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PASCAL

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IER, croire et douter sont à l'homme ce que le courir est au cheval, dit quelque Pascal, au milieu de cette brillante poussière de pensées si longtemps inédites, que son manuscrit, lu avec attention et publié avec un religieux respect, a rendues depuis une vingtaine d'années à la lumière.

Ce n'est donc pas un spectacle rare que de voir l'homme nier, douter ou croire, et passer à travers ces divers états avec un grand trouble d'esprit et de cruelles angoisses du cœur. Il n'est pas non plus extraordinaire de voir l'homme, arriver par cette incertitude ou par ses efforts pour la fuir, et par la croyance même dans laquelle il veut se reposer, à une mélancolie profonde, à un amer dégoût de tous les biens de la vie, au désir ardent et inquiet d'une félicité inconnue, sans mesure, comme sans fin. Il se détourne alors de tous les plaisirs, il méprise les plus humbles, il reste froid devant les plus doux, il se défie des plus nobles; rien ne saurait plus le tenter ni lui plaire, excepté ce qu'il ne lui est permis ni de voir, ni d'atteindre en ce monde, et il se compare luimême, avec raison, à un cerf qui languirait altéré au milieu de ses pâturages, écoutant le murmure d'une eau lointaine et brûlant de s'abreuver à une source invisible.

Combien d'hommes avant et après Pascal ont ainsi détourné leurs regards de la terre, depuis ces religieux de l'Inde, épris, bien des siècles avant le Christ, de solitude et de silence, de mortifications et de supplices, jusqu'à ceux de nos contemporains qui cherchent encore loin du bruit la liberté de souffrir et de prier! Mais de même que dans le chœur de la tragédie antique quelqu'un parlait au nom de la foule, les sentiments universels et éternels de l'humanité trouvent dans quelques hommes des interprètes si accomplis ou si touchants, qu'ils semblent avoir parlé pour tout le monde; et chacun de ceux qu'une pensée semblable anime reconnaît dans leur parole la claire et forte expression de ce qui s'agite confusément en son âme. Ce n'est jamais sans quelque juste cause qu'un homme devient ainsi la voix de la foule; et si pour nous, Français, Pascal représente, mieux que tout autre, ceux de nos semblables qui, tourmentés

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