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seule qui reparoisse quelquefois sur notre scène quoique remplie de déclamations, elle offre de grandes beautés, sur tout dans le 4.mè acte.

Inès de Castro, par la Motte, est une piece foible de poésie. Mais il y a de l'intérêt, et des situations vraiment attendrissantes.

Chateaubrun s'est fait avantageusement connoître par son Philoctète et ses Troyennes; pièces très-bien imitées des tragiques grecs. Dans la première, sur-tout, il y a de belles scènes, et le dénouement en est fort beau.

L'Iphigénie en Tauride de Guimont de la Touche, n'est pas bien versifiée; mais elle est très-bien conduite, pleine d'action et d'intérêt. Ce qui relève encore le mérite de cette tragédie, c'est que l'amour en est exclu.

La versification de Gustave, de Piron, est peu harmonieuse : mais les situations y sont bien ménagées et très - intéressantes. Le rôle de Gustave, sur tout, est bien fait.

Le Spartacus de Saurin offre des traits d'une grande force, et de l'élévation dans les caractères.

La Didon du marquis de Pompignan est une des meilleures tragédies qui aient été faites de nos jours, pour la conduite de l'action, la vivacité de l'intérêt, la

douceur et la pureté du style. C'est le tragique qui a atteint le plus près Racine.

On connoîtra les poëtes tragiques des autres nations dans les différens théâtres que j'ai indiqués à l'article des poëtes comiques. Mais quant aux Anglais, je ne dois pas passer ici sous silence le Caton d'Adisson: c'est la tragédie la plus régulière et la meilleure qui ait été faite en Angleterre. Le Tourneur nous a donné une traduction de tous les ouvrages de Shakespeare. Voici ce que l'auteur des Affiches, etc., ou Journal général de France, dit ce dramatique anglais à l'occasion de cette traduction (1). « Depuis quelques années, on fait en France les éloges les plus outrés de Shakespeare; et s'il faut en croire certains écrivains, c'est le premier génie qui ait paru dans l'art dramatique. A peine Corneille, le grand Corneille lui-même, et Racine sout-ils dignes de lui être comparés. Pour faire revenir ces écrivains de leur enthousiasme, il suffira de leur opposer le sentiment de quelques beaux esprits d'Angleterre. Leur témoignage ne paroîtra pas certainement suspect. Voici d'abord que dit le comte de Chesterfield dans une de ses lettres : « Si le génie de Shakes»peare eût été bien cultivé, ces beau

ce

(1) N°. 48, 1783.

»tés que nous admirons si justement en » lui, n'auroient pas été défigurées par ces » absurdités et ces extravagances qui les » accompagnent si fréquemment ». Le même dit dans une autre lettre à son fils: « Je >> vous recommande les représentations théà»trales de Paris. Elles sont excellentes. Les » tragédies de Corneille et de Racine, et » les comédies de Molière écoutées atten»tivement, sont d'admirables leçons pour >> le cœur et pour l'esprit. Il n'y a point, » et il n'y eut jamais de théâtre comparable » au théâtre Français. » Le docteur Burnet avoit dit avant lui : « C'est une honte » pour notre nation et pour la religion de » voir le théâtre si bien réformé en France, » et toujours si corrompu en. Angleterre. » Molière et Racine sont de grands mo» dèles pour la comédie et la tragédie. »> Ces aveux, auxquels on pourroit ajouter ceux d'Addisson, de Swift, et des gens de lettres les plus distingués de l'Angle-terre, sont si glorieux pour notre théâtre, que toute dispute sur la préférence paroît devoir être terminée, et que nos enthousiastes doivent rougir, ce semble, des éloges qu'ils prodiguent à Shakespeare..

Soyons justes, néanmoins, et couvenons que Shakespeare a quelquefois des beautés du premier ordre, qu'il offre des traits de génie, de force, et d'un naturel exquis: mais ces traits sont rares, et noyés dans nne multitude d'autres les plus disparates, et même les plus extravagans. En un

mot, ce poëte ne peut ni ne doit jamais étre un modèle ».

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Les tragédies de Métastase sont les meilleures qui aient été faites en Italie : le fond en est intéressant, noble et théâtral. Elles ont été traduites par Richelet, et ont paru sous le titre de Tragédies et Opéra de l'abbé Metastafio.

La Mérope de Maffei est une tragédie, qui honore infiniment le théâtre de l'Italie moderne. Elle est remarquable par cette majestueuse simplicité qu'on admire dans les anciens. Nous en avons une bonne traduction par Freret.

I f.

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De la Tragédie-Lyrique, ou Opéra. Nous ne sommes pas choqués d'entendre dans la tragédie proprement dite, et le plus souvent dans la comédie,, des rois, des héros, des grands, des bourgeois, même des même des hommes du peuple, parler en vers. Pourquoi serions-nous révoltés d'entendre chanter ces mêmes personnages, soit dans la tragédie – lyrique, soit dans l'opéra-comique. Nous. adoptons volontiers au théâtre le systême imaginaire d'une nation rimante. Ne pouvons nous pas admettre de même celui d'une nation chantante? Le discours mesuré n'est pas plus naturel à l'homme que le chant. Il est même vraisemblable que celui-ci a précédé l'autre. Sans doute le premier homme qui a essayé d'imiter le ramage

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ramage des oiseaux, ou qui, si l'on veut, s'est livré aux transports de la joie ou à l'enthousiasme de l'admiration, a poussé des accens plus ou moins mélodieux selon la nature de ses organes, et conformes au sentiment qu'il éprouvoit : voilà le chant sans paroles. On a ensuite cherché à y adapter des paroles; et l'on a senti que ces paroles, pour pouvoir se bien allier aux accents de la voix, devoient avoir un son, une cadence, une mesure que n'a pas le langage ordinaire: voilà le discours mesuré; et voilà les premières ébauches de la musique et de la poésie.

Mais sans nous arrêter ici à des con

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jectures vagues, qui d'ailleurs ne pourroient être que superflues dans cet ouvrage, qu'il nous suffise de sentir qu'on peut imaginer, comme le dit Grimm dans son traité du Poëme lyrique, un peuple d'inspirés et d'enthousiastes dont la tête seroit toujours exaltée, dont l'âme seroit toujours dans l'ivresse et dans l'extase; qui avec nos passions et nos principes, nous seroient cependant supérieurs par la suptilité, la pureté et la délicatesse des organes: un tel peuple chanteroit au lieu de parler; sa langue naturelle seroit la musique. Or, ce sont des êtres d'une telle organisation, que nous devons nous imaginer voir et entendre sur la scène lyrique; et d'après cette idée, nous ne serons pas surpris de les voir mourir en chan

tant.

La tragédie lyrique est donc une tra-
Tome III.

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