Page images
PDF
EPUB

SBRIGAN I.

En voilà du plus fin encore.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ces mots-là me viennent sans que je les sache.

SBRIGANI.

Il me semble que le sens commun d'un gentilhomme peut bien aller à concevoir ce qui est du droit et de l'ordre de la justice, mais non pas à savoir les vrais termes de la chicane.

M. DE POURCEAUGNA C.

Ce sont quelques mots que j'ai retenus en lisant les romans.

Ah! fort bien.

SBRIGANI.

M. DE POURCEAUGNAC.

Pour vous montrer que je n'entends rien du tout à la chicane, je vous prie de me mener chez quelque avocat pour consulter mon affaire.

SBRIGANI.

Je le veux, et vais vous conduire chez deux hommes fort habiles: mais j'ai auparavant à vous avertir de n'être point surpris de leur maniere de parler; ils ont contracté du barreau certaine habitude de déclamation, qui fait que l'on diroit qu'ils chantent, et vous prendrez pour musique tout ce qu'ils vous di

ront.

M. DE POURCEAUGNAC.

Qu'importe comme ils parlent, pourvu qu'ils me disent ce que je veux savoir?

[ocr errors]

SCENE XIII.

M. DE POURCEAUGNAC, SBRIGANI, DEUX AVOCATS, DEUX PROCUREURS, DEUX SERGENTS.

PREMIER AVOCAT, traînant ses paroles en chantant.

La polygamie est un cas,
Est un cas pendable.

SECOND AVOCAT, chantant fort vite en bredouillant.

Votre fait

Est clair et net;
Et tout le droit,

Sur cet endroit,

Conclut tout droit.

Si vous consultez nos auteurs,
Législateurs et glossateurs,
Justinian, Papinian,
Ulpian et Tribonian,

Fernand, Rebuffe, Jean Imole,
Paul Castre, Julian, Barthole,
Jason, Alciat, et Cujas

Ce grand homme si capable,
La polygamie est un cas,
Est un cas pendable.

ENTRÉE DE BALLET.

Danse de deux procureurs et de deux sergents. Pendant que LE SECOND AVOCAT chante les paroles qui suivent:

Tous les peuples policés,

Et bien sensés,

Les François, Anglois, Hollandois,

L

Danois, Suédois, Polonois,
Portugais, Espagnols, Flamands,
Italiens, Allemands,

Sur ce fait tiennent loi semblable;
Et l'affaire est sans embarras.
La polygamie est un cas,
Est un cas pendable.

LE PREMIER AVOCAT chante celles-ci :
La polygamie est un cas,

Est un cas pendable.

(M. de Pourceaugnac, impatienté, les chasse.)

FIN DU SECOND ACT E.

ACTE TROISIEME.

SCENE I.

ÉRASTE, SBRIGANI.

SBRIGANI.

Oui, les choses s'acheminent où nous voulons ; et comme ses lumieres sont fort petites, et son sens le plus borné du monde, je lui ai fait prendre une frayeur si grande de la sévérité de la justice de ce

pays, et des apprêts qu'on faisoit déja pour sa mort, qu'il veut prendre la fuite; et, pour se dérober avec plus de facilité aux gens que je lui ai dit qu'on avoit mis pour l'arrêter aux portes de la ville, il s'est résolu à se déguiser, et le déguisement qu'il a pris est l'habit d'une femme.

É RASTE.

Je voudrois bien le voir en cet équipage.

SBRIGANI.

Songez de votre part à achever la comédie; et tandis que je jouerai mes scenes avec lui, allez-vous-en. (Il lui parle à l'oreille.) Vous entendez bien? É RASTE.

Oui.

SBRIGANI.

Et lorsque je l'aurai mis où je veux... ( Il lui parle à l'oreille.)

Fort bien.

ÉRASTE.

SBRIGANI.

Et quand le pere aura été averti par moi... ( Il lui parle encore à l'oreille.)

ÉRASTE.

Cela va le mieux du monde.

SBRIGANI.

Voici notre demoiselle. Allez vite, qu'il ne nous voie ensemble.

SCENE II.

M. DE POURCEAUGNAC, en femme; SBRIGANI.

SBRIGANI.

Pour moi, je ne crois pas qu'en cet état on puisse jamais vous connoître; et vous avez la mine comme cela d'une femme de condition.

M. DE POURCEAUGNAC.

Voilà qui m'étonne, qu'en ce pays-ci les formes de la justice ne soient point observées.

SBRIGANI.

Oui, je vous l'ai déja dit, ils commencent ici par faire pendre un homme, et puis ils lui font son procès.

M. DE POURCEAUGNAC.

Voilà une justice bien injuste.

SBRIGAN I.

Elle est sévere comme tous les diables, particulièrement sur ces sortes de crimes.

M. DE POURCEAUGNAC.

Mais quand on est innocent?

SBRIGANI.

N'importe, ils ne s'enquêtent point de cela : et puis ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays; et ils ne sont pas plus ravis que de voir pendre un Limosin.

M. DE POURCEAUGNAC.

Qu'est-ce que les Limosins leur ont donc fait?

SBRIGANI.

Ce sont des brutaux, ennemis de la gentillesse et

« PreviousContinue »