Page images
PDF
EPUB

LIBRARY

INSTI

UNIVERSITY

13 MAY 1929

OF OXFORD

UTION

FABLES

DE

LA FONTAINE.

LIVRE SIXIÈME.

FABLE PREMIÈRE.-(104.)

Le Pátre et le Lion.

LES fables ne sont pas ce qu'elles semblent être; Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l'ennui:

Le conte fait passer le précepte avec lui.

En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire; Et conter pour conter me semble p

C'est

d'affaire.

par cette raison qu'égayant leur esprit Nombre de gens fameux en ce genre, ont écrit. Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue; On ne voit point chez eux de parole perdue. Phèdre étoit si succinct, qu'aucuns l'en ont blâme. Ésope en moins de mots s'est encore exprimé. Mais sur tous certain Grec renchérit et se pique D'une élégance laconique;

Il renferme toujours son conte en quatre vers;

* Gabrias.

II.

Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts.
Voyons-le avec Ésope en un sujet semblable.
L'un amene un chasseur, l'autre un pâtre, en sa fable.
J'ai suivi leur projet quant à l'événement,

Y cousant en chemin quelque trait seulement.
Voici comme, à peu près, Esope le raconte.

Un pâtre, à ses brebis trouvant quelque mécompte,
Voulut à toute force attraper le larron.

Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ
Des lacs à prendre loups, soupçonnant cette engeance.
Avant que partir de ces lieux,

Si tu fais, disoit-il, ô monarque des dieux,
Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence,

Et que je goûte ce plaisir,

Parmi vingt veaux je veux choisir

Le plus gras, et t'en faire offrande !

A ces mots sort de l'antre un lion grand et fort:
Le pâtre se tapit, et dit, à demi mort :

Que l'homme ne sait guère, hélas! ce qu'il demande!
Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau,
Et le voir en ces lacs pris avant que je parte,
O monarque des dieux, je t'ai promis un veau;
Je te promets un bœuf, si tu fais qu'il s'écarte!

C'est ainsi que l'a dit le principal auteur:
Passons à son imitateur.

GRECS. ES.-Cor., 131; II 131.

LATINS. Faern., 62; J. Posth., 114.

FRANÇAIS. Ph. Heg., 21; G. Haud., 106; Lect. div.; Divert. cur. ITALIENS. Ces. Pav., 5; Guicc., p. 1.

LIVRE VI, FABLE II.

3

FABLE II.-(105.)

Le Lion et le Chasseur.

Un fanfaron, amateur de la chasse,
Venant de perdre un chien de bonne race,
Qu'il soupçonnoit dans le corps d'un lion,
Vit un berger: Enseigne-moi, de grâce,
De mon voleur, lui dit-il, la maison,
Que de ce pas je me fasse raison.

Le berger dit : C'est vers cette montagne.
En lui payant de tribut un mouton
Par chaque mois, j'erre dans la campagne
Comme il me plaît; et je suis en repos.
Dans le moment qu'ils tenoient ces propos,
Le lion sort, et vient d'un pas agile.
Le fanfaron aussitôt d'esquiver :
O Jupiter, montre-moi quelque asile,
S'écria-t-il, qui me puisse sauver !

N'est

La vraie épreuve de courage

que dans le danger que l'on touche du doigt: Tel le cherchoit, dit-il, qui, changeant de langage, S'enfuit aussitôt qu'il le voit.

GRECS. Es.-Cor., 175; Gabr., 36; Prov.: Toù λéovтos iỵ.vn Surais.

Leonis vestigia quæris.

LATINS. P. Cand., 29; Als., 105.

FRANÇAIS. Bens., 180.

FABLE III. —- (106.)

Phébus et Borée.

Borée et le Soleil virent un voyageur

Qui s'étoit muni par bonheur

Contre le mauvais temps. On entroit dans l'automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut; le soleil luit; et l'écharpe d'Iris

Rend ceux qui sortent avertis

Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire :
Les Latins les nommoient douteux, pour cette affaire.
Notre homme s'étoit donc à la pluie attendu :
Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte.
Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu
A tous les accidents; mais il n'a pas prévu
Que je saurai souffler de sorte,

Qu'il n'est bouton qui tienne : il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au diable.

L'ébattement pourroit nous en être agréable :
Vous plaît-il de l'avoir? Eh bien! gageons nous deux,
Dit Phébus, sans tant de paroles,

A qui plus tôt aura dégarni les épaules

Du cavalier que nous voyons.

Commencez je vous laisse obscurcir mes rayons.
Il n'en fallut pas plus. Notre souffleur à gage

Se

gorge de vapeurs,

s'enfle comme un ballon,

Fait un vacarme de démon,

« PreviousContinue »