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Ce Systême des Chrétiens avoit cela de com-mode, qu'il découvroit aux Payens, par leurs propres principes, l'origine de leur faux Culte,› & la fource de l'Erreur où ils avoient toujours été. Ils étoient perfuadez qu'il y avoit quelque. chofe de furnaturel dans leurs Oracles, & les Chrétiens qui avoient à difputer contre eux, ne fongeoient point à leur ôter cette pensée. Les Demons dont on convenoit de part & d'autre, fervoient à expliquer tout ce furnaturel. On reconnoiffoit cette espece de miracle ordinaire qui s'étoit fait dans la Religion des Payens; mais on leur en faifoit perdre tout l'avantage par les Auteurs aufquels on l'attribuoit, & cette voye étoit bien plus courte & plus aifée que celle de contefter le miracle même par une longue fuite de recherches & de raisonnemens.

Voilà comment s'établit dans les premiers: Siecles de l'Eglife, l'opinion qu'on y prit fur les Oracles des Payens. Je pourrois aux trois raifons que j'ai apportées en ajoûter une quatriéme, auffi bonne peut-être que toutes les autres, c'eft que dans le Systême des Oracles: rendus par les Demons, il y a du Merveilleux, & fi l'on a un peu étudié l'efprit humain, on fait quelle force le Merveilleux a fur lui. Mais. je ne prétens pas m'étendre fur cette reflexion; ceux qui y entreront m'en croiront bien, fans que je me mette en peine de la prouver & ceux qui n'y entreront pas, ne m'en croi roient pas peut-être. après toutes mes preu

ves.

Examinons préfentement l'une après l'autre les raifons qu'on a eues de croire, les Oracles furnaturels.

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CHA

CHAPITRE IV.

Que les Hiftoires Surprenantes qu'on :
debite fur les Oracles, doivent
être fort fufpectes.

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IL feroit difficile de rendre raifon des Hif

toires & des Oracles que nous avons raportez fans avoir recours aux Demons, mais auffi tout cela eft-il bien vrai ? Affurons-nous bien du fait, avant que de nous inquieter de la caufe. Il eft vrai que cette methode est bien lente pour la plupart des Gens, qui courent naturellement à la caufe, & paffent par-deffus la verité du fait mais enfin nous éviterons le.. ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point.

Ce malheur arriva fi plaifamment fur la fin du Siecle paffé à quelques Savans d'Allemagne, que je ne puis m'empêcher d'en parler : ici.

En 1593. le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silefie, âgé de fept ans, il lui en étoit venu une d'or, à la place d'une de fes groffes dents. Horftius, Pro-fefleur en Medecine dans l'Univerfité de Helm-ftad, écrivit en 1595. l'Hiftoire de cette dent, & prétendit qu'elle étoit en partie naturelle en partie miraculeufe, & qu'elle avoit été envoyée de Dieu à cet Enfant pour confoler les Chrétiens affligez par les Turcs. Figurez-vous quel

quelle confolation, & quel rapport de cette dent aux Chrétiens, ni aux Turcs. En la même années afin que cette dent d'or ne manquât. pas d'Hiftoriens, Rullandus en écrit encore: Ì'Hiftoire. Deux ans après, Ingolfteterus autre Savant, écrit contre le fentiment que Rullandus avoit de la dent d'or, & Rullandus fait auffi-tôt une belle & docte Replique.. Un autre grand homme nommé Libavius ra maffe tout ce qui avoit été dit de la dent & y ajoûte fon fentiment particulier. Il ne manquoit autre chose à tant de beaux Ouvrages finon qu'il fût vrai que la dent étoit d'or. Quand un Orfévre l'eut examinée, il fe trouva que c'étoit une feuille d'or appliquée à la dent avec beaucoup d'adreffe; mais on commença par faire des Livres, & puis on confulta l'Orfévre.

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Rien n'eft plus naturel que d'en faire autant fur toutes fortes de matieres. Je ne fuis pas fi. convaincu de notre ignorance par les choses. qui font, & dont la raifon nous eft inconnuë, que par celles qui ne font point, & dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que nonfeulement nous n'avons pas les principes qui menent au vrai, mais que nous en avons d'autres qui s'accommodent très-bien avec le faux.

