de le ramaffer & d'en charger des chameaux ou des bœufs-porteurs, à qui ils percent le rez, & y paffent une bride, dont ils fe fervent comme de celle d'un cheval,

Ils vont vendre cette denrée aux négres, poffeffeurs des mines; ils font établis au-deffus de Galom.

Ces peuples ne connoiffent point d'autres occupations que celle de faire laver la terre de leurs mines, par leurs femmes, pendant feulement deux mois de l'année. L'or que ce foible travail leur procure, fuffit pendant un temps confidérable, , pour leur faire apporter & fournir tout ce qui leur eft néceffaire. Ils n'ont befoin ni de femer, ni de recueillir pour vivre, ni de fabriquer des fe vétir.

étoffes pour

Comme le fel eft très-rare dans ces contrées, les maures le leur vendent un prix exceffif; c'eft-à-dire, trois ou quatre onces d'or la barrique. Nos bateaux français leur en portent auffi ; mais en moindre quantité.

Quant au menu peuple des maures ils se bornent à un très-petit commerce. Il confifte à vendre le beurre qu'il ne peut confommer, des plumes d'autru

che, des peruches, dont l'efpèce n'est connue que dans ce pays. La netteté de la prononciation des mots qu'on leur apprend, les a rendues très-agréables à nos européens. Ce peuple nous vend auffi des pierres de bezoard & des morceaux d'ambre gris. Je me rappelle d'en avoir acheté deux morceaux très-confidérables; ils pefoient près de deux livres; ils avoient été ramaffés au bord de la mer. Ceux qui me les ont vendus, n'ont jamais pu me dire l'origine de ces productions. Les uns me difoient que cet ambre étoit détaché du fond de la mer, & pouffé par les vagues fur le rivage; d'autres m'affuroient que cette matière étoit vomie par un poiffon. J'ignore fi nos plus habiles naturalistes en favent davantage.

Les chevaux arabes de ces contrées font les plus beaux que j'aie vus. Les maures qui vivent fur les bords de la rivière du Sénégal, conservent trèsexactement une généalogie de leurs chevaux

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