Page images
PDF
EPUB

d'ébranler la constance de Polieucte. Mais n'ayant pu en venir à bout, il fit agir auprès de lui sa fille Pauline, qui n'eut pas un meilleur succès. Félix irrité contre son gendre, le condamna à perdre la tête; et cet arrêt fut aussi-tôt exécuté que rendu. Corneille, pour répandre sur ce sujet un intérêt vraiment théátral, a ajouté à ce martyre le songe de Pauline, l'amour de Sé vère, le baptême effectif de Polieucte, le sacrifice pour la victoire de l'empereur, la dignité de Félix qu'il fait gouverneur d'Arménie, la mort de Nearque, et la conversion de Félix et de Pauline,' ༦ ཁོ ཱཿ ཇཱ སོ 1

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Nous avons vu ailleurs que la comédie étant le contraste des ridicules", " parce qu'elle peint les hommes, l'action y deit être subordonnée aux caractères. La tragédie peignant les actions, est le choc des grandes passions entr'elles ou avec les grandes vertus on les y voit toujours lutter les unes contre les autres, et com battre avec violence la nature et le des voir. C'est le choc, des grands/intérêts կա qui se croisent, et qui divisant les per sonnages, produisent en eux cette diver sité, cette opposition de grands sonti mens qui nous attaclient autant qu'ils nous étonnent. t. Ainsi les caractères doivent dans la tragédie être subordonnés à l'action. Le premier soin du poëte est de la choi sir, En la dévelop ensuite de r pant, il peindra les caractères, et d'autant plus aisément, que ses personnages

[ocr errors]

P

[ocr errors]
[ocr errors]

ne pourront agir le les uns contre les autres, sans se montrer tels qu'ils sont. Le poëte comique distribuant son action, dit mes personnages doivent agir de telle manière, parce qu'ils ont tel caractère. Le poëte tragique distribuant la sienne, dit: mes personnages doivent avoir tel caractère, parce qu'ils agissent de telle manière.

'

Ce que j'ai dit dans l'article du poëme dramatique, des qualités et de la conduite de l'action, indique assez la manière dont une tragédie doit être construite, et me dispense de m'étendre ici sur ce sujet. Je me contenterai de feire observer qu'il y deux choses auxquelles il ne faut jamais manquer dans l'exposition: la première, qu'elle soit assez claire, pour que le spectateur saisisse d'un coupd'oeil ce qui fait, le véritable sujet de la pièce la seconde, qu'elle excite beaucoup de curiosité; il faut que la première scène donne la plus grande envie de voir les autres. Dans le noeud, tout doit être action. Ce n'est pas que chaque scène doive présenter un événement; mais chaque scène doit être ou un nouvel effort qui fasse marcher l'action vers son terme ou un nouvel obstacle qui l'arrête, et qu'il faille surmonter. De cette manière, il n'y aura aucun vide ni aucune interruption; l'intérêt sera soutenu et toujours plus vif. Le dénouement doit être préparé de loin, sans que pourtant il puisse être prévu. Il faut qu'il soit tiré du fond de l'action, et

[ocr errors]

produit naturellement par les incidens qui le précèdent. Pour tout dire en peu de mots, le premier acte d'une tragédie expose le sujet et pique la curiosité. Dans le second, l'inquiétude commence. Dans le troisième elle angmente. Le quatrième, excite vivement la terreur et la pitié. Le cinquième les porte à leur comble; il déchire l'âme, il est tout rempli de larmes.

[ocr errors]

Une de nos meilleures tragédies pour la grandeur de l'action, la vivacité dé l'intérêt, le choc des passions, et généralement pour Analyse la conduite de l'ouvrage, est l'Iphigénie en une tra- Aulide de Racine. C'est un vrai modèle gedie de Racine. qu'il est à propos que je mette iei sous les yeux, autant qu'il est possible de le faire par la voie de l'analyse. Les principaux personnages de cette tragédie sont Agamemnon, Ulysse, Achille, Clitemnestre, femme d'Agamemnon, Iphigénie, fille d'Agamemnon, et Eriphile, fille d'Hélène et de Thésée. La scène est en Aulide, petite contrée de Béotie, près de l'ancienne ville et port de Chalcis, capitale de l'île Eubée, aujourd'hui Négrepont.

Acte I. La flotte des Grecs qui alloient faire le siége de Troie, ayant été arrêtée par le calme des vents, Agamemnon, suivi de Nestor, de Ménélas et d'Ulysse, fut consulter l'oracle, qui, par la bouchie du fameux devin Calchas, rendit cette réponse :

Vous armez contre Troie une puissance vaine,
Si dans un sacrifice auguste et solennel,
Une fille du sang d'Hélène

De Diane en ces lieux n'ensanglante l'autel.
Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie,
Sacrifiez Iphigénie.

[ocr errors]

Agamemnon pressé par Ulysse d'obéir à l'oracle, effrayé d'ailleurs par les Dieux qu'il voyoit menaçans pendant son sommeil, écrivit à Argos, pour faire venir sa fille sous prétexte qu'Achille à qui elle avoit été promise, vouloit la revoir et partir son époux. Tel est en substance le récit · que, dans la première scène, Agamemnon fait à Arcas des événemens antérieurs l'action qui va se passer c'est-là la préparation de l'action."

Ce chef des rois de la Grèce ne pouvant étouffer la voix de la nature, qui crie encore plus fortement dans son cœur, à l'approche du jour où Iphigénie doit arriver, charge Arcas d'aller au-devant d'elle et de Clitemnestre, à laquelle il écrit de retourner à Argos, parce qu'Achille a changé de dessein. Voilà l'exposition du sujet : voilà le germe de tous les incidens de la pièce.

Cependant le bruit se répand que Clitemnestre et Iphigénie doivent arriver au camp. Achille, qui n'ayant rejoint l'armée que la nuit précédente, ne

[ocr errors]

savoit

pas qu'on eût consulté l'oracle, apprend la nouvelle de cette arrivée, et vient en

témoigner sa joie à Agamemnon, qui ne lui fait que des réponses vagues. Ulysse même le blâme de songer à son amour, dans un temps, où les Dieux irrités demandent du sang peut-être, et du plus précieux. Le fier Achille s'exprime ici avec toute son ardeur pour la gloire; et sans aucun délai, sans achever même son hymen, il veut voler à Troie, dût-il l'assiéger seul avee son ami Patrocle. Agamemnon gémit dans le sein d'Ulysse sur le sort d'Iphigénie, lorsqu'il apprend qu'elle vient d'arriver avee Clitemnestre sa mère, et Eriphile, jeune princesse de Lesbos, captive d'Achille, et qui vient interroger l'oracle sur son destin, dont elle n'a aucune connoissance. Ulysse presse alors Agamemnon d'immoler aux Dieux leur victime, puisqu'eux-mêmes ont pris soin de l'amener à Calchas. Agamemnon est déterminé à le faire après avoir écarté Clitemnestre de l'autel. Voilà le noeud commencé; il s'agit de voir si Iphigénie sera sacrifiée. Tout est préparé pour le complément de cette action, sans que cependant on puisse rien prévoir. La curiosité s'empare de l'âme du spectateur; mais c'est une curiosité qui n'est pas exempte d'inquiétude.

Acte II. Eriphile dit à sa confidente, qu'un oracle effrayant lui annonce qu'elle ne peut, sans périr, connoître le sang dont elle sort; mais que le plus funeste de tous ses maux est l'hymen d'Achille et d'Iphigénie. Prisonnière de ce héros,

« PreviousContinue »