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FABLE VII.-(110.)

Le Mulet se vantant de sa généalogie.

Le mulet d'un prélat se piquoit de noblesse,
Et ne parloit incessamment
Que de sa mère la jument,

Dont il contoit mainte prouesse.
Elle avoit fait ceci, puis avoit été là.
Son fils prétendoit pour cela

Qu'on le dût mettre dans l'histoire.
Il eût cru s'abaisser servant un médecin.
Etant devenu vieux, on le mit au moulin :
Son père l'âne alors lui revint en mémoire.

Quand le malheur ne seroit bon
Qu'à mettre un sot à la raison,
Toujours seroit-ce à juste cause
Qu'on le dit bon à quelque chose.

GRECS. ES.-Cor., 140; II 140.

LATINS. Faern, 33; J. Posth., 122; Alb. Fred. Mellem., del poët. Germ., part. 4, p. 493; fab. extrav. 1; Freitag., 20.

FRANÇAIS. Le Cast., 3; Amyot-Plut., Banq. des vii sages; Jul. Mach.Extras., 1; Guill. Haud., 230; G. Corr., 86; P. Despr., 57; Bens., 171.

ITALIENS. Ces. Pav., 35; Ferdizz., 5.

ESPAGNOLS. Ysopo-Extrav., 1.

ALLEMANDS. H. Steinh.-Extrav., 1.

HOLLANDAIS. Esopus-Extrav., 1.

LIVRE VI, FABLE VIII.

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FABLE VIII. (111.)

Le Vieillard et l'Ane.

Un vieillard sur son âne aperçut, en passant,
Un pré plein d'herbe et fleurissant;
Il y lâche sa bête et le grison se rue
Au travers de l'herbe menue,

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Se vautrant, grattant et frottant,
Gambadant, chantant et broutant,
Et faisant mainte place nette.

L'ennemi vient sur l'entrefaite.
Fuyons, dit alors le vieillard.
Pourquoi? répondit le paillard :

Me fera-t-on porter double bât, double charge?

Non

Et

pas,

dit le vieillard, qui prit d'abord le large.

que m'importe donc, dit l'âne, à qui je sois? Sauvez-vous, et me laissez paître.

Notre ennemi, c'est notre maître :

Je vous le dis en bon françois.

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FABLE IX. — (112. )

Le Cerf se voyant dans l'eau.

Dans le cristal d'une fontaine
Un cerf se mirant autrefois
Louoit la beauté de son bois,

Et ne pouvoit qu'avecque peine
Souffrir ses jambes de fuseaux,

Dont il voyoit l'objet se perdre dans les eaux.
Quelle proportion de mes pieds à ma tête!
Disoit-il en voyant leur ombre avec douleur;
Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte;
Mes pieds ne me font point d'honneur.
Tout en parlant de la sorte,

Un limier le fait partir.
Il tâche à se garantir;

Dans les forêts il s'emporte :

Son bois, dommageable ornement,
L'arrêtant à chaque moment,

Nuit à l'office que lui rendent

Ses pieds, de qui ses jours dépendent. Il se dédit alors, et maudit les présents Que le ciel lui fait tous les ans.

Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile :
Et le beau souvent nous détruit.

Ce cerf blâme ses pieds qui le rendent agile :
Il estime un bois qui lui nuit.

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