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généralement regardée comme une gazette emphatique de la guerre de César contre Pompée. On retrouve souvent dans ce poëme l'homme de génie qui s'exprime fortement, et qui peint de même ses personnages; mais plus souvent encore le déclamateur outré, plein d'enflure, sans règle, sans frein et sans goût. La traduction en vers qu'en donna Brébeuf, est oubliée. Marmontel l'a traduite er prose:

La Thébaïde de Stace, né à Naples, vers Pan 56 de J. C. Le sujet de ce poëine est la guerre que se firent Etéocle et Polynice, fils du fameux dipe. Il y a un assez grand nombre de traits heureux et de morceaux de poésie vraiment beaux. Mais ils sont défigurés par une foule d'idées gigantesques, et par les emportemens d'une imagination déréglée. Nous avons du même auteur deux livres de l'Achilléide, poëme que la mort ne lui permit pas de continuer. La Thébaïde élé traduite par l'abbé Cormiliolle.

La Guerre punique (c'est là deuxième) de Silius Italicus, né à Rome vers l'an 55 de J. C. Ce poëme n'offre que quelques détails intéressans, quelques situations pittoresques. Il est en général dépourvu de chaleur et de coloris. La traduction est de Lefebvre de Villebrune.

Nous devons à l'Italie les premiers poë mes qui aient été faits dans le genre épi que depuis on lors de la renaissance des lettres. Le Roland amoureux de Boïardo fournit à l'Arioste, né à Reggio en 1474,

l'idée de son Roland furieux, poëme où toutes les règles sont violées, mais admirable dans tous les détails, écrit d'un style enchanteur, et plein de tableaux tour à tour sublimes et rians. C'est l'heureux fruit de l'imagination la plus fertile et la plus brillante, qui se livre à tous ses caprices et à toutes ses ingénieuses extravagances. Nous en avons trois bonnes traductions, dont les auteurs sont Mirabaud, Dussieux et le comte de Tressan. Celui-ci a joint à la sienne un extrait du Roland amoureux.

Le Trissin, contemporain de l'Arioste, prit pour sujet de son poëme, l'Italie délivrée des Goths par Belisaire, sous l'empereur Justinien. Le plan en est sage et régulier; mais il n'y a presque pas de poésie. Cet ouvrage dont je ne connois pas de traduction, fut, comme je l'ai dit ailleurs l'aurore du bon goût dans l'épopée.

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Le Tasse, né à Sorrento l'an 1544, amena le grand jour, en publiant sa Jérusalem délivrée. Nourri de la lecture des bons poëtes de l'antiquité, il les auroit égalés, si, comme je l'ai déjà dit, il n'avoit fait un usage excessif du merveilleux. L'ordonnance de son poëme est admirable; l'intérêt y est vif, et va toujours en croissant; les caractères y sont variés et toujours soutenus; les tableaux, les peintures diversifiées, s'y succèdent avec un art infini, et le style est toujours proportionné aux différens objets que le poëte décrit. La traduction de ce poëme par Mirabaud, est très estimée;

mais il paroît que la nouvelle l'est encore davantage.

Le Sceau enlevé du Tassoni, né à Modène en 1565, offre le mélange du sublime et du grotesque, du terrible et du comique. Il y a beaucoup de feu, d'imagination, de coloris et de gaîté; mais cette gaîté est souvent portée jusqu'à la licence, et peut allarmer la pudeur. leureusement le traducteur français, Cedors, a su jeter un voile sur ce qui ne doit point être vu.

Le Camoëns, né à Lisbonne en 1517, surnommé par ses compatriotes le Virgile Portugais, avoit précédé le Tasse dans la carrière de l'épopée. Celui-ci commençoit à travailler à son poëme, lorsque le Portugal vit paroître la Lusiade, qui n'est autre chose que la découverte des Indes orientales. Les fictions neuves ne sont pas rares dans ce poëme, écrit d'un style toujours énergique, toujours majestueux, et plein des plus grandes beautés de détail. Mais il faut bien se garder de le prendre pour modèle dans l'usage du merveilleux, et dans la manière d'amener les événemens. Du Perron de Castera en a été le traducteur.

Les Espagnols ont un poëme qui parut pour la première fois en 1597, et dont ils font un très-grand cas: c'est l'Araucana, nom d'une contrée qui est sur les frontières du Chili, et qui fut la dernière que les Espagnols soumirent après la découverte de l'Amérique. Don Alonzo d'Ercilla conquit ce pays, et voulut chanter cette conquête.

On a remarqué dans ce poëme des morceaux, mais en très-petit nombre, qui sont trèsbeaux on a trouvé le reste foible et trèssouvent bas. Je n'en connois pas de traduction.

Milton, né à Londres en 1608, ne commença son Paradis Perdu qu'à l'âge de cinquante-deux ans. On ne peut disconvenir qu'il ne soit un des poëtes les plus sublimes qui aient paru. Il étonne, il transporte en mille endroits de son poëme. Mais il y en a mille autres, où il porte le déréglement de l'imagination à son comble. Ce poëme a été fort bien traduit en prose par Dupré de SaintMaur, et mis en vers par Beaulaton, qui en quelques beaux endroits, n'est guère audessous de l'original.

La Boucle des cheveux enlevée, par Pope, est un petit poëme plein de fictions, d'images et d'un comique riant. Il y a de l'invention et du merveilleux. L'abbé des Fontaines en a donné une traduction fort agréable.

Les poëmes les plus estimés qu'aient produits les Allemands, sont le Messie par Klopstock, et Suzanne par Morthghen. Le premier a été traduit par Anthelmy et Liébault. Il y a de l'élévation et des morceaux vraiment pathétiques. Le second a été traduit par le baron de Nauzell on y admire de grandes beautés, mais qui sont accompagnées quelquefois d'invraisemblances.

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Je dois bien nommer ici la Mort d'Abel, Gessner, quoique cet ouvrage ne soit qu'en prose mesurée. Tout y est peint des

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couleurs simples et vraies de la nature. Huber en a donné une bonne traduction.

Nous avons un poëme latin, intitulé Sarcotis (la Sarcothée, c'est-à-dire, la Nature humaine), par le P. Masénius, jésuite, professeur de rhétorique à Cologne en 1640. La chûte du premier homme en est le sujet. L'auteur qui ne le composa que pour fournir des sujets propres à exercer la jeunesse dans la poésie latine, ne s'asservit point à une certaine régularité, et s'attacha principalement à semer sa narration d'images et de descriptions. Elles sont de la plus grande ri. chesse et de la plus grande énergie. Milton a copié ce poëte dans plusieurs de ces tableaux et il paroît même qu'il a pris dans la Sarcothée le fond de son poëme du Paradis perdu. L'abbé Dinouart l'a fort bien

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On a prétendu que le Télémaque de Fénélon n'est pas un poëme épique, parce qu'il est en prose. Qu'importe que ce soit un poëme où un roman moral? S'il n'a point la mesure de la poésie, il en a certainement le coloris. Quant à l'invention, au merveilleux et aux autres qualités essentielles de l'action épique, on convient généralement qu'il les a toutes. Cet ouvrage accueilli avec le plus vif empressement dans sa nouveauté, lu encore aujourd'hui avec la même avidité, et traduit dans toutes les langues de l'Europe, n'en fera pas moins à jamais les délices de l'homme de goût, par le génie qui y éclate dans toutes les parties, et les délices des àmes vertueuses

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