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tecte. L'homme est intelligent, il est libre, il est sublime sans doute, mais il n'en est pas moins un outil de Dieu, suivant l'heureuse expression de Plutarque dans un beau passage (1).

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La raison ne peut que parler, c'est l'amour qui chante, et voilà pourquoi nous chantons nos symboles; car la foi n'est qu'une croyance par amour; elle ne réside point seulement dans l'entendement : elle pénètre encore et s'enracine dans la volonté. Un théologien philosophe a dit avec beaucoup de vérité et de finesse : y a bien de la différence entre croire et juger qu'il << faut croire (2). »

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Toute science doit toujours, mais surtout à cette époque, une espèce de dîme à celui dont elle procède; car c'est lui qui est le Dieu des sciences, et c'est lui qui pré-. pare toutes nos pensées (3). Nous touch ons à la plus grande des époques religieuses, où tout homme est tenu d'apporter, s'il en a la force, une pierre pour l'édifice auguste dont les plans sont visiblement arrêtés. La médiocrité des talents ne doit effrayer personne. L'indigent qui ne sème dans son étroit jardin que la menthe, l'aneth et le cumin (4), peut élever avec confiance la première tige

(1) Essai sur le principe générateur, édit. Migne, col. 116. Voir la note D.

(2) Aliud est credere, aliud judicare esse credendum. (Léon Lessius, Opuscula. Lyon, 1651, in-fol., p. 556, col.2, De prædestinatione.) Essai sur le principe générateur, col. 119, note 2.

(3) Deus scientiarum dominus est, et ipsi præparantur cogitationes. (1 Reg., cap. 11, vers. 3.)

(4) Saint Matthieu, xx, 23.

vers le ciel, sûr d'être agréé autant que l'homme opulent qui, du milieu de ses vastes campagnes, verse à flots, dans les parvis du temple, la puissance du froment et le sang de la vigne (1).

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Un bon livre n'est pas celui qui persuade tout le monde, autrement il n'y aurait point de bon livre ; c'est celui qui satisfait complétement une certaine classe de lecteurs à qui l'ouvrage s'adresse particulièrement, et qui du reste ne laisse douter personne ni de la bonne foi parfaite de l'auteur, ni de l'infatigable travail qu'il s'est imposé pour se rendre maître de son sujet, et lui trouver même, s'il était possible, quelques faces nonvelles (2).

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Celui qui ne comprend point, comprend mieux que celui qui comprend mal (3).

Sous le rapport seul du bon goût les titres emphatiques sont insupportables; mais, sous un rapport plus profond, ils sont un signe infaillible de la nullité. Qu'on

fasse attention : les ouvrages qui ont tout appris aux hommes portent tous des titres modestes (4).

(1) Robur panis..... sanguinem uvæ. (Psaume civ, 16; Isaïe, ш, 1.) Du Pape, édit. Migne, col. 238.)

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(4) Examen de la philosophie de Bacon, t. I, p. 178, note 1.

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L'erreur la plus faite pour éteindre le véritable sentiment du beau est celle qui confond ce qui plaît et ce qui est beau, ou, en d'autres termes, ce qui plaît aux sens et ce qui plaît à l'intelligence.

Le beau dans tous les genres imaginables est ce qui plaît à la vertu éclairée. Toute autre définition est fausse ou insuffisante (1).

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Il faut amuser les jeunes gens, afin qu'ils ne s'amusent pas (2).

(1) T. II, p. 300 et 301.

(2) Lettres et op., t. I, p. 103.

NOTES

DU CHAPITRE XI.

Note A, page 418.

dit Pellisson — n'a été éta

« L'Académie française blie par édit du Roi, qu'en l'année 1635. Mais on peut dire que son origine est de quatre ou cinq ans plus ancienne, et qu'elle doit en quelque sorte son institution au hasard.....

« Il est certain que ceux qui la commencèrent, ne pensaient presque à rien moins qu'à ce qui en arriva depuis. Environ l'an 1629, quelques particuliers logés en divers endroits de Paris, ne trouvant rien de plus incommode dans cette grande ville, que d'aller fort souvent se chercher les uns les autres sans se trouver, résolurent de se voir un jour de la semaine chez l'un d'eux. Ils étaient tous gens de lettres, et d'un mérite fort au-dessus du commun..... Ils s'assemblaient chez M. Conrart, qui s'était trouvé le plus commodément logé pour les recevoir, et au cœur de la ville, d'où tous les autres étaient presque également éloignés. Là ils s'entretenaient familièrement; comme ils eussent fait en une visite ordinaire, et de toute sorte de choses, d'affaires, de nouvelles, de belles-lettres. Que si quelqu'un de la compagnie avait fait un ouvrage, comme il arrivait souvent, il le communiquait volontiers

à tous les autres, qui lui en disaient librement leur avis : et leurs conférences étaient suivies, tantôt d'une promenade, tantôt d'une collation qu'ils faisaient ensemble. Ils continuèrent ainsi trois ou quatre ans, et comme j'ai ouï dire à plusieurs d'entre eux, c'était avec un plaisir extrême et un profit incroyable. De sorte que quand ils parlent encore aujourd'hui de ce temps-là et de ce premier âge de l'Académie, ils en parlent comme d'un âge d'or, durant lequel avec toute l'innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l'amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus utile et de plus charmant.

« Ils avaient arrêté de n'en parler à personne; et cela fut observé fort exactement pendant ce temps-là (1). »

Note B, page 424.

<< En fait de religion (dit Marivaux), ne cherchez point à convaincre les hommes; ne raisonnez que pour leur cœur : quand il est pris, tout est fait. Sa persuasion jette dans l'esprit des lumières intérieures, auxquelles il ne résiste point.

« Il y a des vérités qui ne sont point faites pour être directement présentées à l'esprit. Elles le révoltent, quand elles vont à lui en droite ligne; elles blessent sa petite logique; il n'y comprend rien; elles sont des absurdités pour lui.

« Mais, faites-les, pour ainsi dire, passer par le cœur, rendez-les intéressantes à ce cœur ; faites qu'il les aime. Parce qu'il faut qu'il les digère, qu'il les dispose, il faut que le goût qu'il prend pour elles les développe. Imagi

(1) P. 10 à 13 et suivantes du t. I de l'Histoire de l'Académie française, par Pellisson et d'Ollivet (3e édition, in-12, 1743.)

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