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Et la comète en feu vient effrayer le monde.
Aussi la Macédoine (1) a vu nos combattans
Une seconde fois s'égorger dans ses champs,
Deux fois le ciel souffrit que ces fatales plaines
S'engraissassent du sang des légions romaiues.
Un jour le laboureur, dans ces mêmes sillons
Où dorment les débris de tant de bataillons,
Heurtant avec le soc leur antique dépouille,
Trouvera, plein d'effroi, des dards rongés de
rouille,

Verra de vieux tombeaux sous ses pas s'écrouler,
Et des soldats romains les ossemens rouler.

On a dû remarquer dans les derniers vers de cet épisode avec quelle adresse Virgile rentre dans son sujet qu'il paroissoit avoir perdu de vue, et comment il intéresse les agriculteurs au récit des grands événemens qu'il vient de décrire.

Le P. Vanière dans son poëme latin intitulé Prædium Rusticum, c'est-à-dire, la Maison Rustique, offre un épisode plein de beautés sublimes, et qui doit intéresser particulièrement les Français. C'est la description de cette partie du canal de Languedoc, qui coule sous une montagne percée, qu'on appelle le Mal pas. Elle est amenée avec un art qu'on

fameuses bathéâtre ; celle Voyez le mot

(1) Virgile veut parler ici de deux tailles, dont cette contrée fut le de Pharsale, et celle de Philippe. Macédoine dans les notes, à la fin du deuxième Volume.

ne sauroit trop admirer. Je vais essayer de donner en notre langue une idée de ce beau

morceau.

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« Ah! si vous étiez assez heureux, pour >> avoir à dessécher un marais qui vous >> donneroit une nouvelle terre, que vous » seriez largement payé de vos travaux, >> et de vos dépenses, par ces champs » engraissés de limon, et qui se seroient >> reposés durant tant d'années! Voyez » près de Béziers (a), cette plaine autre» fois liquide que les seuls navires pou>> voient sillonner, et que sillonne aujour» d'hui le fer de la charrue. Les Romains, » maîtres de l'univers, ne voulant rien per» dre du terrein de cette contrée, qui leur » paroissoit la plus fertile de toutes celles » qu'ils avoient conquises, creusèrent sous » une longue montagne une route aux caux >> dormantes de ce marais : ouvrage admi>> rable qui ne devoit pas être inutile aux » siècles suivans.

>> Le conduit souterrain de ces eaux » marécageuses nous étoit entièrement in» connu. Mais il fut découvert, lors» qu'on perça les flancs pierreux de cette >> même montagne, pour construire ce ca>>nal merveilleux, qui joint aujourd'hui » le double empire des ondes. Ce fut alors » que Rome (b) parut renaître de ses

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(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

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» cendres, pour opposer à la hardiesse de » notre entreprise la grandeur de son ancien » ouvrage, voulant ravir à la France la » gloire d'un si beau monument. Mais si » les Romains vinrent à bout, par un tra» vail opiniâtre et forcé, de conduire à la >> mer les eaux de ce marais avec ses habi

tans; les Français enrichis par le com>>merce, couvrent de leurs flottes toute l'é» tendue des deux mers, depuis qu'ils ont >>frayé une route aux navires dans les en» trailles mêmes de la terre. Non loin de cette >> grotte profonde, les vaisseaux portés sur » des voûtes hardies (a), où coulent les eaux » qui y sont comme suspendues, paroissent »voguer dans les champs de l'air, et devoir » craindre le sort d'Icare (b). Ici au con» traire, on croiroit qu'ils fendent les noires

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ondes du Styx (c), et qu'ils vont aborder >> aux sombres rivages. Mais à peine le navi» gateur sorti de ce fleuve souterrain, dé>> couvre les hautes tours de Béziers, et ces >> belles campagnes, où l'astre du jour darde » ses rayons les plus, purs, qu'il se croit » aussi-tôt transporté dans les jardins, fortu »nés de l'Elysée (d).

(a) Voyez le mot Pont, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez ce mot, ibid.

(c) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

(d) Voyez ce mot, ibid. 1

Tome III.

C

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» Cependant la vue de ce ciel serein, de » ces riches côteaux, de cette plaine riante,

n'est pas capable de dissiper le nouvel effroi >> dont il se sent tout-à-coup saisi. Les eaux » qui tombent du haut de la montagne, ne » sont ni moins rapides ni moins bruyantes » qu'un torrent fougueux, qui grossi par >> l'orage, précipite du sommet des Alpes (a) » ses flots écumans qu'il roule avec un fracas >> horrible parmi des rochers déserts. Au >> bruit épouvantable qu'elles font par leur » chute, le navigateur est glacé d'une hor>> reur soudaine; et les vaisseaux, flottant » sur le bord de l'abîme, sont près d'y être » engloutis. Mais les vastes bassins (b) creu»sés sur le penchant de la colline, et que les »eaux remplissent successivement, leur fa>>cilitent la descente de ces lieux escarpés, » que la chèvre légère franchissoit autrefois » avec peine. illustre Ri

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» C'est là votre ouvrage, »quet (c): c'est à vous que Béziers, votre » patrie, doit ses richesses et l'ornement de » ses murs: c'est à vous que la France doit >> le monument le plus bean, le plus magni>> fique et le plus utile. Alcide (d) a détourné

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(d) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du deuxième Volume.

»le cours des fleuves, tracé de nouvelles. » routes, brisé des rochers, aplani des mon» tagnes, et s'est élevé par ces travaux à » l'immortalité. Vous avez plus fait qu'Al>>cide malgré la distance prodigieuse des >> lieux, vous avez ouvert au commerce l'em» pire des deux mers. Si les spectacles de la » terre vous touchent encore, contemplez-le » du haut des cieux, ce chef-d'œuvre de » votre grand génie; à moins que vous ne >> trouviez ici-bas un objet qui flatte plus vos >> regards, dans cet aimable enfant à qui sa >> respectable mère a transmis le sang des » Lamoignon (a). Que d'exemples des plus >> rares et des plus sublimes vertus son illustre >> famille va lui offrir; soit qu'il marche sur >>les nobles traces de son père ou de son » oncle; soit qu'il couvre sa tête du casque de » Mars (b), ou du mortier de Thémis (c)! »

Qu'on ne s'imagine pas qu'un épisode soit toujours une simple description agréable, faite pour délasser et pour égayer l'esprit. Il y en a que le poëte didactique mêle à son sujet, dans le dessein d'instruire; et alors en peignant ces objets qui ne tiennent qu'aux principales parties de son ouvrage, il trace

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

(b) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Voleme.

(c) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du deuxième Volume.

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