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<< se seraient montrés aussi séditieux et aussi républi<«< cains que les calvinistes, s'ils avaient eu autant d'é<< nergie. >>

« Tout ce qui haïssait le gouvernement haïssait les jé<< suites, et par conséquent se jeta du côté des jansénistes, «< qui devinrent ainsi le parti de l'opposition. Ce n'est pas << que tous ceux qui embrassaient le molinisme ou le jan« sénisme s'inquiétassent beaucoup de la grâce et du libre << arbitre; mais dans ce temps, où la société était encore << profondément religieuse, les intérêts politiques se débat<< taient sous la forme des discussions théologiques.

« Le jansénisme, étant le parti de l'opposition universelle, << avait grandi avec les fautes et les revers de Louis XIV... <<< Il censurait tous les actes du gouvernement; il exagérait << les misères publiques; il accusait le roi d'ineptie, de « cruauté, de lâcheté... C'était une opposition sourde, lâche, « calomnieuse, mais d'autant plus inquiétante, qu'elle était «< vague, cachée, qu'on la sentait partout, même dans les « ministères, même à la cour... On peut en considérer << comme l'expression complète le duc de Saint-Simon. >>

«Pendant ce temps grandissait, à l'ombre de ces ob<< scures querelles, la dernière héritière de l'idée luthé«rienne et de toutes ses conséquences jusqu'au jansénis« me, la philosophie du dix-huitième siècle, qui devait « renverser les jésuites, la royauté, la société et la re<«<ligion elle-même (1). »

(1) Lavallée, Histoire des Français, t. III.

CHAPITRE II

POLITIQUE

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I. De la liberté et de la charte. — II. Caractère satanique de la Révolution française. III. C'est une époque du monde. — IV. Le plus grand des châtiments nationaux. - V. Des instruments révolutionnaires. - VI. Mort de Louis XVI. VII. La guerre. . VIII. Des constitutions politiques. - IX. Caractère du législateur. — X. Des XIII. Despo

assemblées. XI. Roi et peuple. XII. Les Papes. tisme et gouvernement absolu. XIV. Services rendus par la Papauté à la civilisation. XV. De la vitalité des familles royales. XVI. De la légitimité.-XVII. Du gouvernement papal.-XVIII. Rôle du jansénisme dans la Révolution française.

I

Le mauvais principe fait bien ce qu'il peut pour nous étrangler; il n'oublie rien, il est en règle. Cependant son divin antagoniste l'emportera. Il nous faudra du temps et des combats. Mais enfin nous vaincrons, suivant toutes les espérances; je ne le verrai pas, mais je dirai en mourant: Spem bonam certamque domum reporto.

Que vous dirai-je sur votre état actuel? Vous avez raison, il est unique dans l'histoire. J'observe cependant que, parmi les innombrables folies du moment et de tous les moments, il y en a une qui est la mère de

toutes c'est ce qu'on appelait dans l'école le protopseudos, le sophisme primitif, capital, originaire, et surtout original: c'est de croire que la liberté est quelque chose d'absolu et de circonscrit qu'on a ou qu'on n'a pas, et qui n'est susceptible ni de plus ni de moins. A cette belle extravagance vos légisfaiseurs en ont ajouté une autre qui est fille de la première, savoir, que cette liberté imaginaire appartient à toutes les nations, et ne peut exister que par le gouvernement anglais, de manière que tout l'univers est obligé en conscience de se laisser gouverner comme les Anglais jamais on n'a rien vu d'aussi fou.

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Je ne crois pas plus à la charte qu'à l'hippogryphe et au poisson rémora. Non-seulement elle ne durera pas, mais elle n'existera jamais, car il n'est pas vrai qu'elle existe. Dieu n'y est pour rien d'abord; c'est le grand anathème.

Je veux me prêter aux idées du moment: qui me prouvera que votre liberté doit être celle des autres, et que vous ne pouvez pas asseoir celle qui vous convient sur des bases françaises? On n'a pas encore, ce me semble, assez fait honte aux Français. Les voilà donc réduits au rôle de singes ridicules, de mendiants abjects qui vont gueuser une constitution, comme s'ils n'avaient rien chez eux ! Pour moi, si j'étais Français, je veux que le diable m'emporte et me croque tout en vie, si jamais je pouvais me résoudre à prononcer le mot de budget. Est-ce que Sully et Colbert ne savaient pas dresser leurs comptes sans parler anglais ? Mais que dire à des gens qui effacent sur leur monnaie Christus regnat, vincit, imperat, pour y substituer cinq francs ?

Le goût, le tact, les talents manquent avec la vertu. Tout reviendra ensemble. Je suis tout à fait libéral, comme vous venez de le voir (1).

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La révolution française commençait à peine, et déjà son caractère était prononcé. La liberté prenait, en naissant, une attitude sacrilége. A la place du chapeau antique, les serpents des Furies se dressaient sur sa tête effroyable; elle agitait des poignards, elle montait sur des cadavres pour se faire entendre de plus loin. Aussi vile que féroce, jamais elle ne sut ennoblir un crime ni se faire servir par un grand homme. C'est dans les pourritures du patriciat, c'est surtout parmi les suppôts détestables ou les écoliers ridicules du philosophisme, c'est dans l'antre de la chicane ou de l'agiotage qu'elle avait choisi ses adeptes et ses apôtres : aussi, jamais un abus plus dégoûtant, une prostitution plus révoltante de la raison humaine n'avaient souillé les annales d'aucun peuple. Ce fut même là le trait primordial et caractéristique de la liberté française on pardonnait plutôt à cette bacchante ses inexpiables forfaits, que ses efforts philosophiques pour les excuser ou pour leur donner des noms respectables. Elle ne parlait que de vertu, de probité, de patriotisme, de justice; et les sages, consternés, ne voyaient sous ses étendards civiques que des prêtres apostats, des chevaliers félons, des sophistes impurs, des phalanges de bourreaux, un peuple d'insensés,

(1) Lettre à M. de Bonald. Turin, 29 mai 1819. (Lettres et op., t. II, p. 516 à 518).

et l'assemblage hideux de tous les crimes qu'on peut commettre sans courage.

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Mais c'est précisément parce que la révolution française, dans ses bases, est le comble de l'absurdité et de la corruption morale, qu'elle est éminemment dangereuse pour les peuples. La santé n'est pas contagieuse; c'est la maladie qui l'est trop souvent. Cette révolution, bien définie, n'est qu'une expansion de l'orgueil immoral, débarrassé de tous ses liens de là cet épouvantable prosélytisme qui agite l'Europe entière. L'orgueil est immense de sa nature; il détruit tout ce qui n'est pas assez fort pour le comprimer : de là encore les succès de ce prosélytisme. Quelle digue opposer à une doctrine qui s'adressa d'abord aux passions les plus chères du cœur humain, et qui, avant les dures leçons de l'expérience, n'avait contre elle que les usages? La souveraineté du peuple, la liberté, l'égalité, le renversement de toute sorte d'autorité : quelles douces illusions! La foule comprend ces dogmes, donc ils sont faux; elle les aime, donc ils sont mauvais. N'importe, elle les comprend, elle les aime. Souverains, tremblez sur vos trônes !! (1)

III

Il faut avoir le courage de l'avouer : longtemps nous n'avons point compris la révolution dont nous sommes les témoins; longtemps nous l'avons prise pour un événement. Nous étions dans l'erreur : c'est une époque; et malheur aux générations qui assistent aux époques

(1) Lettres et op., t. II, p. 139 et 140.

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