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105 Sans chercher dans les Vers ni cadence ni son, Il s'en aille admirer la favoir de Pradon,

REMARQUES.

IMIT. Vers 15. Sans chercher dans les Vers ni cadence ni fon. ] C'eft ce qu'Horace, dans fon Art Poét. Vers 263, appelle immodulata poëmata.

VERS 106. Il s'en aille admirer le favoir de Pradon.] Ce Poëte étoit très-ignorant. Un jour, au fortir d'une de ses Tragédies, M. le Prince de Conti l'ainé lui dit qu'il avoit mis en Europe une Ville d'Afie. Je prie votre Alteffe de m'excufer, répondit PRADON, car je ne sai pas trop bien la Chronologie.

AVIS SUR LA VIII. EPITRE.

QUoique P'Epitre IV, fur la Campagne de Hol

lande, eût été faite peu de temps après que le Roi cut gratifié l'Auteur d'une Penfion, & qu'il l'eût compofée pour marquer fa reconnoiffance envers Sa Majesté; il crut lui devoir encore adreffer l'Epitre VIII, pour le remercier plus particuliérement de fes bienfaits. C'eft pour cela qu'il appelloit celle-ci fon Remerciement. It la fit en 1675, & la récita lui-même au Roi; mais il ne la laiffa paroître que l'année fuivante, pour les raifons que l'on dira dans la Remarque fur le Vers 2. Au refte cette Piece, quant au fond, eft toute de l'invention de l'Auteur. Il y foutient ingénieufement le personnage d'un Satyrique, chagrin de fe voir forcé de louer, & qui feignant de ne savoir comment s'y prendre, n'en trouve que mieux le de louer d'une ma◄

niere auffi délicate que neuve.

moyen

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EPITRE VIII.

AURO I.

GRAND ROI, ceffe de vaincre, ouje ceffe d'écrire.

Tu fais bien que mon style eft né pour la Satyre:
Mais mon Esprit contraint de la défavouer,
Sous Ton Régne étonnant ne veut plus que louer.
5 Tantôt, dans les ardeurs de ce zele incommode,
Je fonge à mesurer les fyllabes d'une Ode:
Tantôt, d'une Enéide Auteur ambitieux,
Je m'en forme déja le plan audacieux.
Ainfi toujours flatté d'une douce manie,
10 Je fens de jour en jour dépérir mon génie;

REMARQUES.

VERS 1. Grand Roi, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire. Ce Vers fut caufe que cette Epitre ne fut pas donnée au Public en 1675. La fin de la Campagne de cette année ne fut pas heureufe. Le Maréchal de Turenne fut tué d'un coup de canon, le 27 de Juillet après quoi nos Troupes furent obligées de repafler le Rhin, & de revenir en Alface. Le 12 d'Août, le Maréchal de Créqui perdit la Bataille de Confabruck, & s'étant fauvé dans Treves qui étoit affiégée, la Ville fut rendue malgré lui, & il fut fait prifonnier de guerre. Ces revers obligerent notre Auteur à ne point faire paroître alors fon Epitre, de peur que fes Ennemis ne fiffent paffer le premier Vers pour une raillerie. Il l'avoit bien changé ainsi : Grand Roi, fois moins louable, ou je ceffe d'écrire. Mais qu'il s'en falloit que ce dernier Vers eût la beauté du premier ! L'Auteur aima mieux attendre, que de fupprimer un des plus beaux traits qui fuflent fortis de fa plume.

Et mes Vers en ce ftyle ennuyeux, sans appas, Déshonorent ma plume, & ne T'honorent pas. Encor, fi ta valeur à tout vaincre obstinée, Nous laiffoit pour le moins refpirer une année, 15 Peut-être mon Efprit, prompt à reffusciter, Du temps qu'il a perdu fauroit fe racquitter.

20

Sur ces nombreux défauts, merveilleux à décrire Le Siecle m'offre encor plus d'un bon mot à dire. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcés, Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffes.

REMARQUES.

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il

CHANG. Vers 17. Sur fes nombreux défauts, merveil-
leux à décrire. ] Au lieu de ce Vers & du fuivant
y avoit ceux-ci dans toutes les Editions qui ont précé-
dé celle de 1713 :

Le Parnaffe François, non exempt de tous crimes,
Offre encore à mes Vers des fujets des rimes.

On fit entendre à l'Auteur, & lui-même le fentit, que
le premier Vers étoit exprimé durement, & que d'ail-
leurs c'étoit borner trop la Satyre, que de la renfer-
mer dans la cenfure des mauvais Auteurs. Il fit au moins
quarante Vers pour en trouver deux autres qui lui pluf-
fent, & s'en tint enfin à ceux qui font ici.

CHANG. Vers 19. Mais à peine Dinan & Limbourg sont forcés, &c. ] Il y avoit dans la premiere compofition:

Mais à peine Salins & Dole font forcés,

Qu'il faut chanter Dinan & Limbourg terrasses.

Salins & Dole avoient été conquis en 1674, avec le refte de la Franche-Comté. Dinan & Limbourg furent pris l'année fuivante au commencement de la campagne. Ces quatre Villes étant les dernieres conquêtes

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Ton courage affamé de péril & de gloire,

Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire.

Souvent ce qu'un feul jour Te voit exécuter

Nous laiffe pour un an d'actions à conter.

Que fi quelquefois las de forcer des murailles,
Le foin de Tes Sujets Te rappelle à Versailles,
Tu viens m'embarraffer de mille autres vertus.
Te voyant de plus près, je t'admire encor plus.
Dans les nobles douceurs d'un féjour plein de char-
mės,

30 Tu n'es pas moins Héros qu'au milieu des alarmes.
De Ton Trône agrandi portant feul tout le faix,

Tu cultives les Arts, Tu répands les bienfaits;
Tu fais récompenfer jufqu'aux Muses critiques.
Ah! croi-moi, c'en eft trop. Nous autres Satyriques,
35 Propres à relever les fottifes du temps,

Nous fommes un peu nés pour être mécontents.
Notre Mufe, fouvent pareffeufe & stérile

A befoin, pour marcher, de colere & de bile.
Notre style languit dans un remerciement :

40 Mais, GRAND ROI, nous favons nous plaindre élégamment.

O! que fi je vivois fous les regnes finiftres

REMARQUES.

du Roi en 1675, l'Auteur les avoit nommées dans fon Epitre. Mais quand il la publia en 1676, il ôta les deux premieres, & leur fubftitua Bouchain & Condé, qui avoient été pris en Avril & en Mai de cette même année.

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