Œuvres philosophiques et dramatiques de M. Diderot: Lettre sur les sourds et muets, à l'usage de ceux qui entendent et qui parlent. Lettre sur les aveugles, à l'usage de ceux qui voient

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Page 80 - Qu'est-ce que cet esprit? j'en ai quelquefois senti la présence; mais tout ce que j'en sais, c'est que c'est lui qui fait que les choses sont dites et représentées tout à la fois; que dans le même temps que l'entendement les saisit, l'âme en est émue, l'imagination les voit et l'oreille les entend...
Page 127 - ... qu'en géométrie. Je vais tâcher d'éclaircir cet endroit; car, toutes les fois que vous aurez de la peine à m'entendre, je dois penser que c'est ma faute. L'odorat voluptueux n'aura pu s'arrêter sur des fleurs; l'oreille délicate, être frappée des sons; l'œil prompt et rapide, se promener sur...
Page 243 - Si un homme qui n'a vu que pendant un jour ou deux se trouvait confondu chez un peuple d'aveugles, il faudrait qu'il prît le parti de se taire , ou celui de passer pour un fou. Il leur annoncerait tous les jours quelque nouveau mystère, qui n'en serait un que pour eux, et que les esprits forts se sauraient bon gré de ne pas croire.
Page 15 - Ce serait, à mon avis, une société plaisante, que celle de «cinq personnes dont chacune n'aurait qu'un sens; il n'ya pas de doute que ces gens-là ne se traitassent tous d'insensés; et je vous laisse à penser avec quel fondement. C'est là pourtant une image de ce qui arrive à tout moment dans le monde : on n'a qu'un sens, et l'on juge de tout.
Page 14 - Mon idée serait donc de décomposer, pour ainsi dire, un homme, et de considérer ce qu'il tient de chacun des sens qu'il possède. Je me souviens d'avoir été quelquefois occupé de cette espèce d'anatomie métaphysique; et je trouvais que, de tous les sens, l'œil était le plus superficiel; l'oreille, le plus orgueilleux; l'odorat, le plus voluptueux; le goût, le plus superstitieux et le plus inconstant; le toucher, le plus profond et le plus philosophe.
Page 301 - Vous jugez de l'existence successive du monde, comme la mouche éphémère de la vôtre. Le monde est éternel pour vous, comme vous êtes éternel pour l'être qui ne vit qu'un instant: encore l'insecte est-il plus raisonnable que vous. Quelle suite prodigieuse de générations d'éphémères atteste votre éternité? quelle tradition immense? Cependant nous passerons tous, sans qu'on puisse assigner ni l'étendue réelle que nous occupions, ni le temps précis que nous aurons...
Page 72 - ... se permettent, ces langues sont plus avantageuses pour les lettres. Que nous pouvons mieux qu'aucun autre peuple faire parler l'esprit, et que le bon sens choisirait la langue française ; mais que l'imagination et les passions donneront la préférence aux langues anciennes et à celles de nos voisins.
Page 272 - ... les situations qu'ils inventent, les nuances délicates qu'ils aperçoivent dans les caractères, la naïveté des peintures qu'ils ont à faire, les écartent à tout moment des façons de parler ordinaires...
Page 111 - Latins qui ne connaissent guère cette fausse délicatesse, disaient en leur langue ce qu'ils voulaient, et comme ils le voulaient. Pour nous, à force de raffiner, nous avons appauvri la nôtre, et n'ayant souvent qu'un terme propre à rendre une idée, nous aimons mieux affaiblir l'idée que de ne pas employer un terme noble. Quelle perte pour ceux d'entre nos écrivains qui ont l'imagination forte, que celle de tant de mots que nous revoyons avec plaisir dans Amyot et dans Montaigne.
Page 59 - ... principales du mouvement. Imaginez dans la tête un timbre garni de petits marteaux, d'où partent une multitude infinie de fils, qui se terminent à tous les points de la boîte.

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