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PRÉFACE

ÉCRITE LONGTEMPS AVANT L'OUVRAGE

PAR M. DE MAISTRE LUI-MÊME.

<< Lorsqu'un homme conçoit le projet de se «< rendre l'éditeur d'un écrivain illustre qui << n'existe plus, nous voudrions qu'il y eût un tri<«<bunal littéraire auquel cet homme fût tenu de « présenter ses titres pour en obtenir une permission, sans laquelle son projet serait considéré «< comme un délit plus ou moins punissable; à « moins qu'il ne s'agît uniquement de réimprimer « le texte sans y ajouter une sube

« Il faut, en effet, dès qu'il s'agit de notes et <«< d'additions, qu'il y ait entre l'auteur et l'éditeur « certains rapports indispensables : il faut, s'il est << permis de s'exprimer ainsi, qu'il y ait entre eux « une certaine parenté de goûts, de sentiments et « d'opinions, sans laquelle il y aura nécessaire«ment entre les idées de l'auteur et celles de l'é«<diteur une dissonnance choquante et quelque« fois scandaleuse.

<< Parmi les énormités du dix-huitième siècle, « nous avons toujours distingué l'édition si con« nue des Pensées de Pascal, par Condorcet et Voltaire, avec les notes et les observations de « ces deux sophistes. C'est un spectacle insuppor

<< table, nous ne disons pas pour la piété ou la philosophie, mais pour le simple bon sens et pour la << probité, de voir l'irréligion déraisonner ou rica<< ner au bas de ces pages vénérables, où Pascal << avait déposé les preuves immortelles de son gé<< nie autant que de sa foi.

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<< La gloire, l'honneur, la renommée d'un grand <«< homme sont une propriété de la nation qui l'a produit. Elle doit en être jalouse, et défendre «< ce dépôt sacré. C'est par ses grands hommes «< qu'elle est célèbre elle-même; pour prix de la gloire qu'elle en reçoit, elle doit au moins pro«<téger leur cendre et faire respecter leur mé<< moire.

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« Si Pascal eût vécu, irrité de l'attentat commis «< sur son ouvrage, il aurait poussé un cri d'indi<< gnation et de vengeance; il aurait traîné Condor« cet et Voltaire devant les tribunaux, et sûrement «<le procureur général s'en serait mêlé. Pourquoi << donc les Français ont-ils oublié Pascal, parce « qu'il est mort? Ils ont bien su blâmer aigrement <«< ce même Voltaire pour s'être permis le ton « du persiflage dans son Commentaire sur les œu«vres de ce Pierre Corneille qui ne persifla de sa vie, «et fut sublime bonnement (1). Fallait-il donc <«< traiter une simple irrévérence plus sévèrement « qu'un délit (2) ? »

(1) Expression de Dorat.

(2) Observations critiques sur une édition des Lettres de madame de Sévigné, publiées en 1806, chez Bossange, par M. Ph. A. Grouvelle, etc. Lettres et opuscules inédits de M. de Maistre, t. II, 2e édition, p. 405 et 406.

AVANT-PROPOS

Si ce livre ne s'adressait qu'à ceux qui connaissent les ouvrages de M. de Maistre, il serait inutile de leur en expliquer le titre; mais combien est il de personnes à qui le prix de la collection complète ne permet pas de l'acquérir, et parmi celles qui possèdent ce trésor, combien en est-il qui n'ont pas le temps de le lire et à plus forte raison de le relire dans sa totalité (1), et par conséquent aux yeux desquelles une multitude de pensées également curieuses et utiles ne brilleront jamais?

Ce livre ne s'adresse donc pas qu'à une seule classe de lecteurs; il s'offre à toutes, également nécessaire, — je dis plus, également indispensable, puisqu'il est, pour ceux qui ont déjà lu M. de Maistre, un précieux memento, et pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu, une intro

(1) Les OEuvres de M. de Maistre formeraient, à peu près, de onze à douze volumes in-8°, si l'on réunissait, outre ses œuvres capitales, les diverses et remarquables brochures qu'il a écrites de 1775 à 1796, et qui sont devenues trèsrares, pour ne pas dire introuvables.

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