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Le chant dont vous m'avez fait don
Déplait à toute la Nature:

Au lieu qu'un Roffignol, chetive creature,
Forme des fons auffi doux qu'éclatans;
Eft lui feul l'honneur du Printemps.
Junon répondit en colere;

Oifcau jaloux & qui devrois te taire;
Eft-ce à toi d'envier la voix du Roffignol?
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nue de cent fortes de foyes,
Qui te panades, qui déployes

Une fi riche queue, & qui femble à nos yeux
La boutique d'un Lapidaire?

Eft-il quelque oifeau fous les Cieux

Plus que toi capable de plaire?

Tout animal n'a pas toutes proprietez,
Nous vous avons donné diverfes qualitez,
Les uns ont la grandeur & la force en partage;
Le Faucon e leger, l'Aigle plein de courage,
Le Corbeau fert pour le préfage,

La Corneille avertit des mal-heurs à venir:
Tous font contens de leur ramage:

Ceffe donc de te plaindre, ou bien pour te punir
Je t'ôterai ton plumage,

XL,

La Chate metamorphofée en Femme.

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N homme cheriffoit éperdument fa Chate,
Il la trouvoit mignonne, & belle, & delicate.

Qui miauloit d'un ton fort doux:
Il étoit plus fou que les foux.

Cet homme donc par prieres, par larmes,
Par fortileges & par charmes,
Fait tant qu'il obtient du deftin,
Que fa Chate en un beau matin
Devint femme', & le matin 'méme
Maître fot en fait fa moitié,
Le voila fou d'amour extrême,
De fou qu'il étoit d'amitié.
Jamais la Dame la plus belle
Ne charma tant fon favori,
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari.
Il l'amadouë, elle le flate,
Il n'y trouve plus rien de Chate:
Et pouffant l'erreur jufqu'au bout

La croit femme en tout & par tout. Lors que quelques Souris qui rongeoient de la natte Troublerent le plaifir des nouveaux mariez, Auffi-tôt la femme eft fur piés:

Ells manqua fon avanture.

Souris de revenir, femme d'étre en posture.

Pour cette fois elle accourut à point;

Car ayant changé de figure

Les Souris ne la craignoient point.
Ce lui fut toûjours une amorce,
Tant le naturel a de force,

Il fe mocque de tout, certain âge accompli,
Le Vafe eft imbibé, l'étoffe a pris fon pli.
En vain de fon train ordinaire

On le veut des-acoûtumer.
Quelque chofe qu'on puiffe faire,
FS

On

On ne fauroit le reformer.
Coups de fourche ni d'étrivieres
Ne lui font changer de manieres?
Et fuffiez-vous embâtonnez,
Jamais vous n'en ferez les maîtres.
Qu'on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenétres.

XLI.

Le Lion & l'Ane chaffant.

E Roi des animaux fe mit un jour en téte
De giboyer. Il celebroit fa féte.

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Le gibier du Lion ce ne font pas moineaux; Mais beaux & bons Sangliers, Daims & Cerfs bons & beaux.

Pour reüffir dans cette affairc.
Il fe fervit du ministerc

De l'Ane à la voix de Stentor.

L'Ane à Meffer Lion fit office de Cor.
Le Lion le pofta, le couvrit de ramée,
Lui commanda de braire, affuré qu'à ce fon
Les moins intimidez fuïroient de leur maifon.
Leur troupe n'étoit pas encore accoûtumée
A la tempéte de fa voix:

L'air en retentiffoit d'un bruit épouvantable:
La frayeur faififfoit les hôtes de ces bois..

Tous fuyoient, tous tomboient au piege inévitable
Où les attendoit le Lion.

N'ay je pas bien fervi dans cette occafion?

Dit l'Ane, en fe donnant tout l'honneur de la chaffe;
Ouy, reprit le Lion, c'eft bravement crié.
Si je ne connoiffois ta perfonne & ta race
J'en ferois moi-même effrayé.

L'Ane s'il eût ofé fe fût mis en colere,
Encor'qu'on le raillåt avec jufte raifon:
Car qui pourroit fouffrir une Ane fanfaron;
Ce n'eft pas là leur caractere.

XLII.

Teftament expliqué par Efope.

Si ce ve

ce qu'on dit d'Efope eft vrai,

Lui feul avoit plus de fageffe

Que tout l'Areopage. En voici pour effai
Une Hiftoire des plus gentilles;

Et qui pourra plaire au Lecteur.
Un certain homme avoit trois filles,
Toutes trois de contraire humeur.
Une beuveufe, une coquette;
La troifiéme avare parfaite.

Cét Homme par fon teftament,

Selon les Loix municipales,

Leur laiffa tout fon bien par portions égales,
En donnant à leur Mere tant;

Payable quand chacune d'elles

Ne poffederoit plus fa contingente part.
Le Pere mort, les trois femelles

Courent au teftament fans attendre plus tard.

On

On lé lit; on tâche d'entendre
La volonté du Teftateur,

Mais en vain car comment comprendre
Qu'auffi-tôt que chacune fœur
Ne poffedera plus fa part hereditaire
Il lui faudra payer fa Mere?
Ce n'eft pas un fort bon moyen
Pour payer, que d'étre fans bien.
Que vouloit donc dire le Pere?
L'affaire eft confultée; & tous les Avocats
Aprés avoir tourné le cas

En cent & cent mille manieres,

Y jettent leur bonnet, fe confeffent vaincus,
Ét confeillent aux heritieres

De partager le bien fans fonger au furplus.
Quant à la fomme de la veuve

Voicy, leur dirent-ils, ce que le Confeil treuve,
Il faut que chaque foeur fe charge par traité
Du tiers payable à volonté.

Si mieux n'aime la Mere en créer une rente
Dés le decés du mort courante.

La chofe ainfi reglée, on compofa trois lots.
En l'un, les maifons de bouteille,
Les buffets dreffez fous la treille,

La vaiffelle d'argent, les cuvettes, les brocs,
Les magasins de malvoifie,

Les efclaves de bouche, & pour dire en deux mots,
L'attirail de la goinfreric:

Dans une autre, celui de la coquetterie;

La maison de la Ville, & les meubles exquis,
Les Eunuques, & les coëffeufes,

Et les brodeufes,

Les

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