Page images
PDF
EPUB

Bientôt... Mais de la mort lourde et muette
Vient de toucher la corde; elle se brise, et jette
Un son plantif et sourd dans le vague des airs.
Mon luth glacé se tait... Amis, prenez le vôtre;
Et que mon âme encor passe d'un monde à l'autre
Au bruit de vos sacrés concerts!

DE LA MARTINE.

Le Papillon.

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l'aile du zephyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté :

Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et, sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté.

LE MEME.

Elégie sur la Disgrâce de Fouquet.

Vous l'avez vu naguère aux bords de vos fontaines, Qui, sans craindre du sort les faveurs incertaines, Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels, Recevait des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels. Hélas! qu'il est déchu de ce bonheur suprême ! Que vous le trouveriez différent de lui-même ! Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits, Les soucis dévorans, les regrets, les ennuis,

Hôtes infortunés de sa triste demeure,

En des gouffres de maux le plongent à toute heure ;
Voilà le précipice où l'ont enfin jeté

Les attraits enchanteurs de la prospérité.

Dans le palais des rois cette plainte est commune ;
On n'y connaît que trop les jeux de la fortune,
Ses trompeuses faveurs, ses appas inconstans;
Mais on ne les connaît que quand il n'est plus temps.
Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,

Il est bien malaisé de régler ses désirs;
Le plus sage s'endort sur la foi des zéphyrs.
Jamais un favori ne borne sa carrière ;
Il ne regarde pas ce qu'il laisse en arrière;
Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit,
Ne le saurait quitter qu'après l'avoir détruit.
Tant d'exemples fameux que l'histoire en raconte,
Ne suffisaient-ils pas sans la perte d'Oronte?

Ah! si ce faux éclat n'eût pas fait ses plaisirs,
Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs,
Qu'il pouvait doucement laisser couler son âge!
Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'en va chaque jour
Saluer à longs flots le soleil de la cour;
Mais la faveur du ciel vous donne en récompense,
Du repos, du loisir, de l'ombre et du silence,
Un tranquille sommeil d'innocens entretiens :
Et jamais à la cour on ne trouve ces biens.

Mais quittons ces pensers, Oronte vous appelle;
Vous, dont il a rendu la demeure si belle,
Nymphes, qui lui devez vos plus charmans appas
Si le long de vos bords Louis porte ses pas,
Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage;
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage;
Du titre de clément il est ambitieux.

C'est par là que les rois sont semblables aux dieux.
Du magnanime Henri qu'il contemple la vie ;
Dès qu'il put se venger, il en perdit l'envie.
Inspirez à Louis cette même douceur;

La plus belle victoire est de vaincre son cœur.
Oronte est à présent un objet de clémence :
S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance,
Il est assez puni par son sort rigoureux;
Et c'est être innocent, que d'être malheurenx.
LA FONTAINE.

MORCEAUX LYRIQUES.

Ode & Malherbe.

TIRCIS, il faut penser à faire la retraite ;
La course de nos jours est plus qu'à demi faite ;
L'âge insensiblement nous conduit à la mort,
Nous avons assez vu sur la mer de ce monde
Errer au gré des vents notre nef vagabonde :
Il est temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune est un bien périssable;
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable;
Plus on est élevé, plus on court de dangers :
Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête;
Et la rage des vents brise plutôt le faîte

Des maisons de nos rois, que les toits des bergers.

O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, loin, retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,
A selon son pouvoir mesuré ses désirs!

Il laboure le champ que labourait son père;
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère
Dans ces graves conseils d'affaires accablés :
Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages,
Et n'observe des vents les sinistres présages,
Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés.

Roi de ses passions, il a ce qu'il désire,
Son fertile domaine est son petit empire,

Sa cabane est son Louvre et son Fontainebleau ;
Ses champs et ses jardins sont autant de provinces ;
Et sans porter envie à la pompe des princes,
Il est content chez lui de les voir en tableau.

Il voit de toutes parts combler d'heur sa famille,
La javelle à plein poing tomber sous la faucille,

Le vendageur plier sous le faix des paniers.
Il semble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons, et les grasses campagnes
S'efforcent à remplir sa cave et ses greniers.
Il suit aucunes fois un cerf par les foulées,
Dans ces vieilles forêts du peuple reculées,
Et qui même du jour ignorent le flambeau :
Aucunes fois des chiens il suit le voix confuses,
Et voit enfin le lièvre, après toutes ses ruses,
Du lieu de sa retraite en faire son tombeau.
Il soupire en repos l'ennui de sa vieillesse,
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés :
Il tient par les moissons regître des années:
Et voit de temps en temps leurs courses enchaînées
Faire avec lui vieillir les bois qu'il a plantés.
Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
A la merci des vents et des ondes chenues,
Ce que nature avare a caché de trésors:
Il ne recherche point, pour honorer sa vie,
De plus illustre mort, ni plus digne d'envie,
Que de mourir au lit où ses pères sont morts.
S'il ne possède point ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces chapiteaux, ces superbes portiques,
Où la magnificence étale ses attraits,

Il jouit des beautés qu'ont les saisons nouvelles,
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles,
Qu'en ces riches lambris on ne voit qu'en portraits.
Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude,
Et vivons désormais loin de la servitude,
De ces palais dorés où tout le monde accourt;
Sous un chêne élevé les arbrisseaux s'ennuient,
Et devant le soleil tous les astres s'enfuient,
De peur d'être obligés de lui faire la cour.
Agréables déserts, séjour de l'innocence,
Où loin des vanités de la magnificence,
Commence mon repos, et finit mon tourment;
Vallons, fleuves, rochers, aimable solitude,
Si vous fûtes témoins de mon inquiétude,
Soyez-le désormais de mon contentement.

RACAN.

Ode à la Fortune.

Fortune, dont la main couronne
Les forfaits les plus inouis,
Du faux éclat qui t'environne
Serons-nous toujours éblouis?
Jusques à quand, trompeuse idole,
D'un culte honteux et frivole
Honorerons-nous tes autels?
Verra-t-on toujours tes caprices
Consecrés par les sacrifices
Et par l'hommage des mortels?

Le peuple, dans ton moindre ouvrage
Adorant la prospérité,

Te nomme grandeur de courage,
Valeur, prudence, fermeté :
Du titre de vertu suprême
Il dépouille la vertu même
Pour le vice que tu chéris;
Et toujours ses fausses maximes
Erigent en héros sublimes
Tes plus coupables favoris.

Mais de quelque superbe titre
Dont ces héros soient revêtus,
Prenons la raison pour arbitre,
Et cherchons en eux leurs vertus:
Je n'y trouve qu'extravagance,
Foiblesse, injustice, arrogance,
Trahisons, fureurs, cruautés :
Etrange vertu qui se forme
Souvent de l'assemblage énorme
Des vices les plus détestés!

Apprends que la seule sagesse
Peut faire les héros parfaits;
Qu'elle voit toute la bassesse
De ceux que ta faveur a faits;
Qu'elle n'adopte point la gloire
Qui naît d'une injuste victoire

« PreviousContinue »