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Jardins. Il n'y a pas tout l'ordre qu'on pourroit desirer. Mais on y trouve de fort jolis tableaux.

Nous avons quelques poëmes qu'on peut absolument rapporter au genre didactique, quoiqu'ils ne contiennent point de préceptes. Il y en a trois sous le titre des Saisons. Le premier, qui est de Thompson, poëte anglais, a été fort bien traduit en notre langue, par Madame de Bontemps. Si ce poëte étonne par l'abondance et la vivacité des descriptions, il n'enchante pas moins par les différens genres de coloris qu'il emploie. On pourroit dire que ses couleurs sont tour à tour riantes comme le printemps étincelantes comme l'été, riches comme l'automne, sombres comme l'hiver. C'est dommage que l'auteur n'ait pas eu assez de goût, pour savoir se renfermer dans de certaines bornes. Indépendamment qu'il est quelquefois gigantesque, il se jette bien souvent dans des digressions aussi longues qu'inutiles; il épuise toutes les images, qu'il tient, pour ainsi dire, entre ses mains, et fait disparoître la poésie sous la physique de sorte qu'on a eu raison de dire, en rendant justice aux grandes beautés de cet ouvrage, qu'il pèche par une abondance stérile.

Le second poëme des Saisons est du C. de B**. Il seroit bien difficile de trouver ailleurs un coloris plus doux et plus frais, des tableaux plus gracieux et plus variés, une poésie plus élégante, et plus harmonieuse.

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On peut en dire autant de son poëme des Quatre parties du Jour.

Le troisième est de Saint-Lambert, qui décrit en poëte, et qui a toujours un but moral dans ses descriptions.

Les Fastes ou les Usages de l'année, par Lemierre, et les Mois par Roucher, ont essuyé quelques critiques. Mais on y a remarqué des beautés piquantes et des détails heureux.

ARTICLE II.

Du Poëme Dramatique en général.

Toutes les nations, même les plus sauvages, ont des spectacles: tous les hommes en général en sont avides. La poésie dramatique est celle qui plaît le plus universellement, parce qu'elle représente les choses devant les yeux. Il n'en est point qui excite un intérêt aussi vif, qui offre des plaisirs aussi piquans et aussi multipliés. Tout s'y réunit pour charmer à la fois l'âme et les sens. Mais elle ne se borne pas à plaire : l'instruction est son premier objet tous les moyens qu'elle emploie, tendent à celte fin.

On a défini le poëme dramatique en général, l'imitation d'une action par l'action; ce qui veut dire la représentation d'une action. Nous la voyons, cette action imitée, comme si elle se faisoit réellement : les personnages qui y concourent, agissent sous

nos yeux; et nous entendons leurs discours directs. Cependant il y a bien souvent dans cette action des circonstances qu'on ne montre point sur la scène, et dont nous ne sommes instruits que par le récit qu'un acteur en fait à un autre acteur. Alors l'épique se trouve, comme je l'ai dit ailleurs, mêlé avec le dramatique. Les circonstances racontées sont dans, le, premier genre,,et les circonstances représentées sont dans le second,

:

L'action dramatique est, ou commune, bourgeoise, enjouée; ou illustre, héroïque, sérieuse. Delà deux espèces de drame, le comique et le tragique. Avant de faire voir ce qui caractérise particulièrement chacune de ces deux espèces, donnons une idée des règles communes à l'une et à l'autre elles conviennent aussi en partie au poëme épique. Ces règles générales peuvent être rapportées à trois principaux objets, 1°. aux qualités de l'action que le drame représente; 2° à la conduite de cette action; 3°. aux personnages qui concourent à cette action.

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I.

Des Qualités de l'action Dramatique.

Toutes les actions théâtrales sont on vraies ou feintes. Les actions vraies sont celles qui sont arrivées. Les actions fein

tes sont celles qui ne sont pas arrivées, mais qui ont pu arriver. Une action peut en même temps être vraie dans le fond, et feinte dans plusieurs de ses circonstances. Elle peut aussi être feinte en tout, et vraie seulement dans les noms c'est lorsque l'on attribue à des personnages qui ont existé, une action qu'ils n'ont pas faite.

Si l'histoire ou la société actuelle fournit au poëte une action, qui puisse, avec toutes ses circonstances, être mise sur la scène, il la présentera sans y rien changer. Mais observons en même temps que tout ce qui est vrai, ou regardé comme tel selon l'opinion, n'est pas toujours propre à être exposé sur le théâtre. Les horreurs, les atrocités, les images dégoûtantes ne doivent jamais être offertes aux yeux du spectateur. Il ne pourroit supporter, comme on l'a fort bien dit, la vue de Médée, qui égorge ses enfans; d'Oreste, qui tue sa mère; d'Edipe, qui se crève les yeux; d'Hippolyte, attaqué par un monstre, et traîné par ses chevaux. Il y a même des choses vraies qu'il auroit de la répugnance à croire, s'il les voyoit, et qu'il croira sans peine, lorsqu'il en entendra le récit, parce que l'oreille est à cet égard moins rigoureuse et plus crédule que les youx.

Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous Fezpose:

Les yeux en le voyant saisiroient mieux la chose.

Tome III.

D

l'action

Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux (1).

Lorsqu'une action ne peut point être présentée sur la scène telle qu'elle s'est passée, le poëte peut, pour l'accommoder au théâtre, négliger la vérité historique, en ajoutant ou supprimant des circonstances, et en rapprochant à une même époque celles qui sont arrivées en différens temps. C'est ce qu'a fait Corneille dans sa tragédie de Nicomède ainsi que Racine dans son Athalie. Le poëte peut même inventer une action entière, comme l'a fait Corneille dans le Cid et dans Héraclius, où il n'a conservé que les noms, qui sont dans l'histoire; et comme l'a fait aussi Voltaire dans Zaïre et dans Alzire.

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Vraisem- Quand le poëte dramatique feint une blable de action, soit en tout, soit en partie, il dramati- doit, suivant le précepte d'Aristote ( 2 ), que. et de tous ceux qui sont venus après lui,

présenter l'action feinte telle qu'elle a pu ou dû se passer selon le vraisemblable ou le nécessaire. Une action est possible lorsque rien ne répugne à ce qu'elle ait été faite. Elle est vraisemblable, lorsqu'il y a quelque raison de croire qu'elle a été faite.

Deux sor- On distingue deux sortes de vraisemvraisemblable; l'ordinaire et

tes de

blable.

l'extraordinaire.

(1) Boileau, Art Poét,, chap. III.
() Poét., chap. IX.

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