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LA

CONSTITUTION SOCIALE

DES RACES DÉSORGANISÉES DE L'OCCIDENT

S 1.

L'ERREUR QUI CONFOND, SOUS UNE MÊME LOI FATALE, LA MORT DES INDIVIDUS ET LA RUINE DES SOCIÉTÉS.

Ce volume achève l'exposé des faits qui établissent le contraste signalé, dès le début de cet ouvrage, entre les régions extrêmes de l'Europe (II, In. 1). Il complète également l'explication de la supériorité que l'Orient et le Nord, comparés à l'Occident, possèdent en ce qui touche le bien-être des populations. Beaucoup de familles excellentes, et, en première ligne, celles des pasteurs (IV, Ix; V, II, 17) et celles des pêcheurs-côtiers, conservent à l'Occident les éléments de paix et de stabilité qui sont plus spéciaux aux régions opposées; mais, à mesure qu'on se rapproche de l'Atlantique, on voit ces précieux éléments disparaître, pour ainsi dire, au milieu de familles adonnées à d'autres métiers et marchant d'un pas rapide vers un état inouï de désorganisation qui est déjà caractéristique pour certaines localités. Le meilleur moyen de compléter sommairement la description des constitutions sociales de l'Occident est de montrer comment s'opère sur le Continent cette transition de la prospérité à la souffrance.

Toutefois, avant d'entrer en matière, je crois utile de réfuter une erreur très-répandue. Je vais montrer que la maladie de l'Occident n'aboutit pas fatalement à la ruine et que l'expérience indique, au contraire, les moyens de guérison.

La désorganisation que le présent volume signale dans plusieurs localités de l'Occident n'est pas le terme extrême de la décadence des races humaines. Chez la plupart des grandes nations de l'antiquité, ce fléau a été développé au point de détruire en elles tout principe de vie. Ces nations ont abandonné peu à peu les idées, les mœurs et les institutions qui avaient fait leur grandeur; et elles ont disparu de la scène du monde. Les unes se sont violemment détruites par les discordes intestines; les autres, minées intérieurement par la corruption, se sont fondues au milieu de conquérants énergiques. Ainsi certaines sociétés restent complétement inconnues des historiens, bien que les restes de leurs habitations fournissent la preuve de leur existence. D'autres, dont le nom est conservé par histoire, n'ont laissé, ni un vestige sur le sol qu'elles occupaient, ni un souvenir dans la mémoire des hommes qui habitent aujourd'hui le même sol.

La décadence, complétée par la ruine, est un des traits fréquents de l'histoire. On a dit souvent qu'elle était la fin inévitable vers laquelle s'acheminent toutes les nations, après deux époques successives de développement et de prospérité. A ce point de vue, on assimile les sociétés humaines aux existences individuelles on admet que les unes et les autres sont fatalement destinées, par leur organisation même, à naître, à s'élever et à mourir.

Un langage spécial est même inventé pour la propagation de cette erreur grossière. On distingue les nations. contemporaines en deux classes : les «< jeunes >> et les

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vieilles »; et les inventeurs de systèmes historiques s'appuient sur ce classement pour prédire des chutes prochaines. Les politiques, à leur tour, exploitent à leur profit cette fausse science : ils y trouvent un nouveau prétexte pour entreprendre des guerres injustes. Ce fatalisme historique est adopté de bonne foi par les « écoles humanitaires » ; et parfois, sous leur influence, les politiques font emploi des armées pour servir la cause de la « civilisation » et pour hâter l'exécution des arrêts du destin.

La croyance à la mort fatale des nations vieillies est l'une des nouveautés dangereuses dans lesquelles se complaît aujourd'hui cette classe de faux savants qui se fait gloire d'échapper au joug des vérités traditionnelles de l'humanité. Elle est particulièrement funeste à un peuple qui se désorganise; elle décourage, en effet, les hommes qui, sous une inspiration plus juste, auraient le pouvoir de le ramener au bien. Heureusement cette erreur est réfutée sous nos yeux par la nature même des sociétés et par l'exemple de l'une des plus anciennes. L'individu voué à une mort prochaine par la rapide destruction de ses organes ne peut être, en ce qui touche la durée de l'existence, assimilé aux familles stables, dont les éléments restent dans un état permanent d'équilibre. Encore moins peut-il être comparé à une société composée de familles stables (II et III). Ces familles ont en elles-mêmes les conditions d'une durée indéfinie. Réparties sur un grand territoire, elles se garantissent mutuellement contre les causes accidentelles de souffrance ou de ruine que déchaînent les révolutions du sol et les désordres de l'atmosphère. Ces conditions sont réunies, par exemple, chez l'une des plus vieilles races de l'Orient; et elles excitent l'admiration de tous les observateurs qui étudient cette race dans ses foyers domestiques et ses ateliers de travail.

