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Ces astres, asservis à la loi qui les presse,
S'attirent dans leur course, et s'évitent sans cesse ;
Et servant l'un et l'autre et de règle et d'appui,
Se prêtent des clartés qu'ils reçoivent de lui.
Au-delà de leur cours, et loin dans cet espace,
Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse,
Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fio:

Dans cet abime immense, il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces cieux, le Dieu des cieux réside.

Les comparaisons servent infiniment à embellir le poëme épique, parce qu'elles fournissent des images variées. Mais pour qu'elles fassent un bel effet, il faut qu'elles soient toujours justes et nobles. Homère est le père des belles comparaisons. Elles ont été presque toutes imitées par les poëtes épiques qui sont venus après lui. Je n'en rapporterai aucune, parce qu'on en a assez vu dans les différens morceaux que j'ai cités.

par

à leurs

des inter

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Lorsque le poëte nous montre ses per- pa lon, et sonnages s'entretenant ensemble, ou déli- du langage bérant sur une matière importante, il doit locuteurs les faire toujours parler d'une manière dans l'épo faitement conforme à leur caractère, mœurs, à leurs passions, ou à leur situation actuelle. En voici un bien bel exemple que nous fournit le Paradis perdu. C'est le discours de Satan aux Anges rebelles. Je vais me servir de la traduction en vers de Beaulaton.

Celestes légious, puissances éternelles;

De l'Être qui peut tout rivales immortelles,
Si le sort incertain a trahi vos projets ;

Si de vos fiers égaux, il vous fit les sujets,
Il a de vos grands noms illustré la mémoire ;
Et l'honneur du combat suffit à votre gloire.
N'est-il donc plus d'espoir, même après ce revers;
Et ces Dieux par le sort bannis des cieux déserts,
Croirois-je que d'une aile en silence aguèrrie,
Ils ne voleront pas au sein de leur patrie?

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J'ai fait ce que j'ai dû; j'en atteste vos rangs.
Mais ce Dieu, sur un trône, ivre d'un long encens
Ne montroit que sa gloire, et cachoit sa puissance.
Ce vain piége égara notre inexpérience.
Instruits par le malheur; tenons-nous désormais
Réservés sur l'attaque, à la défense prêts.
Aux assauts du destin opposons l'artifice,
Et sous ce voile heureux, trompant son injustice,
Retournons au vainqueur; qu'il tremble: un en-
nemi

Que la force a vaincu, n'est vaincu qu'à demi.

S'il faut qu'à d'anciens bruits l'événement réponde,
Des vastes flancs du vide, il doit éclore un monde,
Dont l'habitant nouveau comblé des dons du ciel,
Sera le favori du Fils de l'Eternel.

C'est là que nous devons diriger notre course;
C'est là que de nos maux va s'éteindre la source.
Non, je ne croirois pas qu'en ces antres cachés
A des fers éternels nous soyons attachés,
Mais de ces hauts projets l'importante matière
Exige la lenteur d'un examen sévère,

La guerre est un devoir, et l'honneur la prescrit;
Le choix des armes seul doit fixer notre esprit.

Il dit; et son discours, des cohortes armées
Fait briller à l'instant les lances enflammées:
Un feu vif en jaillit, et la prompte splendeur
Eclaira des enfers l'obscure profondeur.
Long-temps contre le ciel ses ennemis hurlèrent:
Long-temps les boucliers du choc étincelèrent:
Ce tumulte confus effraya les déserts,

Et porta leur défi jusqu'aux voutes des airs,

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Ces sortes de discours doivent être fondés sur un raisonnement juste, solide et pressant. Mais il faut que ce raisonnement soit embelli autant qu'il pent l'être, des charmes de la poésie. Virgile a prouvé, en plusieurs endroits de l'Enéïde, qu'il auroit été aussi bon orateur qu'il étoit grand poëte. On en jugera par le discours que prononce Turnus, roi des Rutules, pour combattre l'avis de Latinus, roi des Laurentins, qui veut faire la paix avec les Troyens.

« Si vous n'avez plus, grand roi, de >> confiance en nos armes; și nous som» mes sans ressource; si une seule défaite » nous a entièrement abattus, et si nous » ne pouvons plus espérer aucune faveur » de la fortune, demandons la paix, et » tendons au Troyen des mains désarmées

et suppliantes. Ah! que dis-je ? S'il nous >> restoit quelque vestige de notre ancien >> courage, pourrions-nous prendre ce hontenx » parti? Heureux ceux qui auroient péri » dans le combat, pour n'être pas les témoins

>> d'une ss indigne lâcheté ! Mais si nous >> avons encore des moyens de continuer la

guerre; si nous pouvons lever de nou» velles troupes dans le Latium (a); si des >> villes et des peuples d'Italie nous pro>> mettent leur secours; si la victoire des >> Troyens les affoiblis; si le champ de » bataille a été couvert de leurs morts, et si » leur perte a égalé la nôtre, pourquoi nous » décourager dès le commencement de cette » guerre ? pourquoi trembler avant le son » de la trompette? Le temps et les diverses >> conjonctures changent heureusement la >> face des affaires : la fortune se fait un jeu » de voler d'un parti à un autre, et elle a >> souvent relevé ceux qu'elle avoit abaissés. » Le roi des Etoliens vous refuse son ap» pui. Eh! n'avons-nous pas dans nos inté>> rêts Messape, l'heureux Tolumnius, et >> tant d'autres grands capitaines d'Italie, » Ce sera une gloire pour nous de nous être >> soutenus avec nos seules forces. Mais >> la reine des Volsques, la célèbre Ca» mille (b), ne vient-elle point à notre >> secours, ne nous amène-t-elle pas une >> brillante cavalerie ? Cependant si je » suis le seul obstacle à la paix; si les >> Troyens demandent un combat singu>>lier entre leur roi et moi, et si ce

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(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume,

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→ parti vous plait, je ne suis pas encore
>> assez haï de la victoire
;.pour aban-
» donner de si grandes espérances par le
refus d'un combat. Je marcherai centre

>>

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ce rival, fût-il un autre Achille (a), et >> dût-il combattre avec des armes forgées » par Vulcain (b). Turnus prétend ne le » céder à aucun des plus célèbres guer» riers. Il se dévoue aujourd'hui pour vous et pour le roi son bean-père. Enée >> m'appelle seul au combat; c'est ce que » j'ambitionne ».

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traits

des

personna

Le poëte présente quelquefois avec art Des perles portraits de certains personnages connus dans l'histoire, d'où il a tiré le sujet ges de l'éde son poëme ; et ces ornemens épiso- popće. diques n'en sont pas le morceau le moins intéressant. C'est ainsi que dans Virgile, Enée descend aux enfers, et voit dans les Champs-Elysées, son père Anchise, qui lui fait connoître les héros les plus célèbres de la République romaine. Voltaire a fait, dans sa Henriade, l'imitation la plus heureuse de cet endroit relativement à quelques-uns de nos rois et des grands hommes de notre nation, lorsque S. Louis transporte Henri IV en esprit au ciel et aux enfers. Ce brillant morceau nous intéresse trop, pour que je ne doive pas le transcrire ici.

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(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume,

(b) Voy. ce mot, dans les notes, à la fin du deuxième Volume.

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