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EPITRE III

A MONSIEUR ARNAULD;

DOCTEUR DE SORBONNE.

OUI,

UI, fans peine, au travers des fophifmes de
Claude,

Arnauld, des Novateurs tu découvres la fraude,
Et romps de leurs erreurs les filets captieux.
Mais que fert que ta main leur desfille les yeux,

REMARQUES.

Vers 1 & 2. Au travers des fophifmes de Claude's Arnaud, &c. ] Il étoit alors occupé à écrire contre le Sieur Claude, Miniftre de Charenton. DESP.

Jean Claude, l'un des plus favants hommes de la Religion Prétendue Réformée, naquit en 1619, à la Sauvetat dans l'Agénois. Son rare mérite le fit recevoir Miniftre à l'âge de 26 ans. Quoiqu'il eût un extérieur peu impofant, une voix affez défagréable, & même un tile peu brillant, fon éloquence étoit cependant trèsféduifante. Sa maniere d'écrire eft exacte & fertée; & l'on trouve dans fes Ouvrages un grand fond d'érudition, une grande jufteffe d'efprit, & une adreffe merveilleufe à mettre en œuvre toutes les fineffes de la Logique. Les qualités du cœur répondoient à celles de refprit. Il paffoit même parmi fes Adverfaires pour un parfaitement honnête homme. Il étoit en France Pame de fon Parti; & c'eft, pour ainfi dire, au nom du Corps des Proteftants, qu'il eft entré de vive voix & par écrit, en lice avec les plus Grands Hommes de la Catholicité, les Arnaulds, les Boffuets, les Nicoles, &c. A la révocation de l'Edit de Nantes, il fe retira à la Haye, où il mourut le 12 Janvier 1676.

Antoine Arnauld, Docteur de la Maifon & Société de

5 Si toujours dans leur ame une pudeur rebelle,
Prêts d'embraffer l'Eglife, au Prêche les rappelle?
Non, ne crois pas que Claude habile à fe tromper,
Soit infenfible aux traits dont tu le fais frapper :

Mais un Démon l'arrête, & quand ta voix l'attire, 10 Lui dit: Se tu te rends, fais-tu ce qu'on va dire? Dans fon heureux retour lui montre un faux malheur,

REMARQUES.

Sorbonne, illuftre par fes difgraces & par fa vafte érudition, nâquit à Paris, le 6 Février 1612. Il fut reçu à la Maifon de Sorbonne d'une maniere affez finguliere. Il avoit commencé fa Licence, fans avoir fait les démarches néceffaires pour être admis dans cette Société. Comme, fuivant les regles ordinaires, il n'y pouvoit plus être reçu, la Maifon demanda au Cardinal de Ri chelieu, fon Provifeur, que ce jeune Bachelier, à cause de fon rare mérite, fût reçu extraordinairement. Mais de puiffants ennemis l'avoient deffervi auprès de cette Eminence. Cette grace lui fut alors refufée, & même encore un an après la mort du Cardinal. Mais enfin le mérite l'emporta fur la Cabale, & il fut reçu à la fin d'Octobre 1643. Il avoit pris le bonnet de Docteur dès le 15 Décembre 1641. Il me s'eft guere trouvé de Génie d'une étendue pareille à celui de ce Docteur. Grammaire, Belles-Lettres, Géométrie, Logique, Physique Métaphysique, Théologie, Droit Civil & Canonique; en un mot, toutes les Sciences étoient de fon reffort. Il a déployé tout ce qu'elles ont de plus folide & de plus fubtil dans la multitude immenfe d'excellents Ouvrages, qu'il a donnés au Public. De fi riches talents, qui n'auroient dû lui procurer que des admirateurs, lui fufciterent des ennemis, qui réuffirent enfin à le rendre fufpect à la Cour. Il crut alors devoir fortir du Royau& fe retira dans les Pays-Bas, où il continua de fe fignaler par de nouvelles productions, qui le rendirent également redoutable aux Proteftants & à ceux qui l'avoient forcé d'abandonner fa Patrie. Il mourut à Bruxelles le 8 Août 1694. Cette longue Note eft de l'Edition de Paris 173 §

me,

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Lui peint de Charenton l'hérétique douleur;
Et balançant Dieu même en fon ame flottante,

Fait mourit dans fon cœur la vérité naiffante.
15 Des fuperbes Mortels le plus affreux lien,
N'en doutons point, Arnauld, c'est la honte du bien
Des plus nobles vertus cette adroite ennemie,
Peint l'honneur à nos yeux des traits de l'infamie,
Affervit nos efprits fous un joug rigoureux,
20 Et nous rend l'un de l'autre efclaves malheureux :
Par elle la vertu devient lâche & timide.
Vois-tu ce Libertin en Public intrépide,

Qui prêche contre un Dieu que dans fon ame il croit? Il iroit embraffer la vérité qu'il voit;

25 Mais de fes faux amis il craint la raillerie,
Et ne brave ainfi Dieu que par poltronnerie.

C'est là de tous nos maux le fatal fondement.
Des jugements d'autrui nous tremblons follement ;

REMARQUES.

