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Vers pour LE ROI représentant Neptune.
Le ciel, entre les dieux les plus considérés,
Me donne pour partage up rang considérable,
Et, me faisant régner sur les flots azurés,
Rend à tout l'univers mon pouvoir redoutable.

Il n'est aucune terre, à me bien regarder,
Qui ne doive trembler que je ne m'y répande;
Point d'états qu'à l'instant je ne puisse inonder
Des flots impétueux que mon pouvoir commande.

Rien n'en peut arrêter le fier débordement ;
Et d'une triple digue à leur force opposée
On les verroit forcer le ferme empêchement,
Et se faire en tous lieux une ouverture aisée.

Mais je sais retenir la fureur de ces flots
Par la sage équité du pouvoir que j'exerce,
Et laisser en tous lieux, au gré des matelots,
La douce liberté d'un paisible commerce.

On trouve des écueils par fois dans mes états,
On voit quelques vaisseaux y périr par l'orage;
Mais contre ma puissance on n'en murmure pas,
Et chez moi la vertų ne fait jamais naufrage.

Pour M. LE GRAND, représentant un dieu marin.

L'empire où nous vivons est fertile en trésors,
Tous les mortels en foule accourent sur ses bords;
Et, pour faire bientôt une haute fortune,

Il ne faut rien qu'avoir la faveur de Neptune.

Pour le marquis DE VILLEROI, représentant un dieu marin.

Sur la foi de ce dieu de l'empire flottant
On peut bien s'embarquer avec toute assurance:
Les flots ont de l'inconstance,

Mais le Neptune est constant.

Pour le marquis DE RASSENT, représentant un dieu marin.

Voguez sur cette mer d'un zele inébranlable;
C'est le moyen d'avoir Neptune favorable.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

SOSTRATE, CLITIDAS.

CLITIDAS, à part.

Il est attaché à ses pensées.

L

SOSTRATE, se croyant seul.

Non, Sostrate, je ne vois rien où tu puisses avoir recours; et tes maux sont d'une nature à ne te laisser nulle espérance d'en sortir.

CLITIDAS, à part.

Il raisonne tout seul.

Hélas!

SOSTRATE, se croyant seul.

CLITIDAS, à part.

Voilà des soupirs qui veulent dire quelque chose, et ma conjecture se trouvera véritable.

SOSTRATE, se croyant seul.

Sur quelles chimeres, dis-moi, pourrois-tu bâtir quelque espoir? et que peux-tu envisager, que l'affreuse longueur d'une vie malheureuse, et des ennuis à ne finir que par la mort ?

CLITIDAS, à part.

Cette tête-là est plus embarrassée que la mienne. SOSTRATE, se croyant seul.

Ah! mon cœur! ah! mon cœur ! où m'avez-vous jeté ?

CLITIDAS.

Serviteur, seigneur Sostrate.

SOSTRATE.

Où vas-tu, Clitidas?

CLITIDA S.

Mais, vous, plutôt, que faites-vous ici? et quelle secrete mélancolie, quelle humeur sombre, s'il vous plaît, vous peut retenir dans ces bois, tandis que tout le monde a couru en foule à la magnificence de la fête dont l'amour du prince Iphicrate vient de régaler sur la mer la promenade des princesses, tandis qu'e 'elles y ont reçu des cadeaux merveilleux de musique et de danse, et qu'on a vu les rochers et les ondes se parer de divinités pour faire honneur à leurs attraits?

SOSTRATE.

Je me figure assez, sans la voir, cette magnificence; et tant de gens d'ordinaire s'empressent à porter de la confusion dans ces sortes de fêtes, que j'ai cru à propos de ne pas augmenter le nombre des importuns.

CLITIDAS.

Vous savez que votre présence ne gâte jamais rien, et que vous n'êtes point de trop en quelque lieu que vous soyez. Votre visage est bien venu par-tout, et il n'a garde d'être de ces visages disgraciés qui ne sont jamais bien recus des regards souverains. Vous êtes également bien auprès des deux princesses; et la mere et la fille vous font assez connoître l'estime qu'elles font de vous, pour n'appréhender pas de fatiguer leurs yeux; et ce n'est pas cette crainte enfin qui vous a retenu.

SOSTRATE.

J'avoue que je n'ai pas naturellement grande cariosité pour ces sortes de choses.

CLITIDAS.

Mon dieu! quand on n'auroit nulle curiosité pour les choses, on en a toujours pour aller où l'on trouve

tout le monde; et, quoi que vous puissiez dire, on ne demeure point tout seul pendant une fête à rêver parmi des arbres comme vous faites, à moins d'avoir en tête quelque chose qui embarrasse.

SOSTRATE.

Que voudrois-tu que j'y pnsse avoir?

CLITIDAS.

Ouais! je ne sais d'où cela vient; mais il sent ici l'amour. Ce n'est pas moi. Ah! par ma foi, c'est vous.

SOSTRATE.

Que tu es fou, Clitidas!

CLITIDAS.

Je ne suis point fou. Vous êtes amoureux; j'ai le nez délicat, et j'ai senti cela d'abord.

SOSTRATE.

Sur quoi prends-tu cette pensée ?

CLITIDAS.

Sur quoi? Vous seriez bien étonné si je vous disois encore de qui vous êtes amoureux.

Moi?

SOSTRATE.

CLITIDAS.

Oui. Je gage que je vais deviner tout-à-l'heure celle que vous aimez. J'ai mes secrets aussi-bien que notre astrologue dont la princesse Aristione est entêtée; et s'il a la science de lire dans les astres la fortune des hommes, j'ai celle de lire dans les yeux le nom des personnes qu'on aime. Tenez-vous un peu, et ouvrez les yeux. E, par soi, é; r, i, ri, éri; p, h, i, phi; ériphi; 1, e, le; Eriphile. Vous êtes amoureux de la princesse Eriphile.

SOSTRATE.

Ah! Clitidas, j'avoue que je ne puis cacher mon trouble; et tu me frappes d'un coup de foudre.

CLITIDAS.

Vous voyez si je suis savant!

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