La Lice & fa Compagne.
UNe Lice étant fur fon terme,
Et ne fachant où mettre un fardeau fi preffant, Fait fi bien qu'à la fin fa Compagne confent, De lui préter fa hute, où la Lice s'enferme. Au bout de quelque-tems fa Compagne revient. La Lice lui demande encore une quinzaine. Ses petits ne marchoient, difoit-elle, qu'à peine. Pour faire court, elle l'obtient.
Ce fecond terme échû, l'autre lui redemande Sa maison, fa chambre, fon lit.
La Lice cette fois montre les dents, & dit: Je fuis préte à fortir avec toute ma bande, Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfans étoient déja forts.
Ce qu'on donne aux méchans,toûjours on le regrette. Pour tirer d'eux ce qu'on leur préte, Il faut que l'on en vienne aux coups; Il faut plaider, il faut combatre. Laiffez leur prendre un pied chez vous, Ils en auront bien tôt pris quatre.
Aigle donnoit la chaffe à Maître Jean Lapin, Qui droit à fon terrier s'enfuyoit au plus vite. Le trou de l'Escarbot fe rencontre en chemin. Je laiffe à penfer fi ce gîte
Etoit feur; mais où mieux? Jean Lapin s'y blotit. L'Aigle fondant fur lui nonobftant cét azile, L'Efcarbot intercede & dit:
Princeffe des Oifeaux, il vous est fort facile D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux: Mais ne me faites pas cét affront, je vous prie: Et puifque Jean Lapin vous demande la vie, Donnez-la lui de grace, ou l'otez à tous deux: C'est mon voifin, c'est mon compere. L'Oifeau de Jupiter, fans répondre un feul mot, Choque de l'aîle l'Efcarbot,
L'étourdit, l'oblige à fe taire ;
Enleve Jean Lapin. L'Efcarbot indigné Vole au nid de l'Oyfeau, fracaffe en fon abfence Ses œufs, fes tendres ceufs, fa plus douce efperance: Pas un feul ne fut épargné.
L'Aigle étant de retour & voyant ce menage, Remplit le Ciel de cris, & pour comble de rage Ne fait fur qui venger le tort qu'elle a fouffert. Elle gemit en vain, fa plainte au vent fe perd. Il falut pour cét an vivre en mere affligée. L'an fuivant elle mit fon nid en lieu plus haut.
L'Escarbot prend fon temps,fait faire aux œufs le faut. La mort de Jean Lapin derechef eft vengée. Ce fecond deüil fut tel que l'echo de ces bois N'en dormit de plus de fix mois. L'Oiseau qui porte Ganimede,
Du Monarque des Dieux enfin implore l'aide; Dépofe en fon giron fes œufs, & croit qu'en paix Ils feront dans ce lieu, que pour les interets Jupiter fe verra contraint de les défendre. Hardi qui les iroit là prendre.
Auffi ne les y prit-on pas.
Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du Dieu fit tomber une crote: Le Dieu la fecoüant jetta les œufs à bas. Quand l'Aigle feut l'inadvertance,
D'abandonner la Cour, d'aller vivre au defert; Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter fe tut.
Devant fon Tribunal l'Escarbot comparut, Fit fa plainte, & conta l'affaire.
On fit entendre à l'Aigle enfin qu'elle avoit tort. Mais les deux ennemis ne voulant point d'accord. Le Monarque des Dieux s'avila, pour bien faire, De tranfporter le temps où l'Aigle fait l'amour. Fn une autre faifon, quand la race Efcarbote Eit en quartier d'Hyver, & comme la Marmote Se cache & ne voit point le jour.
A-t-en chetif infecte, excrement de la terre. C'eft en ces mots que le Lion
Parloit un jour au Moucheron.
L'autre lui declara la guerre. Penfes-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi Me faffe peur, ni me foucie? Un bœuf eft plus puiffant que toi; Je le meine à ma fantaisie. A peine il achevoit ces mots, Que lui-méme il fonna la charge. Fut le Trompette & le Heros. Dans l'abord il fe met au large; Puis prend fon temps, fond fur le cou Du Lion qu'il rend prefque fou.
Le quadrupede écúme, & fon œil étincelle; : Il rugit, on fe cache, on tremble à l'environ:
Et cette allarme univerfelle
Eft l'ouvrage d'un Moûcheron.
Un avorton de Moûche en cent lieux le harcelle, Tantôt pique l'échine, & tantôt le museau, Tantôt entre au fond du nazcau.
La rage alors fe trouve à fon faiste montée. L'invifible ennemi triomphe & rit de voir, Qu'il n'eft griftc ni dent, en la béte irritée, Qui de la mettre en fang ne faffe fon devoir. Le mal-heureux Lion fe déchire lui-méme,
Fait refonner fa queue à l'entour de fes flancs, Bat l'air qui n'en peut mais, & fa fureur extrême Le fatigue, l'abat; le voila fur 'es dents. L'infecte du combat fe retire avec gloire:
Comme il fonna la charge, il fonne la victoire; Va par tout l'annoncer; & rencontre en chemin L'embufcade d'une araignée.
Il y rencontre auffi fa fin.
Quelle chofe par là nous peut étre enfeignée? J'en vois deux, dont l'une eft qu'entre nos ennemis Les plus à craindre font fouvent les plus petits; L'autre qu'aux grands perils tel a pû se soustraire, Qui perit pour la moindre affaire.
L'Ane chargé d'éponges, & l'Ane chargé de fel.
UN Anier, fon Sceptre à la main,
Menoit en Empereur Romain Deux Courfiers à longues oreilles.
L'un d'éponges chargé marchoit comme un Courier; Et l'autre fe faisant prier
Portoit, comme on dit, les bouteilles. Sa charge étoit de fel. Nos gaillards pelerins Par monts, par vaux, & par chemins
Au gué d'une riviere à la fin arriverent, Et fort empéchez fe trouverent.
L'Anier qui tous les jours traverfoit ce gué-là, Sur l'Ane à l'éponge monta,
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