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RELIGION ET MORALE.

Existence de Dieu.

CONSULTE Zoroaste, et Minos, et Solon,
Et le sage Socrate et le grand Cicéron :
Ils ont adoré tous un maître, un juge, un père.
Ce système sublime à l'homme est nécessaire.
C'est le sacré lien de la société,

Le premier fondement de la sainte équité;
Le frein du scélérat, l'espérance du juste.
Si les cieux dépouillés de leur empreinte auguste
Pouvaient cesser jamais de la manifester;

Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Que le sage l'annonce et que les grands le craignent;
Rois, si vous m'opprimez, si vos grandeurs dédaignent
Les pleurs de l'innocent que vous faites couler,
Mon vengeur est au ciel, apprenez à trembler.
VOLTAIRE.

Preuves de l'Existence de Dieu.

Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ;
Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatans devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers; et vous, terre, parlez.
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles :
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles?
O cieux, que de grandeur, et quelle majesté !
J'y reconnais un maître à qui rien n'a coûté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière,
Ainsi que dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,

Par quel ordre, ô soleil! viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde?

Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours:
Est-ce moi qui t'appelle, et qui règle ton cours?

Et toi dont le courroux veut engloutir la terre, Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre ? Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts; La rage de tes flots expire sur tes bords. O toi qui follement fais ton dieu du hasard, Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art, Au même ordre toujours architecte fidèle, A l'aide de son bec maçonne l'hirondelle. Comment pour élever ce hardi bâtiment A-t-elle en le broyant arrondi son ciment? Et pourquoi ces oiseaux si remplis de prudence Ont-ils de leurs enfans su prévoir la naissance? Que de berceaux pour eux aux arbres suspendus ! Sur le plus doux coton que de lits étendus! Le père vole au loin, cherchant dans la campagne Des vivres qu'il rapporte à sa tendre compagne ; Et la tranquille mère, attendant son secours, Echauffe dans son sein le fruit de leurs amours. Des ennemis souvent ils repoussent la rage, Et dans de foibles corps s'allume un grand courage. RACINE, le fils.

Morale.

Usez, n'abusez point, ne soyez point en proie
Aux désirs effrénés, au tumulte, à l'erreur.
Vous m'avez affligé, vains éclats de la joie ;
Votre bruit m'importune, et le rire est trompeur :

Dieu nous donna des biens, il veut qu'on en jouisse;
Mais n'oubliez jamais leur cause et leur auteur;
Et lorsque vous goûtez sa divine faveur,

O mortels! gardez-vous d'oublier sa justice.

Aimez ces biens pour lui, ne l'aimez point pour eux : Ne pensez qu'à ses lois; car c'est là tout votre être. Grand, petit, riche, pauvre, heureux ou malheureux, Etranger sur la terre, adorez votre maître.

Répandez vos bienfaits avec magnificence;
Même aux moins vertueux ne les refusez pas :
Ne vous informez point de leur reconnaissance :
Il est grand, il est beau de faire des ingrats.

L'homme est un vil atome, un point dans l'étendue :
Cependant du plus haut des palais éternels,

Dieu sur notre néant daigne abaisser sa vue :

C'est lui seul qu'il faut craindre, et non pas les mortels.

À

un Père, sur la Mort de sa Fille.

VOLTAIRE.

Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle,
L'augmenteront toujours?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.

Mais elle était du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,

Est sujet à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N'en défend point nos rois.

K K

MALHERBE.

Le Chrétien mourant.

Qu'entends-je? autour de moi l'airain sacré résonne!
Quelle foule pieuse en pleurant m'environne?
Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau?
O mort! est-ce ta voix qui frappe mon oreille
Pour la dernière fois ? Eh quoi! je me réveille
Sur le bord du tombeau!

O toi! d'un feu divin précieuse étincelle,
De ce corps périssable habitante immortelle.
Dissipe ces terreurs: la mort vient t'affranchir!
Prends ton vol, ô mon âme! et dépouille tes chaînes.
Déposer le fardeau des misères humaines,

Est-ce donc là mourir?

Oui, le temps a cessé de mesurer mes heures.
Messagers rayonnants des célestes demeures,
Dans quels palais nouveaux allez-vous me ravir?
Déjà, déjà je nage en des flots de lumière :
L'espace devant moi s'agrandit, et la terre
Sous mes pieds semble fuir!

Mais qu'entends-je ? Au moment où mon âme s'éveille,
Des soupirs, des sanglots ont frappé mon oreille!
Compagnons de l'exil, quoi! vous pleurez ma mort!
Vous pleurez! et déjà dans la coupe sacrée

J'ai bu l'oubli des maux, et mon âme enivrée
Entre au céleste port.

DE LA MARTINE.

La Prière.

Salut, principe et fin de toi-même et du monde !
Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde,
Ame de l'univers, Dieu, père, créateur,

Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur !
Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole,
Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur,
La terre ta bonté, les astres ta splendeur.

Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage ;
L'univers tout entier réfléchit ton image,

Et mon âme à son tour réfléchit l'univers.
Ma pensée, embrassant tes attributs divers,
Partout autour de toi te découvre et t'adore,
Se contemple soi-même et t'y découvre encore:
Ainsi l'astre du jour éclate dans les cieux,
Se réfléchit dans l'onde et se peint à mes yeux.

C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême ;
Je te cherche partout, j'aspire à toi, je t'aime :
Mon âme est un rayon de lumière et d'amour,
Qui, du foyer divin détaché pour un jour,
De désirs dévorants loin de toi consumée,
Brûle de remonter à sa source enflammée.

Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence.
Partout à pleines mains prodiguant l'existence,
Tu n'auras pas borné le nombre de mes jours
A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts.
Je te vois en tous lieux conserver et produire :
Celui qui peut créer dédaigne de détruire.
Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté,
J'attends le jour sans fin de l'immortalité ;
La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres,
Ma raison voit le jour à travers ses ténèbres,
C'est le dernier degré qui m'approche de toi,
C'est le voile qui tombe entre ta face et moi.
Hâte pour moi, Seigneur, ce moment que j'implore;
Ou si dans tes secrets tu le retiens encore,
Entends du haut du ciel le cri de mes besoins ;
L'atome et l'univers sont l'objet de tes soins;
Des dons de ta bonté soutiens mon indigence,
Nourris mon cœur de pain, mon âme d'espérance;
Réchauffe d'un regard de tes yeux tout-puissants
Mon esprit éclipsé par l'ombre de mes sens;
Et, comme le soleil aspire la rosée,

Dans ton sein à jamais absorbe ma pensée!

Aveuglement des Hommes.

LE MEME.

Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille:
Rois, soyez attentifs; peuples, ouvrez l'oreille :
Que l'univers se taise, et m'écoute parler.

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