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contre l'obscurité des mystères, l'autre contre la sévérité de la morale.

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Il fait voir dans le cinquième chant jusqu'où va l'ignorance de l'homme, et les difficultés auxquelles le déisté ne peut répondre; au lieu que le chrétien y trouve la réponse dans la révélation.

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A l'égard de la morale (elle est traitée dans le sixième chant), ce qui m'a le plus frappé, est le parallèle également docte solide et ingénieux de la morale des poëtes mêmes, et des poëtes d'ailleurs les plus corrompus du paganisme, avec celle des chrétiens.

Cette pensée, continue J. B. Rousseau que la religion n'exige de nous que ce que la droite raison nous ordonne, et que l'Evangile, s'il est permis de parler ainsi, ne rend pas le chemin plus étroit que la simple philosophie et les devoirs prescrits à l'honnête homme, est admirablement exprimée; et il falloit qu'elle le fût : mais il falloit aussi montrer l'avantage que la morale du Christianisme a sur toute autre morale. Cet avan tage consiste dans le précepte de la charité, le plus doux de tous les préceptes, tous les autres ne s'adressant qu'à la raison, mais celui-ci s'adressant au cœur qui est ce que Dien demande particulièrement; et comme cette vertu est le couronnement de toutes les vertus chrétiennes, l'auteur ne pouvoit mieux couronner son Ouvrage, qu'en nous en faisant sentir le

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prix et la nécessité; et c'est ce qu'il a exécuté de la manière la plus touchante et la plus élevée.

de l'élocu

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Ces deux ouvrages dont on vient de voir La beauté le plan, sont chacun dans son genre, la preuve tion: denet l'exemple de l'ordre et de la méthode xième réque doit suivre le poëte didactique. Il est encore Poeme diassujetti à une seconde règle qui n'est pas dactique. moins importante que la première. Ce n'est point ici un philosophe grave et austère, à qui l'on permet de débiter ses leçons, sans qu'il se mette en peine de les dépouiller de ce qu'elles peuvent avoir de triste et de rebutant. C'est un favori des Muses qui donne des préceptes, et qui doit en faire disparoître sous les ornemens la sécheresse et l'ennui. Il faut d'abord qu'il relève tout ce qu'il dit par la beauté de l'élocution, c'est-à-dire, par le choix des épithètes, l'emploi des termes métaphoriques, l'harmonie et la vivacité des tours, la hardiesse et l'éclat des figures, en un mot par tout ce que le style poétique a d'attrayant et d'enchanteur. Il aura sans doute de bien grandes difficultés à vaincre mais ce n'est qu'en les surmontant qu'il peut mériter le nom de vrai poëte, et faire connoître tout le prix de son travail. Voyez de quelles couleurs Virgile embellit les préceptes qu'il donne sur la culture de la vigne. Je vais me servir de la traduction en vers de l'abbé Delille.

:

Tes ceps sont-ils plantés? Il faut couvrir de terre,
Engraisser de fumier le lit qui les resserre.

Là, que la pierre-ponce aux conduits spongieux,
Que l'écaille poreuse enfouie avec eux,

Laissent pénétrer l'air dans leurs couches fécondes
Et du ciel orageux interceptent les ondes.
J'al vu des vignerons, du ciel favorisés,
Couvrir leurs ceps de pierre ou de vases brisés :
Ainsi du chien (a) brûlant ils évitent l'haleine;
Ainsi la froide Hyade (b) inonde en vain la plaine.
Mais à la terre enfin dès qu'ils sont confiés,
Que souvent le hoyau la ramène à leurs pieds;
Qu'on y pousse la bêche; et, sans rompre les lignes,
Que le soc se promène au travers de tes vignes.
Puis tu présenteras aux naissans arbrisseaux

Ou des appuis de frêne, ou de légers roseaux:

La vigne les rencontre, et l'arbuste timide

Conduit sur les ormeaux par ce fidèle guide, i

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Bientôt unit son pampre à leurs feuillages verts,

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Comme eux soutient l'orage, et les suit dans les

airs.

Quand ses premiers bourgeons s'empresseront d'é

clore,

Que l'acier rigoureux n'y touche point encore: Même lorsque dans l'air, qu'il commence à braver, Le rejeton moins frêle ose enfin s'élever,

Pardonne à son audace en faveur de son âge;

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin de ce Volume.

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Seulement de ta main éclaircis son feuillage.

Mais enfin quand tu vois ces robustes rameaux
Par des noeuds redoublés embrasser les ormeaux,
Alors saisis le fer, alors sans indulgence,
De la sève égarée arrête la licence;
Borne des jets errans l'essor présomptueux,
Et des pampres touffus le luxe infructueux.

Quelquefois le poëte est obligé d'entrer dans les détails les plus minutieux, de parler d'ojets ignobles, bas et même dégoûtans. Il faut alors qu'il connoisse toutes les richesses de la langue dans laquelle il écrit, pour exprimer ces objets avec élégante noblesse. C'est ce qu'a fait Rosset dans ces vers sur le fumier, tirés de son poëme sur l'Agriculture.

Des restes les plus vils se forme cat engrais,
Qui va porter la vie au fond de vos guérets.
Des animaux divers la féconde litière
Est des amendemens la plus riche matière.
Pour les multiplier, ajoutez aux premiers
La dépouille des bois, la cendre des foyers.
Ces amas précieux se mêlent et s'unissent,
Et de l'astre du jour les ardeurs les mûrissent.
Ainsi par d'heureux soins toujours entretenus,
Tour à tour aux guérets ils portent leurs tributs.

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Le poëte didactique veut-il établir des Ornemen, principes de morale ou de physique ? il du Poëme didactique. doit sans manquer en aucune manière à

l'exactitude et à la précision, les orner de toutes les images, de toutes les comparaisons, de toutes les figures dont il est susceptible. En voici un bien bel exemple que nous fournit le poëme latin des éclipses, par le P, Boscovich, jésuite. Il s'agit des couleurs qu'offrent à nos yeux les fils de la lumière séparés par la réfraction.

«Quoique nous vous ayons déjà an» noncé ces fils lumineux comme innom

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>> brables, et comme ayant chacun un » génie particulier, nous les désignons » cependant tous sous sept noms seule » ment; et nous rangeons dans la même >> classe tous ceux dont la différence est » moins sensible apprenez leur ordre et >> leurs noms. Ceux que la réfraction écarte >> le moins de la ligne droite, brillent d'un >> rouge pareil à l'éclat dont l'aurore em>> bellit les cieux, lorsqu'elle fait voler >> ses coursiers sur l'horizon, et vient an、 » noncer l'astre qui doit la suivre. Tel le » pavot superbe élève sa tête au milieu » des champs; et telle est encore la cou» leur ardente du sang qui coule dans nos » veines. La deuxième espèce dans l'ordre » des rayons, a reçu de l'or le nom de sa » couleur. Cruelle et fatale couleur ! Hé» las de quels soucis cuisans n'agite-t-elle » pas le coeur des mortels! quelles guerres » sanglantes n'a-t-elle pas allumées ! quelles >> fourberies honteuses, quels vols impies, » n'a-t-elle pas causés ! Près d'elle heu>> reusement suit ce doux rayon, l'espoir

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