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CATALOGUE d'une précieuse collection de livres, manuscrits, autographes, dessins et gravures composant actuellement la bibliothèque de M. A.-A. R. Paris, chez J. Renouard et Cie, 1853; 1 vol. in-8° 4 fr.

Ce catalogue est celui de la bibliothèque de M. Antoine-Augustin Renouard, ancien libraire à Paris, aujourd'hui retiré des affaires. Durant une longue carrière, il a mis constamment tous ses soins à se faire la plus belle collection de livres, choisis avec le goût d'un fin connaisseur, et la profession qu'il a exercée pendant soixantedix ans le plaçait admirablement pour découvrir, apprécier, échan ger, améliorer sans cesse. Bibliophile instruit, qui n'estime pas seulement les livres pour leur exécution typographique ou leur rareté, mais qui sait en juger aussi la valeur littéraire, il a recueilli les meilleures éditions de tous les ouvrages importants, et n'a rien négligé pour en avoir des exemplaires parfaits, rendus plus précieux encore, souvent même uniques par les nombreuses illustrations de différentes sortes dont il les a enrichis. Parvenu à un âge très-avancé, et prévoyant qu'après sa mort cette bibliothèque sera mise en vente, il en publie le catalogue, rédigé par lui-même, avec une foule d'annotations intéressantes que nul autre n'aurait pu si bien faire, parce qu'il a étudié ses livres en quelque sorte un à un, à mesure qu'il les acquérait, et que ce sont de vieux amis dans l'intimité desquels il vit depuis longtemps.

Sa collection se compose de 3604 articles. Outre un grand nombre de véritables raretés ou curiosités bibliographiques, on y remarque les bonnes éditions modernes, ornés pour la plupart de gravures de premier choix, que M. Renouard s'est plu à y ajouter toutes les fois que le sujet le comportait. Ainsi, dans la théologie, nous trouvons à la suite de plusieurs Bibles des éditions les plus rares et les plus recherchées, un Nouveau Testament, traduction de Lemaître de Sacy, Paris, Didot jeune, en 5 vol. in-4o, grand papier vélin, qui renferme les figures avant et avec la lettre, les eaux-for

tes et les dessins originaux de Moreau le jeune; un fort bel exemplaire des figures de la Bible par B. Picart; trois collections de gravures anglaises pour le même ouvrage; les vingt et une estampes de William Blake pour le livre de Job; enfin un exemplaire complet et très-bien conservé de Ars memorandi per figuras Evangelistarum, livre fort curieux composé d'un certain nombre de gravures sur bois antérieures à l'invention de l'imprimerie. Parmi les Heures, on distingue un manuscrit sur vélin, intitulé Preces piæ, orné de miniatures d'une exécution parfaite. Le chapitre des beauxarts est riche en dessins originaux, et en recueils de magnifiques gravures. On y remarque, entre autres, un volume écrit en partie de la main du Poussin, avec trente-neuf dessins de lui; un volume de dessins de Joseph Vernet avec des annotations de sa main; les dessins de Marillier pour Le Sage, Prevost, les Voyages imaginaires, le Cabinet des fées, etc.; les Misères de Callot; 211 pièces de Séb. Leclerc ; une grande partie de l'œuvre de B. Picart, etc. L'art typographique est dignement représenté par de nombreux spécimens des principaux imprimeurs tant anciens que modernes, ainsi que par un choix judicieux des ouvrages qui traitent de son origine et de ses progrès. M. Renouard a fait de cette branche l'objet spécial de ses études; ses Annales de l'imprimerie des Aldes ont obteu trois éditions, celles de l'imprimerie des Etienne en ont eu deux.

La littérature, les voyages et l'histoire ne sont pas moins bien dotés dans ce catalogue qui renferme des trésors innombrables. Les ouvrages imprimés sur vélin s'élèvent à plus de deux cents. En fait d'autographes précieux, nous signalerons une signature et des notes de Rabelais sur un exemplaire de Platon; des lettres de Boileau, de Fénelon, de Mme de Maintenon; le premier manuscrit de Paul et Virginie écrit en entier de la main de Bernardin de Saint-Pierre, etc.

DE NEUF HEURES A MINUIT, par Léon Gozlan Paris, 1852, 1 vol.

in-12° 3 fr. 50. RAOUL DES LOGES ou un homme fort en

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thème, par Alph. Karr. Paris, 1852, 2 vol. in-12: 4 fr. LA MARQUISE CORNÉLIA D'ALFI ou le lac d'Annecy et ses environs, par Eug. Sue. Annecy, 1852; 1 vol. in-12: 2 fr.50. SCÈNES ÉCOSSAISES, par Ch. Olliffe. Paris, 1853; 1 vol. in-18: 2 fr.

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Voici ce qu'on peut appeler de la littérature de pacotille. Le feuilleton ne lui offrant plus un débouché suffisant, elle cherche à se débiter en volumes, et n'en vaut pas mieux pour cela. Il faudra du temps encore pour que les écrivains perdent l'habitude qu'ils ont contractée de laisser courir leur plume, en quelque sorte au hasard, sans se donner la peine de faire un plan, sans travailler, ni même relire leurs œuvres. Les Scènes, de M. Olliffe, par exemple, n'auraient pas figuré trop mal au bas d'un journal, tandis que dans un livre elles paraissent assez insignifiantes. Ce sont des notes recueillies par un voyageur qui parcourt l'Ecosse, décrivant les beaux sites, les vieux châteaux, les parcs, racontant quelques légendes populaires, enregistrant les souvenirs qui se rattachent soit à des personnages historiques, soit à des littérateurs célèbres dont le nom est resté populaire. Il y avait là certainement de quoi fournir des observations piquantes et des scènes du plus vif intérêt. Mais M. Olliffe s'est contenté de reproduire ses informations telles qu'il les a reçues soit du conducteur de la diligence, soit d'un cicerone quelconque, il a livré à l'impression son carnet de voyage, et le seul ornement qu'il y ait ajouté consiste dans la traduction de trois ou quatre poésies écossaises. Aussi la lecture de son petit volume n'a guère d'attrait, et cependant il mérite d'être distingué des autres productions inscrites en tête de cet article, car s'il est médiocre, du moins il n'est pas mauvais, et l'on ne rencontre dans ses pages rien qui blesse le goût ni la morale.