De grands Phyficiens ont fort bien trouvé pourquoi les lieux fouterrains font chauds en› hyver, & froids en été; de plus grands Phyficiens ont trouvé depuis peu que cela n'étoit pas..

Les difcuffions hiftoriques font encore plus fufceptibles de cette forte d'erreur. On rai

fonne

fonne fur ce qu'ont dit les Hiftoriens, mais ces Hiftoriens n'ont-ils été ni passion-nez, ni credules, ni mal inftruits, ni ne gligens? Il en faudroit trouver un qui eût été fpectateur de toutes chofes, indifferent, & appliqué.

Sur tout quand on écrit des faits qui ont liaifon avec la Religion, il eft affez difficile que felon le Parti dont on eft, on ne donne à une fauffe Religion des avantages qui ne lui. font point dûs, on qu'on ne donne à la vraye de faux avantages dont elle n'a pas befoin. Cependant on devroit être perfuadé qu'on ne peut jamais ajoûter de la verité à celle qui eft vrayes ni en donner à celles qui font fauffes.

Quelques Chrétiens des premiers Siecles, faute d'être inftruits ou convaincus de cette maxime, fe font laiffez aller à faire en faveur du Chriftianifme des fuppofitions affez hardies,. que la plus faine partie des Chrétiens ont enfuite defavouées. Ce zele inconfideré a produit une infinité de Livres apocryphes aufquels on donnoit des noms d'Auteurs Payens ou Juifs; car comme l'Eglife avoit affaire à ces deux fortes d'ennemis ; qu'y avoit-il de plus commode que de le battre avec leurs pro pres armes, en leur prefentant des Livres, qui quoi que faits, à ce qu'on prétendoit, par des Gens de leur Parti, fuffent néanmoins trèsavantageux au Chriftianisme? Mais à force de vouloir tirer de ces Ouvrages fuppofez un grand effet pour la Religion, on les a empêchez d'en faire aucun. La clarté dont ils font les trahit, & nos myfteres y font fi nettement dévelopez, que les Prophetes de l'Ancien & du Nouveau

Tefta

Teftament n'y auroient rien entendu auprès de ces Auteurs Juifs & Payens. De quelque cô-té qu'on fe puifle tourner pour fauver ces Livres, on trouvera toujours dans ce trop declarté une difficulté infurmontable. Si quelques Chrétiens étoient bien capables de fuppofer des Livres aux Payens ou aux Juifs, les Heretiques ne faifoient point de façon d'en fuppofer aux Orthodoxes. Ce n'étoient que faux Evangiles, fauffes Epîtres d'Apôtres, fauffes Hiftoires de leurs Vies, & ce ne peut être que par un effet de la Providenne Divine que la verité s'eft démêlée de tant d'Ouvrages apocryphes qui l'étoufoient.

Quelques grands hommes de l'Eglife ont été quelquefois trompez, foit aux fuppofitions des Heretiques contre les Orthodoxes, foit à celles des Chrétiens contre les Payens ou les Juifs, mais plus fouvent à ces dernieres. Ils n'ont pas toujours examiné d'affez près ce qui leur feinbloit favorable à la Religion; l'ardeur avec la quelle ils combatoient pour une fi bonne caufe, ne leur laiffoit pas toujours la liberté de choifir affez bien leurs armes. C'eft ainfi qu'il leur arrive quelquefois de fe fervir des Livres des Sibylles, ou de ceux d'Hermes Trismegiste, Roi d'Egypte.

On ne prétend point par-là affoiblir l'autorité, ni attaquer le merite de ces grands hommes. Après qu'on aura remarqué toutes les méprifes où ils peuvent être tombez fur un certain nombre de faits il leur reftera une infinité de raisonnemens folides, & de belles découvertes, furquoi on ne les peut affez admirer. Si avec les vrais titres de notre Religion-ils

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nous

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