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Que le coq de ses soeurs et l'époux, et le roi,
Toujours marche à leur tête et leur donne la loi.
Il peut dix ans entiers les aimer, les conduire ;
Il est né pour l'amour, il est né pour l'empire.
En amour en fierté , le coq n'a point d'égal,
Une crête de pourpre orne son front royal;
Son œil noir lance au loin de vives étincelles ;
Un plumage éclatant peint son corps et ses ailes,
Dore son cou superbe, et flotte en longs cheveux :
De sanglans éperons arment ses pieds nerveux :
Sa queue, en se jouant du dos jusqu'à la crête,
"S'avance, se recourbe en ombrageant sa tête.

tions èpi

Poëme di

Descrip- Outre ces descriptions qui renferment sodiques ou qui suivent immédiatement le prédans le cepte, il y en a encore d'autres qui serdactique. vent à enrichir et à varier le poëme didactique, et qu'il est essentiel d'y répandre. Ce sont les descriptions épisodiques, c'est-à-dire, des choses étrangères au sujel, et qui n'y tiennent que par occasion. Telles sont, dans le premier livre des Géorgiques, les descriptions du règne de Jupiter et de la nécessité du travail, à l'occasion de l'origine de l'agriculture: et celle de la mort de César, à l'occasion des pronostics du soleil dans le deuxième la belle description de la campagne d'Italie, à l'occasion des différens arbres que produit chaque climat; et celle de la vie heureuse des laboureurs à l'occasion des combats nés au milieu des festins et de la débauche dans le troisième la

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description de la course des chevaux et de l'invention des chars, à l'occasion du choix des chevaux ; et celle d'une peste qui avoit fait d'effroyables ravages parmi le bétail, à l'occasion des maladies des troupeaux; dans le quatrième enfin, la belle fable d'Aristée, qui renferme celle d'Orphée et d'Euridice, à l'occasion des moyens qui sont indiqués pour repeupler les ruches.

Il faut que le poëte amène naturellement les épisodes, et rentre ensuite avec art dans son sujet, qu'il ne doit jamais perdre de vue. Virgile est encore en ceci un parfait modèle. On va voir comme la description qu'il fait de la course des chevaux et de l'invention des chars, est, pour ainsi dire, enchâssée dans les préceptes.

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Connois donc et son âge, et sa race, et son cœur,
Et sur-tout dans la lice observe son ardeur.
Le signal est donné; déjà de la barrière,
Cents chars précipités fondent dans la carrière.
Tout s'éloigné, tout fuit; les jeunes combattans
Tressaillans d'espérance, et d'effroi palpitans,
A leurs bouillans transports abandonnent leur âme :
Ils pressent leurs coursiers; l'essien siffle et s'en-
flamme;

On les voit se baisser, se dresser tour-à-tour.

Des tourbillons de sable ont obscurci le jour.

On se quitte, on s'atteint, on s'approche, on s'évite. Des chevaux haletans le crin poudreux s'agite;

Et blanchissant d'écume et baigné de sueur

Le vaincu de son souffle humecte le vainqueur ;
Tant la gloire leur plaît, tant l'honneur les anime
Erichthon (a) le premier, par un effort sublime
Osa plier au joug quatre coursiers fougueux,
Et porté sur un char, s'élancer avec eux.
Le Lapithe (b), monté sur ces monstres farouches
A recevoir le frein accoutuma leurs bouches;
Leur apprit à bondir, à cadencer leurs pas,
Etgouverna leur fougue au milieu des combats.

Mais soit qu'il traîne un char, soit qu'il porte son

guide,

J'exige qu'un coursier soit jeune, ardent, rapide.
Fût-il sorti d'Épire (c) ; eût-il servit les Dieux;
Fût-il né du Trident (d); il languit s'il est vieux.

Les beaux exemples ne sauroient être trop multipliés, lorsqu'il s'agit de développer les règles des arts, et d'en faire voir toute l'importance et toute l'étendue. Rien ne contribue plus d'ailleurs à former le goût. Voyons donc la description de la 'mort de César dans le même poëme. C'est un chef-d'oeuvre de poésie, et en même temps un des meilleurs modèles pour bien lier les épisodes au sujet. Le poëte parle d'abord des pronostics du soleil.

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(b) Voyez ce mot, ibid.

(c) Voyez ce mot, ibid.

(d) Voyez le mot Neptune, dans les notes, à la fin du premier Volume.

Sur-tout, sois attentif, lorsqu'achevant leur tour,
Ses coursiers dans la mer, vont éteindre le jour.,
Du pourpre, de l'azur les couleurs différentes,
Souvent marquent son front de leurs taches errantes.
Saisis de ces vapeurs le spectacle mouvant :
L'azur marque la pluie, et le pourpre le vent.
Si le pourpre et l'azar colorent son visage,
De la pluie et des vents redoute le ravage.
Je n'irai potut alors sur de fréles vaisseaux,
Dans l'horreur de la nuit m'égarer sur les eaux.
Mais lorsqu'il recommence et finit sa carrière,
S'il brille tout entier d'une pure lumière,

Sois sans crainte; vainqueur des humides Autans (4),

i

L'Aquilon (b) va chasser les nuages flottans.
Ainsi ce Dieu puissant, dans sa mar.he féconde
Tandis que de ses feux il ranime le monde,
Sur l'humble laboureur veille du haut des cieux,
Lui prédit les beaux jours et les jours pluvieux.
Qui pourroit, ô Soleil! t'accuser d'imposture?
Tes immenses regards embrassent la nature,
C'est toi qui nous prédis ces tragiques fureurs,
Qui couvent sourdement dans l'abîme des cœurs,
Quand César (c) expira, plaignant notre misère,
D'un nuage sanglant tu voilas ta lumière :
Tú refusas le jour à ce siècle pervers;

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ee Volume.

(b) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier Volume.

(c) Voyez ce mot, ibid.

Une éternelle nuit menaça l'univers.

Que dis-je ? tout sentoit notre douleur profonde :

Tout annonçoit nos maux, le ciel, la terre et

l'onde,

Le hurlement des chiens et le cri des oiseaux.

Combien de fois l'Etna (a) brisant ses arsenaux
Parmi des rocs ardens, des flammes ondoyantes,
Vomit en bouillonnant ses entrailles brûlantes!
Des bataillons armés dans les airs se heurtoient;
Sous leurs glaçons tremblans les Alpes (b) s'agi-
toient.

On vit errer la nuit des spectres lamentables;

Des bois muets, sortoient des voix épouvantables ;
L'airain inėme parut sensible à nos malheurs ;
Sur le marbre amolli l'on vit couler des pleurs ;
La terre s'entr'ouvrit, les fleuves reculèrent,
Et, pour comble d'effroi...... les animaux parlèrent.
Le superbe Eridan (c), le souverain des eaux,
Traîne et roule à grand bruit forêts, bergers, trou-

peaux;

Le Prêtre environné de victimes mourantes,

Observe avec horreur leurs fibres menaçantes ;

L'onde changée en sang roule des flots impurs ;

Des loups hurlans dans l'ombre, épouvantent nos

murs;

Méme en un jour serein l'éclair luit, le ciel gronde,

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(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin du premier

Volume.

(b) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

(c) Voyez ce mot, dins les notes, ibid,

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