VERS 12. Lui peint_de_Charenton, &c. ] Lieu près de Paris, où ceux de la R. P. R. avoient un Temple. DESP

IMIT. Vers 16. C'eft la honte du bien. J Ce demivers, qui exprime le fujet de cette Epitre, eit une efpece d'imitation d'Horace, L. I, Ep. XVI, vers 24*.

Stultorum incurata pudor malus ulcera celat.

VERS 27. C'est la de tous nos maux le fatal fondement. I HOMERE, Iliade, Liv. XXIV, v. 44, dit que la honte eft un des plus grands maux, & un des plus grands biens. En effet, elle eft un grand mal, quand elle empêche de faire le bien. Elle est un grand bien, lorfqu'elle empêche de faire le mal

Et chacun l'un de l'autre adorant les caprices, 30 Nous cherchons hors de nous nos vertus & nos vices, Miférables jouets de notre vanité,

Faifons au moins l'aveu de notre infirmité.

A quoi bon quand la fievre en nos arteres brûle,
Faire de notre mal un fecret ridicule ?

35 Le feu fort de vos yeux pétillants & troublés,
Votre pouls inégal marche à pas redoublés:
Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige?
Qu'avez-vous? Je n'ai rien. Mais....... Je n'ai rien
vous dis-je,

REMARQUES.

IMIT. Vers 30. Nous cherchons hors de nous nos vertus &nos vices. Ce Vers exprime le véritable fens de ces mots de Perfe, Satyre I. Nec te quafiveris extra. Cette expreffion eft fort ferrée, & c'eft une de celles que notre Auteur avoit en vue, quand il a dit dans fon Art Poétique, Chant II, Vers 155:

Perfe en fes vers obfcurs, mais ferrés & pressants,
Affecta d'enfermer moins de mots que de fens.

C'est encore à ces mots de Perfe, que l'Auteur fait al-
lufion, quand il dit, Epitre V, Vers 6:

Je fonge à me connoître, & me cherche en moi-même.

IMIT. Vers 33. A quoi bon, quand la fievre en nos ar→ teres brûle, &c.] Horace, Liv. I, Ep. XVI, Vers 21:

New fi te populus fanum recteque valentem
Dicitet, occultam febrem, fub tempus edendi,
Diffimules, donec manibus tremor incidat unctis.

IMIT. Vers 38. Qu'avez-vous ? Je n'ai rien. Mais..........
Je n'ai rien, vous dis-je. 1 PERSE, Satyre III, Vers 94

Répondra ce Malade à fe taire obstiné.
40 Mais cependant voilà tout fon corps cangrené
Et la fievre demain fe rendant la plus forte,
Un benitier aux piés va l'étendre à la porte.
Prévenons fagement un fi jufte malheur.

Le jour fatal eft proche & vient comme un voleur, 45 Avant qu'à nos erreurs le Ciel nous abandonne, Profitons de l'inftant que de grace il nous donne. Hâtons-nous; le Temps fuit, & nous traîne avec foi. Le moment où je parle eft déja loin de moi.

REMARQUES.

Heus, bone, tu palles. Nihil est. Videas tamen istud,
Quidquid id eft.

IMIT. Vers 42. - Va l'étendre à la porte. ] PERSE dit encore dans la même Satyre, vers 105:

In portam rigidos calces extendit.

IMIT. Vers 44. Le jour fatal eft proche & vient comme un voleur. Cette comparaifon de la Mort avec un vo◄ leur, est tirée des Livres Saints. Vigilate ergo, dit JESUSCHRIST, quia nefcitis quâ horâ Dominus vefter venturus fit... Si fciret paterfamilias quâ horâ Fur venturus effet, vigilaret utique. Matth. XXIV, 42. Luc. XII, 39. Scitis quia dies Domini ficut Fur in nocte, ita veniet, I. ad Theffal. V. 2. Si ergo non vigilaveris, veniam ad te tanquam Fur, & nefcies quâ horâ veniam ad te. Apocal. III, 3.

IMIT. Vers 47 & 48. Hâtons-nous; le Temps fuit, & nous traîne avec foi. Le moment où je parle est déja loin de moi. ] PERSE Satyre V. DESP.

Ces deux Vers font une paraphrafe de ce mot de Perfe, Vers 153 de la Sat. citée par l'Auteur:

Fugit hora; hoc quod loquor inde eft.

IMIT. Ibid. Le moment où je parle. ] L'Auteur qui fe

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