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» leurs bras Entelle cependant se tient >> ferme sur ses pieds: il suit de l'oeil et * » de tout le corps les mouvemens de son » ennemi, et tâche d'esquiver ses coups. >> Darés ressemble à un guerrier qui assiége » une ville fortifiée, ou un château situé » sur un roc: il parcourt toute la place, et >> en cherche les endroits foibles. Mais il ne » livre que de vains assauts. Entelle se dresse, » et lève un bras qui eût étendu son adver»saire à ses pieds, si celui-ci, prévoyant » l'attaque, n'eût fait un saut en arrière, » et ne se fût dérobé au coup fatal. Le bras » d'Entelle ayant porté à faux, il tombe » lui-même lourdement, tel qu'un vieux pin » déraciné dans les forêts d'Ida (a) ou d'Ery» manthe (b). Les Troyens et la jeunesse » sicilienne prennent part à cet accident, » et poussent de grands cris. Aceste, tou»ché du malheur du vieux athlète son >> ami, accourt le premier, et l'aide à se >> relever. Entelle, sans être déconcerté ni » affoibli par sa chûte, retourne au combat >> avec plus d'ardeur. La colère, la honte, » le courage dont il se sent animé, redou» blent ses forces. Il se jette avec fureur » sur son rival étonné, le poursuit sans re

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

(b) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

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» lâche, le frappe sans mesure ses coups » précipités tombent sur lui comme la grêle » sur un toit: il le presse, il l'accable..... » Les amis de Darés le retirent de l'arène » se soutenant à peine, penchant sa tête » languissante sur ses épaules meurtries, et » vomissant ses dents brisées, avec des flots » de sang épais ».

Après ce récit, je puis hardiment en citer un autre qui est à-peu-près dans le même genre, et qu'on ne lira pas avec moins de plaisir. C'est le récit du combat de Tancrède et d'Argant, dans la Jérusalem delivrée.

«Leurs lances sont en arrêt; ils se pré>> cipitent l'un sur l'autre. L'aigle qui fond » sur sa proie, le trait qui fend les airs, » sont moins rapides. Rien n'égala jamais

leur furie leurs lances se brisent sur leurs » casques mille éclats, mille étincelles vo>>lent à-la-fois. Le bruit seul du coup fait » trembler la terre; les montagnes en mu»gissent mais ni le choc ni le coup ne font » plier le front superbe de ces deux rivaux. » Leurs chevaux se heurtent, tombent, et » font pour se relever, de lents et pénibles >> efforts : les guerriers les abandonnent, >> prennent leurs épées, et combattent à >> pied. Chacun de la main suit la main de >> son ennemi, de ses regards cherche ses >> regards, mesure ses pas sur ses pas, varie » l'attaque et la défense; trompe l'art par » l'art, la feinte par la feinte, tourne, s'a

» vance, recule, menace un côté, frappe >> l'autre, se découvre afin de forcer son ad>>versaire à se découvrir à son tour. Tan>> crède offre son flanc nu et désarmé: Argant » va le frapper, et laisse lui-même son côté "gauche sans défense. Tancrède d'un seul » coup repousse son épée, le blesse, puis se re>> tire, se remet sous les armes et s'en couvre » tout entier. Le Circassien voit couler son propre sang: plein d'horreur et de trouble, trans. porté de douleur, il frémit, il soupire; il » élève et l'épée et la voix; il veut frap»per, et lui même est frappé à l'endroit où » finit l'épaule et commence le bras. Tel » que dans les forêts qui couronnent le som» met des Alpes (a), l'ours blessé par des >> chasseurs s'élance furieux au milieu des » armes, affronte avec audace les périls et » la mort, tel le Circassien percé d'une >> double blessure, couvert d'une double » honte, tout à la colère et à la vengeance, >> ne connoît plus le danger, et oublie le » soin de sa propre défense. Il réunit toutes »ses forces, et donne à son épée un mou»vement si impétueux, que la terre en >> tremble, et l'air en étincelle. Tancrède >> ne peut plus attaquer; il se défend, il >> respire à peine rien ne peut le garantir » de l'impétuosité d'Argant ni de ses efforts. » Ramassé sous ses armes, il attend en vain

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(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de çe Volume.

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» que l'orage cesse; il recule : mais le fier » Sarrasin le presse avec la même furie. » Enfin lui-même forcé de s'abandonner à » ses transports, il fond, il se précipite sur >> son ennemi. La raison et l'adresse cèdent » à la colère; la fureur entretient leurs » forces et les ranime. Leurs bras ne por>>tent pas un coup qui ne perce, qui ne » déchire la terre est couverte du débris » de leurs armes : leurs armes sont teintes » de sang, et le sang coule avec la sueur : » leurs épées brillent comme l'éclair, écla>> tent comme le tonnerre, et frappent comme » la foudre. L'un et l'autre peuple inter» dit, incertain, contemple un spectacle si » atroce et si nouveau : partagé entre la >> crainte et l'espérance, il en attend la fin: >> leurs regards suivent les mouvemens des » guerriers parmi tant de spectateurs, on »> ne voit aucun geste, on n'entend aucun » mot; tous restent muets, immobiles, et » l'agitation n'est que dans leur cœur. Déjà » les deux combattans étoient épuisés, et >> peut-être la lassitude elloit décider la >> victoire mais la nuit étend ses voiles >> obscurs ».

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Homère excelle dans la description des criptions batailles. La vigueur et la variété du coloris Poëme épi- en font le grand mérite. Je regrette de ne pouvoir rapporter ici aucune de ces descriptions, qui, par leur longueur, occuperoient un trop grand espace. Virgile peint peutêtre ces sortes d'objets avec moins de force et de feu : mais il les peint avec plus de

sagesse et de goût. Nous allons entendre Enée racontant à Didon le siége du palais de Priam. Le héros qui parle, étoit au milieu des Grecs, affamés de carnage. Le poëte qui le fait parler, s'y est transporté avec lui: il va nous y transporter nousmêmes.

« Un grand bruit nous attira vers le pa» lais de Priam (a). Nous vìmes en cet en>> droit un combat si furieux, qu'il sembloit » que toute l'armée des Grecs y fut rassem» blée; qu'on ne combattît point ailleurs, » et que ce fût-là seulement que régnassent » le meurtre et le carnage. Les uns formant » une espèce de tortue, assiégeoient la porte » du palais : les autres, montant à l'esca»lade, présentoient d'une main leur bou»clier, qui les couvroit, et de l'autre fai» soient leurs efforts pour grimper jusqu'au >> faîte, et s'y tenir suspendus. Les Troyens, » de leur côté, tâchoient d'écraser les as>> saillans sous la chûte des tours et sous la >> ruine des toits. Dans le péril extrême où >> ils se trouvoient, et réduits au désespoir, » il ne leur restoit que cette ressource les » poutres et les lambris dorés, superbes or» nemens de la demeure de nos anciens rois, >> étoient arrachés et jetés sur l'ennemi. » D'autres, l'épée à la main, gardoient les

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

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