Son pays le crut fou: Petits efprits! mais quoy? Aucun n'eft prophete chez foy.
Ces gens étoient les fous, Democrite le fage. L'erreur alla fi loin, qu'Abdere deputa Vers Hipocrate, & l'invita,
Par lettres & par ambaffade,
A venir rétablir la raifon du malade. Nôtre concitoyen, difoient-ils en pleurant, Perd l'efprit: la lecture a gâté Democrite. Nous l'eftimerions plus s'il étoit ignorant. Aucun nombre, dit-il, les Mondes ne limite: Peut-être même il font remplis
Non content de ce fonge il y joint les atômes," Enfans d'un cerveau creux, invifibles fantômes Et mefurant les Cieux fans bouger d'ici bas Il connoît l'Univers & né fe connoit pas. Un temps fut qu'il fçavoit accorder les debats; • Maintenant il parle à lui-même.” Venez divin mortel, fa folie eft extrême. Hipocrate n'eut pas trop de foy pour ces gens: Cependant il partit: Et voyez, je vous prie, Quelles rencontres dans la vie
Le fort caufe; Hipocrate arriva dans le temps Que celuy qu'on difoit n'avoir raison ni fens Cherchoit dans l'homme & dans la béte Quel fiege a la raifon foit le cœur, foit la téte. Sous un ombrage épais, affis prés d'un ruiffeau, Les labirintes d'un cerveau
L'occupoient. Il avoit à fes pieds maint volume Et ne vit prefque pas fon amy s'avancer, Attaché felon fa coûtume...
Leur compliment fut court, ainfi qu'on peut penfer.
Le fage eft ménager du temps & des paroles. Ayant donc mis à part les entretiens frivoles, Et beaucoup raifonné fur l'homme & fur l'efprit, Ils tomberent fur la morale.
Il n'eft pas befoin que j'étale
Tout ce que l'un & l'autre dit, Le recit precedent fuffit
Pour montrer que le peuple eft juge recufable. En quel fens eft donc veritable: Ce que j'ay leu dans certain lieu, Que fa voix eft la voix de Dieu ?
Le Loup & le Chaffeur.
Ureur d'accumuler, monftre de qui les yeux Regardent comme un poinct tous les bienfaits des
Te combattray-je en vain fans ceffe en cet ouvrage? Quel temps demandes tu pour fuivre mes leçons? L'homme fourd à ma voix, comme à celle du fage, Ne dira-t-il jamais, C'eft affez, joüiffons?
Hâte-toy, mon amy; Tu n'as pas tant à vivre. › Je te rebats ce mot; car il vaut tout un livre. Jouis: Je le feray. Mais quand donc? dés demain. Eh! mon amy, la mort te peut prendre en chemin. Jouis dés aujourd'huy: redoute un fort femblable A celuy du Chaffeur & du Loup de ma fable, Le premier de fon arc avoit mis bas un Daim. Un Fan de Biche paffe, & le voilà foudain
Compagnon du défunt ; Tous deux gifent fur l'herbe. La proye étoit honnéte, un Daim avec un Fan, Tout modefte Chaffeur en eût été content; Cependant un Sanglier, monftre énorme & fuperbe, Tente encor nôtre archer friand de tels morceaux. Autre habitant du Styx: la Parque & fes cifeaux Avec peine y mordoient; la Déeffe infernale Reprit à plufieurs fois l'heure au monftre fatale. De la force du coup pourtant il s'abatit. C'étoit affez de biens; mais quoi, rien ne remplit Les vaftes appetis d'un faifeur de conquétes. Dans le temps que le Porc revient à foy, l'archer Voit le long d'un fillon une perdrix marcher, Surcroit chetif, aux autres tétes.
De fon arc toutesfois il bande les refforts. Le fanglier rappellant les reftes de fa vie, Vient à luy, le découtt, meurt vangé fur fon corps: Et la perdrix le remercic.
Cette part du recit s'adreffe au convoiteux: L'avare aura pour luy le reite de l'exemple. Un Loup vit en paffant ce fpectacle piteux. O Fortune, dit-il, je te promets un temple. Quatre corps étendus! que de biens! mais pourtant Il faut les ménager, ces rencontres font rares. (Ainfi s'excufent les avares,)
J'en auray, dit le Loup, pour un mois, pour autant. Un, deux, trois, quatre corps,ce font quatre femaines, Si je fçais conter, toutes pleines.
Commençons dans deux jours; & mangeons cependant
La corde de cet arc; il faut que l'on l'ait faite De vray boyau ; l'odeur me le témoigne affez. En difant ces mots il fe jette S
Sur l'arc qui fe détend, & fait de la fagette
n nouveau mort, mon Loup a les boyaux percez. Je reviens à mon texte: il faut que l'on joüiffe; Témoin ces deux gloutons punis d'un fort commun; La convoitife perdit l'un; L'autre perit par l'avarice.
Le Dépofitaire infidele..
Grace aux Filles de memoire
J'ai chanté des animaux:
Peut-étre d'autres Heros M'auroient aquis moins de gloire. Le Loup en langue des Dieux Parle au Chien dans mes ouvrages. Les Bétes à qui mieux mieux Y font divers perfonnages; Les uns fous, les autres fages; De telle forte pourtant Que les fous vont l'emportant; La mefure en eft plus pleinc. Je mets auffi fur la Scene Des Trompeurs, des Scelerats, Des Tyrans, & des Ingrats, Mainte imprudente pecore, Force Sots, force Flatcurs;. Je pourrois y joindre encore Des legions de Menteurs.
Tout homme ment, dit le Sage, ob so i ¤A
S'il n'y mettoit feulement
Que les gens du bas étage,mox
Souffrir ce défaut aux hommes; Mais que tous tant que nous Tommes Nous mentions, grand & petit, Si quelque autre l'avoit dit, Je foûtiendrois le contraire. Et méme qui mentiroit
Comine Erope, & comme Homere, Un vray menteur ne feroit.
Le doux charmie de maint fongerMAN Par leur bel art inventé,
Sous les habits du menfonge
Nous offre la verité
L'un & l'autre a fait un livreTM
Que je tiens digne de vivre
Sans fin, & plus s'il fe peut:o 1. 1944
Comme eux ne ment pas qui veut.!
Mais mentir comme fçûr faire
Un certain Dépofitaire..
Payé par fon propre mot
Et d'un méchant, & d'un forel
Voici le fait. Un trafiquant de Perfe
Chez fon voifin, s'en allant en commerce, I Mit en dépot un cent de fer un jour Mon fer, dit-il, quand il fut de retour. Votre fer? il n'eft plus: J'ai regret de vous dire, Qu'un Rat l'a mange tout entier.
J'en ay grondé mes gens: mais qu'y faire ? un Grenier A toujours quelque trou. Le trafiquant admire Un tel prodige, & feint de le croire pourtant.
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