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Saverne, dans les passages des montagnes, pár 1676 lesquelles Luxembourg vouloit se rapprocher des renforts qui lui arrivoient de Flandre, et il vint enfin se retrancher sur la Lauter, appuyant sa droite à Wissembourg, sa gauche à Lauterbourg, et coupant ainsi aux Français toute communication avec Philipsburg, au moment où l'armée des cercles en entreprenoit le siége, au commencement de juin, sous la conduite du prince de Bade-Dourlach. Cette place importante avoit une bonne garnison, et son commandant Du Fay ne le cédoit en rien à Calvo, le commandant de Maestricht; mais il n'étoit pas suffisamment approvisionné de poudre; aussi le maréchal de Luxembourg n'ayant jamais pu ni forcer les lignes de Wissembourg, ni obliger le duc de Lorraine d'en sortir, il fallut bien rendre la place de Philipsburg, le 8 septembre, après trois mois de siége. (1)

Les efforts de la diplomatie française n'avoient pas été couronnés de plus de succès que ceux des armées; elle avoit déterminé par des subsides le roi de Suède à contracter alliance avec Louis XIV, et à attaquer le grand Électeur de Brandebourg; mais dans cette guerre les Suédois furent constamment battus par lui et par les

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-La

(1) Basnage, Ann. 1676, ch. 54 à 65, p. 701, seq. Hode. L. XXXVII, p. 58.- Limiers. L. VIII, p. 322.. Vie de Charles V, duc de Lorraine. L. III, p. 205.

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Danois. Louis se flattoit aussi d'avoir bientôt un nouvel allié dans le roi de Pologne, Jean Sobieski, en qui on avoit reconnu une grande affection pour la France; et qui étoit marié à une Française; aussi se figuroit-on qu'ayant par ses victoires conquis sur les Turcs une paix glorieuse, il ne tarderoit pas à faire une diversion puissante en attaquant l'empereur; mais Sobieski étoit trop sage pour engager sa nation dans une guerre où elle n'avoit aucun intérêt. Enfin la mort du pape Clément X, le 22 juillet 1676, avoit donné lieu à de nouvelles intrigues; tous les cardinaux français avoient été dépêchés à Rome, pour prendre part à la nomination de son successeur; le cardinal de Retz avoit été particulièrement chargé de diriger leurs manoeuvres; ils avoient réuni leurs suffrages sur le cardinal Odescalchi, qui, en recevant la tiare le 21 septembre, prit le nom d'Innocent XI; cependant à peine fut-il élu qu'on le signala comme un ennemi des Français. (1)

Tant de combats sans résultats, tant de dépenses, tant de pertes, disposoient enfin Louis XIV à désirer vivement la paix. Depuis que les armées étoient beaucoup plus nombreuses et les combats beaucoup plus sanglans, la noblesse qui

(1) Lettres de mad. de Sévigné, du 31 juillet. T. V, p. 138, du 5 août, p. 143, du 19 août, p. 165, du 2 octobre, p. 227.

voyoit que son seul avenir étoit de se faire tuer, pressoit de ses voeux la fin d'une guerre où cependant elle couroit toujours avec empressement. Parmi le peuple dont on n'avoit point cherché à réveiller le point d'honneur ou à exciter l'enthousiasme, le recrutement devenoit difficile. De leur côté les Hollandais ne désiroient pas moins la paix, et ces deux puissances entre lesquelles les hostilités avoient commencé, étoient les plus disposées à un rapprochement. Le roi d'Angleterre s'offrit pour être médiateur entre elles; la ville de Nimègue fut choisie pour y ouvrir un congrès, et les négociateurs français s'y rendirent les premiers, au mois de juin 1676. (1)

Mais si la France et la Hollande désiroient la paix, presque toutes les autres puissances la repoussoient. L'Espagne, dont l'impuissance n'avoit pas diminué l'orgueil, vouloit, par la guerre, recouvrer la Franche-Comté, et tout ce qu'elle avoit été forcée d'abandonner par le traité d'Aix-la-Chapelle. Elle promettoit libéralement toutes les munitions de ses arsenaux, tout l'or de ses mines, toutes ses flottes, tous ses soldats; puis jamais elle ne tenoit ses pro

(1) Basnage, ch. 21, p. 670, et ch. 85, p. 728. — Memoirs of Sir W. Temple. T. II, p. 206. La Hode. L. XXXVII,

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messes; les Hollandais devoient payer pour elle, en même temps que les mécomptes qu'elle occasionnoit, causoient tous leurs revers. L'empereur vouloit recouvrer l'Alsace, rendre la Lorraine à son vassal, et humilier la France; il offroit pour la guerre un bon général, de braves soldats; mais c'étoit toujours à la Hollande qu'il recouroit pour avoir de l'argent, et l'on demandoit aux Hollandais de payer toute l'Europe pour faire la guerre, par reconnoissance de ce que l'Europe étoit venue à leur secours (1). Quant aux princes d'Allemagne, ils songeoient peu au bien-être de leurs sujets, ou aux convenances de la politique générale; ils aimoient la guerre parce qu'elle étoit pour eux une occasion d'obtenir des subsides des grandes puissances, ou de vendre les services de leurs soldats; quelques uns y joignoient le désir de reprendre à la Suède tout ce que l'Allemagne avoit été contrainte de lui céder par le traité de Munster. Enfin le chef lui-même de la république des Provinces-Unies, le prince d'Orange vouloit la guerre, parce qu'elle lui offroit les meilleures chances pour augmenter son pouvoir. Lorsqu'il sut que sir William Temple, le négociateur choisi par son oncle Charles II pour commencer son œuvre de médiation, cherchoit

(1) Sir W. Temple's Memoirs. T. II, p. 382.

à le voir, il employa long-temps divers subterfuges pour éviter de le rencontrer. (1)

Avec des dispositions si peu pacifiques, avec une défiance secrète des alliés à l'égard de l'Angleterre, qui n'étoit que trop fondée, car Charles II, qui se donnoit pour médiateur, avoit cette année même conclu mystérieusement un traité avec Louis XIV qui lui payoit un subside (2), il étoit difficile qu'on avançât dans l'œuvre de la paix. Le roi exigeoit de ses ambassadeurs qu'ils disputassent sur les visites, sur les titres qui se donneroient réciproquement, sur le cortége dont ils seroient suivis; on incidenta sur la forme des passe-ports, sur l'étendue du rayon autour de Nimègue qui seroit reconnu pour neutre : ce ne fut qu'après des délais infinis que les ambassadeurs se rendirent au congrès; les valets de ceux de France et d'Espagne se battirent dans les rues, et jusqu'à la fin de l'année les ministres s'arrêtant toujours sur les préliminaires, n'arrivèrent pas même à entrer en matière. (3)

Le roi jugea enfin qu'il n'avoit qu'un seul

(1) Sir W. Temple's Memoirs. T. II, p. 273 et 291. (2) Flassan, Diplomat. franç. T. III, p. 422.

(3) Flassan. T. III, p. 432. - Lettres de MM. le maréchal d'Estrades, Colbert et d'Avaux, amb. plénipot. à la paix de Nimègue. T. VII, p. 1-483. Sir W. Temple's Memoirs. T. II, p. 332-340.

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- Limiers. L. VIII, p. 330.

1676.

1677.

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