FABLES DE LA FONTAINE. LIVRE SIXIÈME. FABLE PREMIÈRE.-(104.) Le Pátre et le Lion. LES fables ne sont pas ce qu'elles semblent être; Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l'ennui: Le conte fait passer le précepte avec lui. En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire; Et conter pour conter me semble p C'est d'affaire. par cette raison qu'égayant leur esprit Nombre de gens fameux en ce genre, ont écrit. Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue; On ne voit point chez eux de parole perdue. Phèdre étoit si succinct, qu'aucuns l'en ont blâme. Ésope en moins de mots s'est encore exprimé. Mais sur tous certain Grec renchérit et se pique D'une élégance laconique; Il renferme toujours son conte en quatre vers; * Gabrias. II. Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts. Y cousant en chemin quelque trait seulement. Un pâtre, à ses brebis trouvant quelque mécompte, Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ Si tu fais, disoit-il, ô monarque des dieux, Et que je goûte ce plaisir, Parmi vingt veaux je veux choisir Le plus gras, et t'en faire offrande ! A ces mots sort de l'antre un lion grand et fort: Que l'homme ne sait guère, hélas! ce qu'il demande! C'est ainsi que l'a dit le principal auteur: GRECS. ES.-Cor., 131; II 131. LATINS. Faern., 62; J. Posth., 114. FRANÇAIS. Ph. Heg., 21; G. Haud., 106; Lect. div.; Divert. cur. ITALIENS. Ces. Pav., 5; Guicc., p. 1. LIVRE VI, FABLE II. 3 FABLE II.-(105.) Le Lion et le Chasseur. Un fanfaron, amateur de la chasse, Le berger dit : C'est vers cette montagne. N'est La vraie épreuve de courage que dans le danger que l'on touche du doigt: Tel le cherchoit, dit-il, qui, changeant de langage, S'enfuit aussitôt qu'il le voit. GRECS. Es.-Cor., 175; Gabr., 36; Prov.: Toù λéovтos iỵ.vn Surais. Leonis vestigia quæris. LATINS. P. Cand., 29; Als., 105. FRANÇAIS. Bens., 180. FABLE III. —- (106.) Phébus et Borée. Borée et le Soleil virent un voyageur Qui s'étoit muni par bonheur Contre le mauvais temps. On entroit dans l'automne, Rend ceux qui sortent avertis Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire : Qu'il n'est bouton qui tienne : il faudra, si je veux, L'ébattement pourroit nous en être agréable : A qui plus tôt aura dégarni les épaules Du cavalier que nous voyons. Commencez je vous laisse obscurcir mes rayons. Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon, Fait un vacarme de démon, |