Les Chinois ruraux, en effet, n'ont pas cessé de prospérer et de grandir malgré la corruption cantonnée dans les agglomérations urbaines. Ils conservent la constitution sociale que les cent patriarches, issus des fils de Noé, fondèrent il y a 42 siècles. Cette constitution est restée aussi stable que sous les premiers empereurs, parce qu'elle repose encore sur les deux fondements éternels de toute société : la croyance en un Dieu unique et la soumission à l'autorité paternelle. Ils sont maintenant au nombre de 350 millions : ils débordent sur le monde entier avec tous les caractères sociaux de la jeunesse. Ces caractères sont évidents partout où les Chinois sont en contact avec les Européens en Australie comme en Amérique, ces derniers apparaissent comme la race vieillie.

Ces caractères de la vieillesse se développent rapidement sous nos yeux chez les Européens accumulés sur les deux rivages opposés de l'Atlantique. Ils se manifestent surtout par les abus de la richesse, de la science et du pouvoir. L'origine du mal est surtout l'orgueil qui porte les lettrés à nier Dieu et sa loi. Parmi les résultats de ce principe de ruine figurent au premier rang: chez les nations, les fléaux amenés par les guerres injustes; dans les ateliers de travail, les discordes intestines provoquées par les maîtres qui ne pratiquent point, envers leurs ouvriers, les devoirs imposés par le ive commandement; dans les foyers domestiques enfin, la désorganisation, due aux enfants révoltés contre l'autorité paternelle. Le mot «< vieillesse », que nous appliquons si volontiers aux races de l'Orient, serait donc moins inexact s'il était employé pour peindre notre constitution sociale. Au fond, il ne convient à aucun peuple. Nous sommes envahis par la pire maladie sociale; mais nous pouvons toujours nous guérir en recourant au vrai remède. Nous ne sommes pas

vieux nous sommes corrompus. Telle est, en particulier, la situation de la France. L'erreur et le vice nous ont enlevé, avec la fécondité de la race, la principale apparence de la jeunesse. Toutefois, pour rajeunir, nous avons un procédé infaillible : c'est de revenir, par un effort persévérant, à la vérité et à la vertu.

Nous devons commencer promptement cet effort, si nous voulons échapper à la ruine qui nous menace. Il semble même que cette nécessité est déjà imposée par la prudence à ceux de nos voisins qui, pendant que nous déclinons, grandissent encore en richesse, en science et en pouvoir. C'est ce que démontrent les faits coordonnés dans les cinq derniers volumes de cet ouvrage. Il faut étudier ces faits dans leurs moindres détails pour nous soustraire à l'action des idées fausses qui nous sont inoculées, depuis un siècle, par la corruption des mœurs et surtout par les discordes nationales, politiques ou religieuses. Assurément l'étude directe des sociétés européennes est difficile; et elle reste telle, même avec les facilités que donnent aujourd'hui les voies nouvelles de communication. La simple lecture de mes six volumes ne sera pas même abordée spontanément par beaucoup de personnes qui les acquerront pour compléter leur bibliothèque. Je voudrais conquérir peu à peu cette classe de lecteurs, sans leur imposer immédiatement un effort trop pénible. Dans ce but, j'ose leur donner d'abord un premier conseil : c'est de consacrer, de loin en loin, quelques instants à user de ce livre comme d'un dictionnaire. Ce conseil est particulièrement applicable au présent volume. Les journaux, qui deviennent de plus en plus la nourriture habituelle de l'esprit, ont souvent à s'occuper des souffrances de l'Occident; mais leurs récits laissent souvent désirer un complément d'informations. On se procurera parfois

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