-MM. Léon Gozlan et Alph. Karr ont sans doute beaucoup plus d'esprit, mais ils en font un triste usage. Mieux doués, ils sont

d'autant moins excusables d'employer ainsi leur talent qui pourrait aspirer à d'autres succès, comme ils en ont tous les deux donné plus d'une preuve. De neuf heures à minuit est un recueil de contes, écrits en général avec négligence et d'un genre passablement trivial. L'auteur vise à l'originalité, mais il manque de naturel. Ses personnages sont tous plus ou moins des caricatures, et cependant ils n'excitent pas le rire, parce qu'il y a dans l'exagération de leurs caractères quelque chose de répulsif, C'est une société dans laquelle on se sent mal à l'aise. Il y règne un certain ton de persifflage qui tue l'intérêt, qui semble indiquer des intentions satiriques, et dont, cependant, on ne saisit point le but, car on y cherche vainement un sens moral. Ce défaut nous a, du reste, frappés déjà dans quelques-uns des ouvrages de M. Gozlan. Son imagination prend la poésie à rebours; elle n'idéalise pas, au contraire, elle rabaisse plutôt la réalité, elle crée des êtres chez lesquels les bons mouvements, les élans généreux ont presque toujours des mobiles ignobles ou du moins vulgaires. Sa tendance habituelle est un scepticisme sans portée philosophique, dont le souffle vient flétrir toutes les fleurs qui peuvent éclore sur sa route.

M. Alph. Karr, quoique moins enclin à cette stérile ironie, n'en est pas non plus tout à fait exempt. Il vise aussi parfois à l'originalité, mais il est plutôt paradoxal que sceptique. Ses romans sont volontiers des thèses destinées à soutenir et à développer une idée. Dans Raoul Desloges, il veut prouver que les études classiques ne mènent à rien, et ne servent pas à grand'chose. Son héros, fort en thème, après avoir remporté de nombreux prix au collége, se trouve sans carrière, et tant d'efforts ne le conduisent qu'à être un pauvre donneur de leçons. Cette position précaire exerce une fâcheuse influence sur toute sa vie. Il ne peut songer à se marier de bonne heure, car la jeune fille qu'il aime n'a point de fortune; il fait des dettes avec l'insouciance d'un homme de lettres qui ne sait pas compter, et il se laisse séduire par la fille de son tailleur, à laquelle il donne des leçons; entraîné de cette manière à contracter un sot mariage, il est malheureux, sa femme le trompe et bientôt l'abandonne, il va chercher des consolations auprès de la jeune per

sonne qu'il a d'abord aimée, il rêve la gloire littéraire, s'épuise en vaines démarches, pour obtenir la réception d'un drame qu'il a composé, s'endette de nouveau pour faire imprimer un volume de poésie qui ne se vend pas, et finit par se pendre de désespoir en voyant que rien ne lui réussit.

Cette histoire ne manque pas de vérité; c'est celle de beaucoup de jeunes gens que des études incomplètes et mal dirigées ont jetés dans une voie qui ne leur convenait point. Mais à qui la faute? Assurément ce n'est pas celle du grec et du latin si Raoul n'a ni talent, ni courage, ni force de volonté pour surmonter les obstacles, s'il se laisse duper par un camarade de collége qui trouve plus commode de vivre aux dépens d'autrui que de se donner la peine de travailler. Ce sont là des défauts que l'éducation aurait pu modifier mais avec lesquels les études classiques n'ont rien à faire. De la donnée fournie par M. Karr il ressort simplement qu'un élève fort en thème ne devient pas toujours un homme distingué, que surtout l'instruction ne peut tenir lieu de l'élément moral, et que la faiblesse de caractère est un bien triste défaut. Au lieu d'insister sur ce point, l'auteur a le tort, grave selon nous, de s'en prendre aux études classiques qui n'en peuvent mais. On dirait que les colléges ne produisent que des imbéciles et des fripons; le suicide et le bagne, voilà les deux fins qu'il montre en perspective aux lauréats des lycées. La fausseté d'une pareille thèse saute aux yeux, et les détails du roman ne sont malheureusement pas plus vrais.

Quant à M. Eug. Sue, nous ne savons ce qu'il a voulu faire dans sa Marquise Cornelia d'Alf. Est-ce un roman, est-ce un itinéraire des environs d'Annecy, ou bien une réclame en faveur des notabilités de l'endroit? La dernière de ces trois suppositions semblera peut-être la plus probable, mais alors il faut avouer que l'auteur ne s'est pas mis en frais d'imagination ni de style pour ses nouveaux amis; jamais il n'a rien publié de si médiocre, de si dénué de toute espèce d'intérêt. C'est un drame absurde mais épouvantable, entrelardé de descriptions à l'usage des voyageurs, et de notes où figurent M. ***, avocat éloquent; M. ***, historien du plus haut mérite; M. , poète distingué; M. ", administrateur très

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