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tous les éléments essentiels d'une époque; or la charte a reconnu et replacé au premier rang le christianisme et la royauté, qui, aujourd'hui, grâce à Dieu, prennent chaque jour de nouvelles forces, de nouveaux accroissements, et par là la Charte a confondu plus d'une vaine théorie, plus d'une entreprise criminelle. Mais en même temps la Charte a absous les principes et les résultats généraux de la révolution française, c'est-à-dire l'œuvre du dix-huitième siècle et par conséquent aussi celle des siècles précédents. La révolution religieuse du seizième siècle est reconnue et agrandie dans la Charte par l'article qui garantit la liberté des cultes. La révolution politique du dix-septième y est représentée par l'introduction des chambres dans le gouvernement du roi et la participation du pays aux affaires du pays : les formes et la langue même du gouvernement représentatif de l'Angleterre de 1688 ont passé dans la Charte française de 1814. Voilà pour les seizième et dix-septième siècles: quant au dix-huitième, l'égalité qu'y avait engendrée la diffusion du principe général de la liberté est consacrée par l'article qui reconnaît tous les Français accessibles à tous les emplois, et qui établit la vraie égalité, la seule égalité possible et légitime, l'égalité devant la loi. Enfin le principe général de la liberté est consacré par la liberté de la presse. Qu'est-ce en effet que la liberté de la presse, sinon la liberté illimitée du raisonnement, le droit d'examen dans toute sa portée, c'est-à-dire le principe de la liberté dans sa plus haute généralité ? Ainsi la Charte elle-même a adopté les réformes religieuses et politiques du seizième et du dix-septième

siècle et la grande révolution du dix-huitième. Dernier résultat des conquêtes de l'humanité, elle les représente et les protége. C'est derrière cette autorité que je place et mes vœux pour l'avenir, et mon opinion sur le passé, et tout mon enseignement.

En dernière analyse, tout examiné et pesé, la part du bien et la part du mal équitablement faite, il me semble, et je n'hésite pas à conclure, avec mes deux honorables collègues et amis M. Guizot et M. Villemain, que le dixhuitième siècle est un très-grand siècle. La mission que lui imposait l'histoire était d'en finir avec le moyen âge; il a rempli cette tragique mission; il n'a rempli que celle-là : un siècle, un seul siècle n'est guère chargé de deux missions à la fois; il a détruit, il n'a rien élevé : il ne pouvait faire davantage. Sur l'abîme de l'immense révolution qu'il a ouverte et qu'il a fermée, le dix-huitième siècle n'a guère laissé que des abstractions, mais ces abstractions sont des vérités immortelles qui contiennent l'avenir. Le dix-neuvième siècle les a recueillies; sa mission est de les réaliser en leur imprimant une organisation vigoureuse. Cette organisation naissante est la Charte, que l'Europe doit à la France, que la France doit à la noble dynastie qui marche à sa tête. C'est sur la Charte et autour de la Charte1 que doit être le travail du dix-neuvième siècle. Plus heureux que nos pères, nés parmi des orages qui sont déjà loin de nous, n'adorons pas en aveugles, n'outrageons pas en ingrats

1 Voyez une analyse plus détaillée de la Charte, INTRODUCTION A L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE, leçon xiii.

le grand siècle qui vient de finir, et qui de son sang et de ses larmes nous a frayé la route à la liberté paisible dont nous jouissons. Étudions-le avec discernement et équité, pour en tirer des leçons salutaires; honorons-le, ne le continuons pas. Ne l'imitons qu'en servant comme lui, mais par des voies différentes, la même cause, celle de la liberté et de la civilisation.

DEUXIÈME LEÇON.

CARACTÈRE DE LA PHILOSOPHIE AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

Sujet de cette leçon: Caractère de la philosophie au dix-huitième siècle. - Du caractère de la philosophie en général. De la religion et de la philosophie; leur fond commun, leurs procédés différents; l'une s'appuyant sur l'autorité, l'autre indépendante. Histoire que dans l'histoire toute distinction est opposition. Orient. Grèce. Moyen âge. Seizième siècle : renaissance de l'indépendance de la raison, révolution qui produit la philosophie moderne.

Dix-sep

tième siècle: il constitue la philosophie moderne: Bacon, Descartes. – Dix-huitième siècle : il la répand et fait de la philosophie une puissance. Le mal le bien. Différence de la mission philosophique du dix-huitième siècle et de celle du dix-neuvième.

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Vous connaissez le caractère général du dix-huitième siècle nous l'avons considéré dans tous les éléments religieux, moraux, politiques, littéraires et scientifiques, dont ce siècle se compose, la philosophie exceptée. C'est cette philosophie qu'il s'agit aujourd'hui de reconnaître c'est son caractère général que je me propose de vous signaler. Or, tout siècle est un, et la philosophie du dix-huitième siècle ne peut que réfléchir l'esprit du siècle auquel elle appartient. Ainsi même mission, même caractère, même destinée; et cette scconde leçon ne peut être qu'une contre-épreuve de la première.

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