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SCENE XIV.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALERE, FROSINE, LA MERLUCHE.

LA MERLUCHE, courant, et faisant tomber Harpagon.

Monsieur...

Ah! je suis mort.

HARPAGON.

CLEANTE.

Qu'est-ce, mon pere? Vous êtes-vous fait mal?

HARPAGON.

Le traître assurément a reçu de l'argent de mes débiteurs pour me faire rompie le cou.

VALERE, à Harpagon.

Cela ne sera rien.

LA MERLUCHE, à Harpagon.

Monsieur, je vous demande pardon; je croyois bien faire d'accourir vite.

HARPAGON.

Que viens-tu faire ici, bourreau ?

LA MERLUCHE.

Vous dire que vos deux chevaux sont déferrés.

HARPAGON.

Qu'on les mene promptement chez le maréchal. CLÉANTE.

En attendant qu'ils soient ferrés, je vais faire pour vous, mon pere, les honneurs de votre logis, et conduire madame dans le jardin, où je ferai porter la collation.

SCENE XV.

HARPAGON, VALERE.

HARPAGON.

Valere, aie un peu l'œil à tout cela; et prends soin, je te prie, de m'en sauver le plus que tu pourras pour le renvoyer au marchand.

C'est assez.

VALERE.

HARPAGON, seul.

O fils impertinent! as-tu envie de me ruiner?

FIN DU TROISIEME ACTE.

ACTE QUATRIEME.

SCENE I.

CLEANTE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE.

RENTRONS

CLÉANTE.

ENTRONS ici, nous serons beaucoup mieux; il n'y a plus autour de nous personne de suspect, et nous pouvons parler librement.

ÉLISE.

Oui, madame, non frere m'a fait confidence de la passion qu'il a pour vous. Je sais les chagrins et les déplaisirs que sont capables de causer de pareilles traverses; et c'est, je vous assure, avec une tendresse extrême que je m'intéresse à votre aventure.

MARIANE.

C'est une douce consolation que de voir dans ses intérêts une personne comme vous; et je vous conjure, madame, de me garder toujours cette généreuse amitié, si capable de m'adoucir les cruautés de la fortune.

FROSINE.

Vous êtes, par ma foi, de malheureuses gens, l'un et l'autre, de ne m'avoir point, avant tout ceci, avertie de votre affaire. Je vous aurois sans doute détourné cette inquiétude, et n'aurois point amené les choses où l'on voit qu'elles sont.

CLEANTE.

Que veux-tu? c'est ma mauvaise destinée qui l'a voulu ainsi. Mais, belle Mariane, quelles résolutions sont les vôtres ?

MARIANE.

Hélas! suis je en pouvoir de faire des résolutions? et, dans la dépendance où je me vois, puis-je former que des souhaits?

CLÉANTE.

Point d'autre appui pour moi dans votre cœur que de simples souhaits? point de pitié officieuse ? point de secourable bonté? point d'affection agissante?

MARIANE.

Que saurois-je vous dire? mettez-vous en ma place, et voyez ce que je puis faire. Avisez, ordonnez vous-même, je m'en remets à vous; et je vous crois trop raisonnable pour vouloir exiger de moi que ce qui peut m'être permis par l'honneur et la bienséance.

CLEANT E.

Hélas! où me réduisez-vous, que de me renvoyer à ce que voudront me permettre les fàcheux sentiments d'un rigoureux honneur et d'une scrupuleuse bienséance?

MARIANE.

Mais que voulez-vous que je fasse? Quand je pourrois passer sur quantité d'égards où notre sexe est obligé, j'ai de la considération pour ma mere: elle m'a toujours élevée avec une tendresse extrême; et je ne saurois me résoudre à lui donner du déplaisir. Faites, agissez auprès d'elle; employez tous vos soins à gagner son esprit; vous pouvez faire et dire tout ce que vous voudrez, je vous en donne la licence; et, s'il ne tient qu'à me déclarer en votre faveur, je veux bien consentir à lui faire un aveu moi-même de tout ce que je sens pour vous.

CLÉANTE.

Frosine, ma pauvre Frosine, voudrois-tu nous

servir ?

FROSINE.

Par ma foi, faut-il le demander? je le voudrois de tout mon cœur. Vous savez que de mon naturel je suis assez humaine. Le ciel ne m'a point fait l'ame de bronze; et je n'ai que trop de tendresse à rendre de petits services, quand je vois des gens qui s'entr'aiment en tout bien et en tout honneur. Que pourrions-nous faire à ceci?

CLÉANTE.

Songe un peu, je te prie.

MARIANE.

Ouvre-nous des lumieres.

ÉLISE.

Trouve quelque invention pour rompre ce que tu as fait.

FROSINE.

Ceci est assez difficile. ( à Mariane.) Pour votre mere, elle n'est pas tout-à-fait déraisonnable; et peutêtre pourroit-on la gagner et la résoudre à transporter au fils le don qu'elle veut faire au pere. (à Cléante.) Mais le mal que j'y trouve, c'est que votre pere est votre pere.

Cela s'entend.

CLEANTE.

FROSIN E.

Je veux dire qu'il conservera du dépit si l'on montre qu'on le refuse, et qu'il ne sera point d'humeur ensuite à donner son consentement à votre mariage. Il faudroit, pour bien faire, que le refus vînt de luimême, et tâcher par quelque moyen de le dégoûter de votre personne.

Tu as raison.

CLEANTE.

FROSINE.

Oui, j'ai raison, je le sais bien. C'est là ce qu'il faudroit; mais le diantre est d'en pouvoir trouver

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