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FRANÇAISE,

PAR MM. AIGNAN, de l'Académie française ;- Benja-
min CONSTANT; -Évariste DUMOULIN ;-ÉTIENNE;

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A. JAY; E. Joux, de l'Académie française;
LACRETELLE aîné, de l'Académie française ; -
Tissot, professeur de poésie latiné au Collégo royal
de France, etc.

TOME QUATRIÈME.

PARIS,

AU BUREAU DE LA MINERVE FRANÇAISE,
Rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, n° 18;

Et chez Alex. EYMERY, libraire de la Minerve française,
rue Mazarine, no. 3o.

Novembre 1818.

AVIS.

On souscrit à Paris, au bureau de la MINERVE FRANÇAISE, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, no 18.Le prix de cet ouvrage est : pour un volume, 14 fr.; pour deux, 27 fr. ; et pour quatre, 50 fr. - Chaque volume sera divisé en treize livraisons, qui paraîtront successivement, à des époques indéterminées.-Le montant de la souscription doit être adressé d'avance, et franc de port, ainsi que la correspondance, aux auteurs de la Minerve française.

LA MINERVE

FRANÇAISE.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Du second Théâtre Français, ou instruction relative à la déclamation dramatique; par Népomucène L. Lemercier, de l'académie française (1).

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Les comédiens, ou, pour m'exprimer plus respectueusement, les artistes dramatiques du Théâtre français forment une société dont l'organisation n'est pas généralement counue. Les pouvoirs y sont-ils distribués avec sagesse; lois qui la régissent sont-elles conformes aux principes adoptés par la raison et confirmés par l'expérience? Ce que j'ai appris à cet égard me donne, je l'avoue, une idée peu favorable de la constitution intérieure de cette république; l'autorité suprême réside, m'a-t-on dit, dans un conseil administratif qui, sous le nom modeste de comité, réunit tous les pouvoirs. Ce comité délibère sur les besoins de la société, et avise au inoyens d'y pourvoir; il règle le budget, contrôle les recettes, administre les finances, distribue les parts, les demi-parts, les tiers de parts, ac

(1) A Paris, chez Nepveu, libraire, passage des Panoramas.

corde et signe les congés, arrange les débuts, admet ou rejette les débutans, et veille soigneusement à ce que le repos et l'amour-propre des vieux artistes ne soient jamais troublés. Quelquefois il se forme en cour souveraine, et juge les différens qui s'élèvent entre les reines et les ingénues, les soubrettes et les princesses, les valets et les raisonneurs, les grandes coquettes et les amoureuses, les niais et les tyrans. C'est aussi devant cette assemblée que comparaissent les auteurs dramatiques, humbles supplians qui attendent la décision du redoutable ̧tribunal avec autant d'anxiété qu'un arrêt de la destinée. Si ces faits sont exacts, cette république est une oligarchie constituée ainsi que l'était autrefois celle de Venise,

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D'un autre côté, on assure que ce comité de gouvernement manque de la force nécessaire pour maintenir la paix intérieure, que l'exécution de ses décrets rencontre mille obstacles, et qu'il est sans cesse obligé de consentir à des sacrifices contraires à l'intérêt commun; que ses projets les plus sages ont été plus d'une fois déconcertés par la rivalité des prétentions; enfin, qu'il est soumis aux volontés d'une assemblée générale, dont les débats rappellent les orageuses délibérations de l'ancienne diète de Pologne. On parle même d'une révolte de valets aussi sérieuse que le fut jadis celle des esclaves dans Rome; on ajoute que la patríe aurait été dans le plus grand danger si Spartacus avait voulu se mettre à la tête des rebelles.

Si j'osais, d'après ces divers récits, exprimer une opiaion, je dirais qu'une société est mal organisée lorsqu'elle éprouve tour à tour les maux de l'arbitraire et ceux de l'anarchie. Ces deux fléaux naissent évidemment de la concentration des pouvoirs: qu'ils soient réunis dans un comité ou dans une assemblée nombreuse, peu importe, il en résultera toujours le désordre ou le despotisme. La sogiété de ces artistes dramatiques ne sortira de ce cercle visieux, que par une réforme radicale dans son gouvernement. Jusque-là, le semainier lui-même, qu'on peut

regarder comme une espèce de doge hebdomadaire, ne pourra résister à l'esprit de faction ou de tyrannie, et ses arrêts, signés Lemazurier, seront emportés par les vents comme les feuilles de la sibylle.

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On remarque aussi, dans cette oligarchie tragi-comique, plusieurs institutions que l'esprit libéral du siècle ne saurait avouer. J'ai surtout en vue les priviléges, que je regar de comme autant d'usurpations. Le premier est celui qui maintient un sujet médiocre dans l'emploi qu'un autre acteur exercerait plus heureusement. Ce privilége détruit toute espèce d'émulation. Le talent s'endort dans l'inaction, tandis que la vigilante médiocrité chausse à son gré le brodequin ou le cothurne. Talma, l'honneur de la scene, le tragédien par excellence, pourrait nous dire tout ce qu'il lui en a coûté pour forcer son passage au milieu des rivalités privilégiées, et pour saisir l'urne d'Hamlet ou le poignard de Manlius. Il ne fallut pas moins qu'une révolution complète dans l'aristocratie dramatique, pour révéler le talent du légitime successeur de Le Kain. Le Kain lui-même, ce favori de Melpomene, fut d'abord abreuvé de dégoûts. « Après avoir débuté trois fois, dit » M. Lemercier, et avoir été deux fois congédié par mépris, l'élève de Voltaire entre au théâtre, d'où le comité » de la Comédie Française le repoussa long-temps, et où l'appelait un parterre ardent et lettre. » Qu'on s'étonne après cela que la scène française manque de talens et de soutiens!

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Le privilége qui me paraît le plus bizarre, je dirais presque le plus odieux, est ce prétendu droit de propriété exclusive que les artistes dramatiques de la rue de Richelieu s'arrogent sur les chefs-d'œuvre dont la scène française s'est enrichie depuis près de deux siècles. Ainsi, un écrivain abandonne les routes battues de la fortune pour se livrer au génie des arts. Il sent qu'il est né poëte, qu'il peut im mortaliser sa méinoire et contribuer à l'illustration de son

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